Trente ans après, le Maroc impose à nouveau un visa aux Tunisiens dans un contexte tendu

Le Maroc réintroduit l’obligation de visa pour les citoyens tunisiens, cette fois sous forme électronique, plus de trente ans après une première mesure exceptionnelle liée à des enjeux sécuritaires. Si l’objectif officiel est la modernisation et le contrôle des flux migratoires, cette décision intervient dans un contexte diplomatique tendu entre Tunis et Rabat, suscitant surprise et critiques côté tunisien.
Contrairement à ce qui a été dit et écrit çà et là sans vérification ce n’est pas la première fois que le Maroc impose le visa aux Tunisiens.
En 1986, le Maroc impose pour la première fois un visa aux citoyens tunisiens, dans un contexte marqué par des tensions régionales et des préoccupations sécuritaires. Cette décision fait suite à l’attaque terroriste du 24 août à l’hôtel Atlas Asni à Marrakech, qui a coûté la vie à plusieurs personnes, dont des touristes étrangers. Les enquêtes ont révélé que certains auteurs étaient tunisiens, liés à une cellule ayant des connexions avec des organisations extérieures, notamment libyennes.
À l’époque, les relations entre le Maroc et la Libye étaient particulièrement crispées, notamment après l’échec du projet de « Union Arabo-Africaine » (1984–1986). Le Maroc percevait certaines menaces externes comme des vecteurs potentiels de déstabilisation interne. Restreindre l’accès aux Tunisiens constituait alors une mesure préventive, motivée à la fois par des raisons sécuritaires et politiques.
Cette restriction fut temporaire et levée quelques années plus tard, lorsque la situation sécuritaire s’est améliorée et que les relations bilatérales se sont normalisées.
2025 : l’e-visa et le contrôle digitalisé
Près de trente ans plus tard, en 2025, le Maroc réintroduit l’obligation pour les citoyens tunisiens d’obtenir un visa, cette fois sous forme électronique (e-visa). Contrairement à 1986, cette mesure n’est pas la réponse à une menace sécuritaire immédiate, mais s’inscrit dans une politique globale de modernisation des frontières et de contrôle des flux migratoires et touristiques.
L’objectif officiel est double :
Optimiser la gestion administrative des entrées grâce à la digitalisation.
Renforcer le contrôle des mouvements transfrontaliers pour des raisons organisationnelles, de sécurité générale et de suivi statistique des visiteurs.
Cependant, cette décision intervient dans un contexte diplomatique sensible. Elle fait suite à l’accueil réservé par le président tunisien Kais Saied au dirigeant du Polisario lors du sommet du TICAD 8 à Tunis. En réaction, le Maroc avait rappelé son ambassadeur, et la Tunisie avait répondu par une mesure similaire. Ce contexte souligne que, au-delà de la modernisation administrative, cette décision revêt aussi une dimension politique et symbolique.
Réactions et perspectives
La décision a surpris de nombreux Tunisiens, qui la jugent inopportune dans le climat actuel. Si elle répond à des besoins d’organisation et de suivi statistique des flux, elle rappelle que les mesures frontalières ne sont jamais uniquement techniques : elles reflètent aussi les équilibres et tensions politiques entre pays voisins. Face à cette situation, plusieurs voix appellent à la réciprocité et à un dialogue bilatéral afin de préserver la fluidité des échanges et éviter que les citoyens ne deviennent les premières victimes d’un différend diplomatique.
B.Oueslati
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