Quand Hafedh met son père dos au mur !

Quand Hafedh met son père dos au mur !

Le président de la République Béji Caid Essebsi se trouve dans une situation fort embarrassante à propos de la position à prendre concernant le changement ou non du gouvernement. Son fils Hafedh, le directeur exécutif de Nidaa Tounes, l’a mis dos au mur. Son violent réquisitoire contre le gouvernement Youssef Chahed qui comprend une douzaine de ministres et de secrétaires d'état du Nidaa,  soufflé par « ses mauvais génies », n’a pas laissé au chef de l’Etat la moindre petite marge de manœuvre pour se prononcer sur la question. Bien pis, le réquisitoire du fils a suscité des réactions, pour la plupart hostiles, même au sein de son groupe parlementaire. Des députés réputés proches du père, comme Mustapha Ben Ahmed qui a piloté une pétition pour rendre le pouvoir au parlement, ne sont pas allés par le dos de la cuillère en annonçant carrément leur opposition à la démarche. Ce n’est pas parce que le gouvernement a un bilan positif, au contraire, son échec est patent, mais parce que le débat s’est réduit à un duel à mort entre Hafedh Caid Essebsi et Youssef Chahed.

Le directeur exécutif de Nidaa, après avoir désespéré de son « allié » Ennahdha pour descendre le gouvernement, a trouvé en Noureddine Tabboubi, le secrétaire général de l’UGTT, un allié de taille. Ce dernier n’a de cesse de critiquer violemment la gestion de Youssef Chahed appelant à un remaniement en profondeur du gouvernement qui toucherait son chef. Et même si les intentions ne sont pas les mêmes, Tabboubi défend les intérêts des travailleurs et Essebsi Junior ceux de son parti, les deux hommes se sont mis d’accord sur la nécessité de renvoyer Youssef Chahed à ses chères études.

Du coup, Béji Caid Essebsi qui devait trancher ce dernier point du Document de Carthage 2, a perdu l’initiative. Il a, en effet, tenu à préciser, à l'ouverture des travaux de la commission des présidents et secrétaires généraux des partis politiques et des organisations nationales qu’il n’a pas pour rôle, en tant que président de la République, dans le changement du chef du gouvernement, ni l'intention d'empiéter sur les prérogatives du parlement tel que rapporté par certaines parties. S’il se prononce pour un changement du gouvernement, sa décision, même rationnelle, sera considérée comme un ralliement à son fils sous la pression de ce dernier et renforcera un Youssef Chahed affaibli.

C’est pourquoi, à moins que le chef du gouvernement n’anticipe tout le monde pour annoncer sa démission, la question du changement du gouvernement doit revenir à l’ARP. Ceux qui veulent sa destitution n’ont qu’à appliquer l’article 97 de la Constitution en présentant « une motion de censure ». Le groupe parlementaire de Nidaa Tounes composé actuellement de 56 membres qui ne sont pas tous favorables à la destitution du gouvernement, pourrait engager cette procédure et présenter « une demande motivée, au Président de l’Assemblée des représentants du peuple par au moins le tiers de ses membres. La motion de censure ne peut être votée qu’à l’expiration d’un délai de quinze jours à compter de son dépôt auprès de la présidence de l’Assemblée. Le retrait de confiance au Gouvernement requiert l’approbation de la majorité absolue des membres de l’Assemblée et la présentation d'un candidat en remplacement du Chef du Gouvernement dont la candidature doit être approuvée lors du même vote et que le Président de la République charge de former un Gouvernement, conformément aux dispositions de l’article 89. Si la majorité indiquée n’est pas atteinte, une nouvelle motion de censure ne peut être présentée contre le Gouvernement qu’à l’expiration d’un délai de six mois ».

Il est évident que sans l’adhésion du groupe parlement du mouvement Ennahdha composé de 68 membres, cette démarche n’aurait aucune chance d’aboutir. Le mouvement de Rached Ghannouchi a fait part de son opposition à un changement de gouvernement et préconise plutôt un remaniement partiel. Mais connaissant ses revirements, comme ce fut le cas pour Habib Essid, tout pourrait se produire.

B.O

Votre commentaire