Qui veut mener la Tunisie à la guerre civile ?
La Tunisie a-t-elle besoin d’une guerre civile ? Sûrement pas, bien que les prémices d’une guerre soient bien présentes. Le politique aura finalement eu raison des préoccupations premières des Tunisiens, de plus en plus convaincus qu’on leur a volé leur révolution.
Pourquoi s’en cacher ! Les luttes politiques qui sont en train d’être menées tambour battant ont débordé depuis belle lurette. Et aujourd’hui, cette course au pouvoir a déséquilibré la balance démocratique au point que les forces politiques, aveuglées par cette infinie recherche de la démocratie telle qu’elle est conçue en théorie, ont d’abord cherché à préserver leurs intérêts de peur de se faire annihiler par une partie adverse.
Au fin fond de cet imbroglio politique qui ressemble beaucoup à une partie d’échecs jouée sur un iceberg, les risques de séisme deviennent plus grands.
La Tunisie actuelle est comme cette barque à la dérive qui se dirige dangereusement vers l’iceberg. On appréhende le choc tant attendu tout en sous-estimant la partie immergée.
Les politiques, aveuglés comme ils sont par les prochaines échéances, ne semblent pas se soucier du choc frontal. Ennahdha continue à s’étaler dans ses anachronismes alors que l’opposition, de Nidaa Tounes en passant par Al-Joumhouri et autres partis satellites, ne cessent de faire des fixations sans pour autant proposer des solutions.
L’immobilisme qui caractérise tout le paysage politique a engendré toutes sortes de réactions et de comportements qu’il est désormais difficile de contrôler.
Ennahdha n’a pas jugé bon de réagir au quart de tour quand la situation l’exigeait. Il a montré beaucoup de signes de faiblesse face à des situations extrêmes, il a parfois "attisé le feu" et alimenté les amalgames sans pour autant donner les éclaircissements nécessaires. En d’autres termes, Ennahdha a minimisé le cas salafiste convaincu comme il est de sa propre légitimité. Mais être au pouvoir ce n’est ni satisfaire telle partie ni éviter de mécontenter telle autre ; c’est être au service de l’Etat, des lois et du droit. Ennahdha a joué à ce double jeu et s’est brûlé les doigts…
Quand on fait partie de l’opposition, on ne doit jamais oublier que le pouvoir se mérite d’abord par ce qu’on propose et non par ce que les autres tentent d’imposer. L’extrémisme de certaines parties qui cherchent à opposer frontalement les islamistes d’Ennahdha et les salafistes sont en train de mener ce pays vers le naufrage de la guerre civile.
L’erreur est partagée et aujourd’hui, ce pays est embarqué vers un dangereux virage qui pourrait lui être fatal. En fin de compte, ce sont les politiques qui risquent bien de signer l’arrêt de mort de ce pays.
Certains ont eu le culot de relativiser la mort des deux salafistes de Douar Hicher. Ils devraient revoir leurs calculs car ces événements marquent en fait le point de départ d’une guerre entre djihadistes et "mécréants" dont fait (curieusement) partie Ennahdha.
L’intervention de l’imam Nasreddine Aloui, jeudi soir en direct sur Attounissia TV illustre ce nouvel ordre. Nasreddine Aloui a lancé des appels à la lutte jusqu’à la mort entre les salafistes et les forces de l’ordre. Il a considéré les deux ministres Samir Dilou et Ali Laarayedh, tous deux présents sur le plateau de l’émission, ainsi que les autres invités de mécréants. Il a aussi accusé Ennahdha et les différents acteurs de la scène politique d’être les pions des USA.
Il a carrément appelé au djihad, en direct à la télévision devant un ministre des Droits de l'homme et de la justice transitionnelle et un ministre de l’Intérieur ébahis.
Dès lors, l’on se demande à qui profite désormais cette escalade alors qu’on a toujours considéré que les salafistes étaient le bras armé d’Ennahdha.
Ennahdha est désormais face à une énorme responsabilité. En cas d’embrasement, le mouvement islamiste signerait sa fin politique ; ce que souhaitent de nombreuses parties. Mais d’un autre côté, un affrontement avec les salafistes bénéficierait à Ennahdha en termes de crédibilité politique.
Reste que l’heure n’est plus aux beaux discours, elle est à l’apaisement sachant que plus de 7000 armes, bien cachées, sont aux mains des salafistes tunisiens, selon les services de renseignement d’un pays voisin.
M.C.