Tunisie : Les 4 Corollaires d’un meilleur développement régional selon Abderrazak Zouari

La question du développement régional sera sans doute une question centrale des futures échéances politiques en Tunisie en partant par

celle du 23 Octobre. Le rééquilibrage économique entre les différentes régions est un enjeu majeur et un facteur important de stabilité.

Le ministère du développement régional, dans un laps de temps réduit, a essayé de mettre en place une réflexion sur la réponse à apporter à cette problématique qui soit efficace et pertinente. Cette réflexion sera proposée dans « Le Livre Blanc du Développement Régional ».

Ci-après un extrait du discours de M. Abderrazak Zouari, ministre du développement régional, prononcé aux assises du développement régional organisées les 29 et 30 Septembre à la Cité des Sciences et  dans lequel il présente les corollaires d’un développement régional qui passe par une bonne gouvernance, la décentralisation, une autonomie financière etc.

« 1 - L’une de nos propositions majeures est de définir cinq nouvelles régions de progrès qui seront les lieux essentiels de la négociation des contrats pluriannuels de développement régional, librement consentis entre l’Etat porteur des intérêts nationaux, et les élus régionaux porteurs de la légitimité du suffrage universel local. Ces conseils de région de progrès seraient dirigés par des présidents ayant un positionnement institutionnel  élevé, puisque je propose qu’ils aient rang de secrétaire d’Etat.

De ce fait, ils pourraient assister en tant que de besoin aux conseils des ministres qui traiteraient de leur région. De la même manière, ils pourraient être entendus par l’Assemblée nationale. Je laisse le soin aux futurs Constituants de trouver la bonne rédaction juridique pour une telle innovation, mais je pense qu’elle doit fortement marquer la volonté politique de faire des élus régionaux des acteurs majeurs du développement tunisien.

Mais je voudrais insister sur un point : peu nous importe dans le fond, que tel gouvernorat soit rattaché à tel autre. Je n’ignore pas qu’il y a des facteurs politiques, culturels, géographiques, qui rendent tel ou tel réticent à notre projet de découpage. Ce qui m’importe, c’est que la Tunisie dispose d’espaces territoriaux de taille suffisante pour accueillir des projets régionaux, nationaux ou internationaux.

Ce qui m’importe, c’est que ces régions ne soient pas autant de principautés mais des espaces ouverts sur toute la Tunisie et sur toute son aire euro-méditerranéenne, africaine et arabe. Dans le fond, ce sont les députés du 23 octobre qui décideront, mais au moins nous leur aurons donné les clés d’un raisonnement objectif, privé de toute arrière-pensée politicienne.

2La décentralisation à tous les niveaux, et sans doute reconnue dans la future Constitution,  signifie que chaque niveau local doit être administré par une assemblée élue au suffrage universel, direct ou indirect selon les cas. Cette assemblée doit être dirigée par une aire, un président de conseil gouvernoral, ou par un président de région, lui-même élu par son assemblée, et disposant de tous les pouvoirs d’exécution de ses décisions, sans interférence intempestive de l’Etat.

Cela veut dire en clair la disparition incontestable du contrôle a priori sur les décisions des collectivités locales. Cela veut dire en contrepartie la soumission de ces mêmes décisions au contrôle de légalité juridique et financier de cours administratives et financières régionales placés elles-mêmes sous le contrôle administratif et juridictionnel du Tribunal administratif et de la Cour des Comptes.

Là personne n’a trouvé à redire. Nos amis polonais et français nous ont bien expliqué les choses. D’abord, c’est l’Etat qu’il faut changer, sa philosophie centralisatrice et méfiante. Oui, notre Tunisie nouvelle ne sera plus l’étrange rejeton de son père napoléonien et de sa mère ottomane. Elle sera décentralisée, parce ce qu’elle sera démocratique, à tous les échelons d’administration, de la commune à la région.

3 – Troisième corollaire de cette décentralisation : les collectivités locales tunisiennes doivent disposer de l’autonomie financière. Je n’ignore pas que cette autonomie serait aujourd’hui purement théorique et formelle, compte tenu de ce que ces collectivités sont aujourd’hui sous la perfusion de subventions d’équilibre pour le simple fonctionnement quotidien.

Ces subventions doivent sans doute être maintenues pour l’immédiat, mais sans doute sous la condition d’engager dès à présent la restructuration de l’administration municipale parfois pléthorique et peu efficiente. Mais le plus important est de préparer l’avenir.

De ce point de vue, je crois que nous devons engager dès à présent, avec le ministre de l’intérieur et avec le ministre des finances, le chantier de la refondation des finances locales. Celles-ci doivent en effet donner aux communes, aux conseils de gouvernorat et aux régions, les moyens de participer à leurs investissements, et d’honorer leur signature de contrats de développement régional. Les collectivités locales tunisiennes doivent lever de la fiscalité locale, doivent recevoir des dotations globales sur la base de péréquations nationales en fonction de leurs besoins, et enfin des redevances pour la gestion de services publics marchands tels que les transports publics.

4 – Quatrième corollaire : Face à des collectivités locales que nous voulons fortement décentralisées, nous voulons des administrations de l’Etat fortement déconcentrées. Nous pensons que les gouverneurs de l’avenir ne seront pas nécessairement les « premiers flics »  de la région, mais peut-être les « premiers développeurs ». Ils doivent entourés de fonctionnaires de talent capables de défendre les intérêts nationaux et aptes à conseiller utilement les élus locaux. Pour cela, nous attendons que les fonctionnaires n’imaginent plus leur carrière uniquement à Tunis, mais sur l’ensemble du territoire national ».