Tunisie : Le spectre des assassinats politiques

Tunisie : Le spectre des assassinats politiques

Les appels à la sédition ne pourraient que mener à l'inconnu. Les menaces de mort peuvent engager le pays sur la voie de l’inconnu. Seules les idées constructives diminuent «l'impact des forces destructrices».  Et éviter au pays de traverser l’œil du cyclone.

Le climat est pesant et l’atmosphère est lourde en ce mois sacré de Ramadan marqué par un long confinement qui a harassé les Tunisiens, réduit leur liberté de mouvement et impacté leurs bourses. Il n’y a presque plus du bonheur dans tous les yeux et des sourires sur toutes les lèvres en ce mois de piété jeûné, cette année, dans des circonstances exceptionnelles et inhabituelles. Ramadan est pour les Musulmans le mois de la pénitence et du pardon.

Mais son caractère sacré n’a pas empêché l’émergence de voix discordantes pour appeler à la sédition. On parle de conspiration et de plan prémédité pour faire tomber les institutions de la république. La justice s’est saisie de cette affaire et on espère qu’elle fera la lumière sur ce supposé plan qui se trame dans l’ombre.

Ces derniers jours, une affaire est venue diviser les Tunisiens. Son auteure, une jeune fille de 27 ans a partagé ce qui est appelé « la sourate de la corona » sorte de simulation du Coran sacré. Elle a été déférée devant la justice pour répondre de son acte. Certains ont crié au blasphème, appelant à sanctionner sévèrement cette « renégate », alors que d’autres ont plaidé pour la liberté d’expression, craignant que cette affaire n’entame sérieusement l’image de la jeune démocratie. Les appels à la haine, à la violence, au « takfir » et au meurtre se répandent sur les réseaux sociaux. Et du coup on passe aux menaces de mort contre des personnalités politiques de premier plan.

La présidente du PDL Abir Moussi a été convoquée par la brigade d’investigation dans les crimes terroristes qui l’a informée de menaces de mort la visant, venant de l’intérieur comme de l’extérieur du pays. Sans plus de précisions. La députée décriée pour son discours qualifié « d’extrémiste » a fait l’objet de violences morales et politiques à l’intérieur même de l’hémicycle où elle a été molestée par des personnes « étrangères » qui seraient selon elle, des membres de la sinistre ligue de protection de la révolution.

2013 dans les esprits

Ce climat n’est pas sans rappeler l’année « noire » de 2013 qui a connu deux assassinats politiques, non encore élucidés : ceux de Chokri Belaid en février et de Mohamed Brahmi en Juillet. Cette année le pays était au bord de l’explosion. Et il a fallu de peu pour qu’il ne sombre pas dans la guerre civile. Le dialogue national initié par quatre organisations, l’UGTT, l’UTICA, le Conseil de l’ordre des avocats et la Ligue des droits de l’homme avait réussi à éviter le pire.

Or, depuis les temps ont changé. Le pays s’est doté d’une nouvelle Constitution et de nouvelles Institutions, organisé plusieurs consultations électorales, connu deux alternances et s’est engagé sur la voie d’un processus qu’on espère irréversible. Mais sans arriver à panser les blessures du passé et à tourner la page des dissensions plus vivaces que jamais.

Ces dissensions prennent, parfois, une tournure inattendue et inacceptable. A l’intérieur de l’hémicycle même. Tout cela est le reflet de ce que nous vivons depuis un certain temps et qui traduit un malaise ambiant dans la société tunisienne où la violence s'est installée sous plusieurs facettes. Une violence qui ne cesse de prendre de l'ampleur en raison des facteurs qui se sont accumulés au cours des dernières années. Une société permissive où tout est bafoué, y compris la liberté d'expression qui, pourtant, est le fondement de la démocratie, parce qu'elle est devenue synonyme de liberté d'insulter. Etre libre de s'exprimer ne signifie pas que l'on peut dire tout et n'importe quoi.

La Tunisie dans « l’œil de cyclone » ?
Cette violence est le corollaire de la méfiance qui règne entre les politiques et qui, malheureusement, s'est répercutée sur l'ensemble de la société.

D’ailleurs, ceux qui ont l'art de jouer les cassandres n'hésitent pas à nous annoncer des prédictions alarmistes et dramatiques et un avenir plus sombre encore. Ils réalisent dans une sorte d'illumination que le pays « va droit dans le mur ». De quoi attiser la peur de l'avenir et semer le désespoir.

On a l’impression que le pays est entré dans une période de flou, faite d'incertitude et d'expectative. Climat propice pour les « complotistes » de la cinquième colonne qui profitent pour semer « la panique, la division et la suspicion ».

Les appels à la sédition ne pourraient que mener à l'inconnu. Les menaces de mort peuvent engager le pays sur la voie de l’inconnu. Seules les idées constructives diminuent «l'impact des forces destructrices».  Et éviter au pays de traverser l’œil du cyclone.

B.O

 

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