Tunisie: Ahmed Hachani, chef de gouvernement ou le premier des ministres?

Tunisie: Ahmed Hachani, chef de gouvernement ou le premier des ministres?

A la surprise générale, le président de la République Kais Saied a limogé, dans la soirée de mardi 1er Août, la cheffe du gouvernement Najla Bouden et a nommé à sa place Ahmed Hachani, un ancien haut cadre de la Banque centrale de Tunisie (BCT).

Inconnu du grand public Hachani est né le 11 juillet 1957 à Tunis. Il obtient son baccalauréat au lycée Alaoui à Tunis. Par la suite, il poursuit ses études supérieures au sein de la Faculté de droit et des sciences politiques où il obtient une licence en droit puis une maîtrise en droit public en 1983.

Il intègre en 1986 la Banque centrale de Tunisie en tant que juriste. Il est promu, en 2011, au poste de directeur général des ressources humaines. Il enseigne en parallèle le droit à l'Association professionnelle des banques et des établissements financiers (APTBEF). Il prend sa retraite professionnelle en 2018.

Hachani est le quatrième chef du gouvernement nommé par Saied en moins de quatre ans. Après Elyes Fakhfakh, nommé à la Kasbah le 20 février 2020, le chef de l’Etat l'a remplacé le 20 Septembre 2020 par Hichem Méchchi qu’il a limogé le 25 Juillet 2021. Un peu plus de deux mois après qu’il s'était octroyé les pleins pouvoirs, en vertu du décret 117 de Septembre 2021,  il décide, le 11 Octobre de nommer Najla Bouden  et de la charger de former le gouvernement post 25 Juillet 2021.  Elle vient,  à son tour, d'être révoquée sans aucune explication officielle.  Probablement victime de son incapacité à faire face à un certain nombre de pénuries dans le pays, en particulier de pain dans les boulangeries subventionnées par l'État.

Selon la propre Constitution de Kais Saied, adoptée par référendum le 25 Juillet 2022 et promulguée le 17 Août de la même année, « le Président de la République nomme le Chef du Gouvernement et, sur proposition de celui-ci, les autres membres du Gouvernement » (article 101). Et c’est lui qui « met fin aux fonctions du Gouvernement ou de l'un de ses membres de sa propre initiative ou sur proposition du Chef du Gouvernement » (article 102).

Or, le chef du gouvernement n’est pas un simple membre de l’équipe. Par conséquent, son limogeage signifie la fin de mission de tout le gouvernement. De ce fait, on devrait s’attendre à la formation d’un nouveau gouvernement conduit par Ahmed Hachani.

Toutefois, pour l'universitaire Salsabil Klibi, "rien dans la constitution n'impose une nouvelle équipe, car  nous ne sommes plus dans un régime mixte ni un régime parlementaire.  C'est l'équipe du président et elle n'a pas de programme politique propre à elle. Elle  exécute sa politique. Le président peut se contenter de changer le chef du gouvernement ( qui n'en est pas un) ou bien changer toute l'équipe ou seulement quelques uns de ses membres".

Ce nouveau gouvernement devra affronter « des défis colossaux avec une volonté solide et forte, afin de protéger notre patrie, notre État et la paix sociale », comme l’a souligné le président à l’issue de la prestation du serment. Mais certainement pas avec les mêmes membres dont certains ont été rabroués par le chef de l’Etat qui a, tant de fois, pointé du doigt l’inertie des responsables face à la crise. L’on devrait s’attendre au départ de certains ministres et de l’entrée de nouveaux visages.

Sur ce plan, le président, toujours prompt à limoger, il a révoqué une soixantaine de hauts responsables dont sept ministres, nous habitués à prendre tout son temps pour remplacer les limogés. D’ailleurs, deux ministères sont restés vacants depuis la révocation de leurs titulaires, celui de la formation professionnelle de l’emploi ( 22 Février 2023) et celui de l’industrie, des mines et des énergies renouvelables( 4 Mai 2023). Sans compter les gouvernorats, les chefs de postes diplomatiques, les entreprises publiques, les directions générales au sein de ministères, les chefs de cabinet…

Le nouveau locataire de la Kasbah aura fort à faire dans ses nouvelles fonctions. Connu pour son humour dans sa page Facebook, pourrait-t-il se comporter comme un chef de gouvernement ou serait-il un simple premier des ministres ?

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