Que se passe-t-il, on ne reconnaît plus notre Tunisie !

Que  se passe-t-il, on ne reconnaît plus notre Tunisie !

 

A quelques jours du 6ème anniversaire du fameux 14 janvier 2011, un tournant dans l’histoire du pays, la Tunisie a beaucoup changé. Notre propos n’est pas de faire le bilan politique de la transition démocratique, mais de jeter un regard sur le comportement des Tunisiens. Sur ce plan, on ne peut que faire le constat que tout va de travers et que le pire n’est pas simplement atteint mais il est encore à redouter.

Si on s’en tient à ces derniers jours que voit-on ? Collusion entre bus et un train près de Jebel Jelloud à un passage à niveau dont les barrières ne fonctionnent pas. Bilan : cinq morts et une quarantaine de blessés. Ce n’est le seul croisement dont les barrières sont à l’arrêt, le lendemain à Gafsa et le surlendemain à Gaafour, deux accidents de même nature fauchent la vie de citoyens innocents.

Que fait-on ? Le président de la République pique une colère homérique et désigne du doigt à juste titre le laxisme et le laisser-aller. Pourtant on fait payer les lampistes car l’on n’est pas sûr que la PDG de la SNCFT désignée à la vindicte générale fût capable de faire l’acquisition de nouvelles barrières en lieu et place des barrières détériorées. Car dans notre système hautement centralisée tout dépend du ministre et de lui seul. D’ailleurs Anis Ghédira a annoncé le jour même que le marché concernant ces appareils venait d’être autorisé. Vous remarquerez que pour la moindre acquisition de bus pour la dernière des sociétés régionales de transport est annoncée par le ministre des Transports. Mais quand il s’agit de responsabilité ce n’est pas lui, ce sont les autres.

Si on veut bâtir une démocratie responsable et crédible il faut que les hauts dirigeants par eux-mêmes démissionnent quand de graves dysfonctionnements sont constatés dans leur secteur. On chuchote que le ministre des Transports acquiert son impunité du fait qu’il est un dirigeant de premier plan sinon un des fondateurs du parti présidentiel Nidaa Tounés.

D’ailleurs c’est cette impunité accordée à ceux qui sont soutenus politiquement qui fait le plus grand mal au pays. Le gouverneur de Sfax qui vient d’être déchargé de ses fonctions après l’épisode rocambolesque de l’assassinat de Mohamed Zouari en est un exemple flagrant. Les méfaits de ce responsable sont connus de tous : des mosquées hors contrôle, une société pétrolière (Petrofac) qui va de blocage en blocage à cause de questions qui lui sont étrangères, une grande région à l’abandon minée par la pollution et la désertification culturelle. Pourtant l’homme dont on connait les appuis a continué à régner au grand dam des Sfaxiens qui ont pourtant multiplié les « dégage » à son encontre. Mais l’exemple de ce haut responsable régional n’est pas le seul.

D’autres gouverneurs, délégués, PDG, parce qu’ils sont soutenus par Nidaa Tounés font la pluie et le beau temps sans jamais être inquiétés. Venons-en à cet épisode de l’assassinat de Mohamed Zouari ! Certes aucun Etat ne peut échapper à ce genre de crime s’il est bien ficelé et hautement ordonné. Mais à l’évidence, les malfaiteurs ont agi avec une déconcertante facilité. Se déplaçant entre Tunis et Sfax, planifiant leur méfait selon un plan A et un plan B avec placement de véhicules à des endroits indiqués à l’avance avec la clé sur l’engin sans que cela n’attire l’attention de personne. Des témoins à l’université parlent d’un belge qui essayait d’entrer en contact avec la victime sans que cela ne mettait la puce à l’oreille des services concernés. L’entrée et la sortie en moins de vingt quatre heures du journaliste de la télévision israélienne posent encore avec plus d’acuité des interrogations sur la vigilance de nos services de sécurité alors que nous sommes en état d’urgence depuis plusieurs mois.

Là aussi on fait payer les lampistes. Le ministre de l’Intérieur aurait dû poser par lui-même l’opportunité de son maintien à son poste en remettant son portefeuille entre les mains du chef du gouvernement quitte à ce que celui-ci lui renouvelle sa confiance. C’est cela le comportement responsable. Au début des années 1970, suite à l’évasion d’Ahmed Ben Salah de la prison civile de Tunis, Feu Hédi Khefacha ministre de l’Intérieur de l’époque (il était responsable des prisons) a remis sa démission à Bourguiba qui l’a accepté. D’ailleurs il en a parlé sans un de ses discours. Il devait le nommer quelques mois plus tard dans un autre département. Pourtant pour la petite histoire Khefacha était le cousin du Zaïm et dans le système de l’époque on ne démissionne jamais.

D’autres comportements sont tout aussi étranges. Ce qui vient de se passer lors du match Club Africain-Paris-Saint-Germain pose de vraies questions. Voilà un match gala offert aux Tunisiens pour redorer le blason de la Tunisie et montrer que c’est un pays sûr et accueillant. Que voit-on. Un match qui se termine dans la violence d’autant plus gratuite qu’elle mettait face-à-face les supporters d’un même grand club tunisien. Un match sans véritable enjeu aurait dû être une fête. Mais c’est une fête gâchée puisque le trophée n’est même remis et la rencontre se termine en queue de poisson.

Cette violence allait frapper hors du stade lorsqu’un jeune adolescent fier d’arborer les couleurs de son club bien-aimé se fait attaquer au sortir du match. Victime d’un braquage, il se défend. Il est alors poignardé près du cœur. Il dort depuis dans une clinique entre la vie et la mort.

D’ailleurs les braquages sont devenus dans nos villes et nos cités monnaie courante et cela se passe parfois en plein jour devant les passants médusés. D’ailleurs lorsqu’on va se plaindre devant les postes de police c’est à peine si on vous écoute. Tant que vous êtes en vie et que ce qu’on vous a subtilisé n’a pas grande valeur on vous demande d’aller voir ailleurs.

Violence, laxisme, laisser-aller, impunité sont devenus le lot quotidien des Tunisiens. Il suffit de se déplacer à pied ou en voiture pour le constater. Les feux rouges et les signalisations sur les routes ne sont pas respectés. La courtoisie n’est plus de mise. On n’a plus de considération ni pour les vieux ni pour les femmes. Les regards de travers ne sont pas rares pour peu que vous soyez dans une belle voiture ou avec de belles personnes. L’agent de l’ordre est rarement obéi quand il n’est pas insulté.

L’on a parlé de la restauration de l’autorité de l’Etat. Malheureusement cette autorité est mise à mal tous les jours un peu plus. Il faudrait que cela cesse.

Des mesures draconiennes sont peut-être indispensables. Il faut les prendre et au plus vite, sinon la situation risque de devenir incontrôlable.

Raouf Ben Rejeb

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