Spectre de la campagne vaccinale: La Tunisie très loin des objectifs fixés

Par Kaïs Ben Mrad

S’il y a un pays qui a échoué lamentablement dans la gestion de la crise sanitaire du COVID-19 c’est bel et bien la Tunisie.

En effet, alors que la gestion de la plus grave crise sanitaire de l’histoire du pays nécessitait l’engagement total de tous les responsables, ainsi que la rapidité, la stabilité et la continuité au niveau de la prise de décision politique, la Tunisie n’a, jusqu’à présent, pas de commandant connu pour diriger cette guerre, puisque ni le président de la république Kais Saied,  ni le chef du gouvernement Hichem Mechichi ne veulent et ne peuvent assumer ce rôle.

Pire encore, notre pays a battu un triste record du nombre de ministres de la Santé qui se sont succédé à la tête de ce département depuis l’apparition du COVID-19.

Quatre ministres (Sonia Ben Cheikh, Abdelatif Mekki, Habib Kchaou Faouzi Mahdi) ont été chargés de ce dossier et le cinquième Hédi Khairi aurait dû s’en mêler, n’eût été la crise entre Carthage et la Kasbah qui a bloqué sa prise de fonction.

Face à cette irresponsabilité des politiques, c’est évidement le peuple qui est en train de payer très fort le prix à coût de milliers de morts, dont nombreux auraient certainement pu être sauvés, si les bonnes décisions avaient été prises au bon moment.

Après l’interminable attente de l’arrivée des vaccins à cause du retard pris dans les commandes des achats, les Tunisiens constatent avec amertume cette lenteur incroyable de la campagne de vaccination.

Il est à rappeler, dans ce cadre, que le samedi 13 mars 2021, jour du démarrage de la campagne nationale de vaccination, l’actuel ministre de la Santé, Faouzi Mahdi, a déclaré que la Tunisie va vacciner 3 millions de ses citoyens d’ici le mois de juin.

Un chiffre que le ministre a confirmé dans ses diverses déclarations faites aux médias dont la dernière lors de son passage la semaine dernière chez Meriem Belkhadhi sur la chaîne Al Hiwar Tounssi, lorsqu’il a répété que cet objectif serait atteint  à travers l’achat direct de 4 millions du vaccin Pfizer, dont 1 million sera livré d’ici juin à raison de 85 000 doses par semaine.

Les 3 autres millions seront livrés entre juin et septembre.

De ce fait avec l’achat direct du vaccin Pfizer au rythme déclaré par le ministre lui-même (1 million d’ici juin), seulement et au maximum 500 000 personnes seront immunisées de ce vaccin.

Le ministre a déclaré que la Tunisie s’attend à recevoir 2 millions de doses du vaccin Pfizer dans le cadre du programme COVAX de l’Organisation Mondiale de la Santé. Seulement aucun calendrier précis n’a été avancé sur cet approvisionnement même s’il a annoncé que 215 000 doses allaient arriver le lundi 26 Avril.

Admettons qu’elles arrivent, cela fait à peine 107 500 personnes de vaccinés, en plus.

Si l'on compte aussi les 98000 vaccins d’AStra Zeneca qui sont déjà stockés (l'on estime qu’ils seront aussi utilisés d’ici juin), on aura 49000 citoyens de plus qui seront vaccinés.

Si l'on ajoute les 500 000 vaccins russes Spoutnik d’achat direct (aucune date ni précision concernant leur arrivée) et si l'on suppose que nous recevrons 250 000 parmi eux d’ici juin, cela va permettre de vacciner 125 000 citoyens de plus.

Il suffit de faire une petite addition pour trouver que tout cela nous donne un total de 781500 (500000+ 107500+49 000+125000) auxquels on ajoutera les 306 612 déjà vaccinés à ce jour.

A ce rythme et dans les meilleurs des cas (si les approvisionnements avancés par le ministre seront respectés, on ne peut avoir que 1 088 112  de Tunisiens vaccinés d’ici à fin juin et l'on sera  très loin de l’objectif avancé de 3 millions de citoyens vaccinés d’ici juin.  

Cette lenteur peut présager un spectre de la campagne vaccinale et une accélération s’impose plus que jamais.

Pour cela, il faut que les politiques qui dirigent ce pays assument enfin leur responsabilité et se décident de laisser leur tiraillement de côté pour s’occuper de l’essentiel, à savoir sauver la vie de milliers de Tunisiens et assurer la reprise économique en vaccinant le maximum de citoyens.