Tunisie : Un gouvernement sans Ennahdha est-il possible ?

Tunisie : Un gouvernement sans Ennahdha est-il possible ?

Le chef du gouvernement désigné Hichem Méchichi a un mois devant lui pour annoncer la formation de son gouvernement et de solliciter le vote de confiance au Parlement. Entre temps, il doit consulter tous azimuts pour définir le type de gouvernement qu’il va former : un gouvernement restreint formé de compétences indépendantes mais avec le soutien des principaux partis, des groupes parlementaires et de l’Ugtt et l’Utica, ou un gouvernement mixte avec des membres proposés par les partis et d’autres indépendants comme c’est le cas du gouvernement Fakhfakh, ou carrément un gouvernement formé d’une coalition partisane. Mais avec quels partis ?

Depuis 2011, le mouvement Ennahdha qui, même fortement amoindri demeure la première formation du pays, a toujours fait partie de tous les gouvernements successifs. En 2014, et alors que beaucoup d’observateurs prédisaient sa mise à l’écart du premier gouvernement Essid issu des législatives d’octobre 2014, le mouvement de Rached Ghannouchi a réussi par un tour de passe-passe, suite  à un deal avec Feu Béji Caid Essebsi, à faire son entrée acceptant un simple strapontin ( secrétaire d’état) avant de finir avec une dizaine de ministres dans le dernier gouvernement de Youssef Chahed, devenant le protégé du vieux Cheickh contre son mentor BCE.

Après avoir échoué à faire passer le gouvernement de Habib Jemli qu’il a proposé au chef de l’Etat, Ennahdha  a pesé pour imposer quelques-uns de ses choix à son successeur Elyès Fakhfakh désigné par le président de la République Kais Saied. Mais il a vite déchanté se heurtant à ses alliés dans le gouvernement : le Courant démocrate, le Mouvement du peuple et Tahya Tounes. Il s’est alors tourné vers son adversaire d’hier, Qalb Tounes,  qu’il a longtemps diabolisé, exigeant de le faire intégrer dans le gouvernement et d’élargir le ceinture du gouvernementale. Face au refus de Fakhfakh, Ennahdhda est passé à l’offensive, initiant une motion de censure avec le parti de Nabil Karoui, son nouvel allié au parlement. Mais sur les conseils du président, le chef du gouvernement anticipé sa destitution en présentant sa démission. Tirant ainsi le tapis sous les pieds des deux nouveaux alliés et de l’appendice d’Ennahdha, la coalition al Karama. Et ce fut la cassure.

Maintenant que Saied a mis tout le monde dos au mur, en choisissant Hichem Méchichi, une personnalité indépendante proche de lui, des partis dont notamment le mouvement Achaab, le Courant démocrate, deux membres de l’actuelle coalition gouvernement ainsi que le PDl d’Abir Moussi, pourtant non concerné par la formation du futur gouvernement, plaident pour la constitution d’une équipe sans Ennahdha. Alors que ce dernier continue de croire dur comme fer qu’aucun gouvernement ne saurait être formé sans sa participation. Certains de ses dirigeants pensent même que l’exclusion de leur mouvement provoquerait la déstabilisation du pays !

Ennahdha n’a plus le même poids qu’en 2011 quand il comptait sur 89 députés, ni en 2014 avec 69 élus. Aussi premier soit-il avec un groupe de 54 membres dont deux transfuges, il ne peut plus exercer la même pression pour imposer ses choix. Son président Rached Ghannouchi est très contesté au sein du parlement et il sera mis rudes épreuves ce jeudi 30 Juillet où il risque de se faire destituer du perchoir. Le renouvellement de confiance en sa personne qu’il espérait dépendra largement de la mobilisation des députés à la veille de l’Aid et de la position de son « allié » Qalb Tounes qui pourra faire basculer la donne. Et de la politique du « bâton et de la carotte ». L’issue de cette journée influera certainement sur le processus de formation du gouvernement.

Toutefois, un gouvernement sans Ennahdha est possible dans la situation actuelle. Ce serait même le souhait du chef de l’Etat Kais Saied devenu le chef d’orchestre de la scène politique et le maitre des horloges. Le mouvement Achaab(16) que le Courant démocrate(22) n’ont plus de véto contre l’entrée de Qalb Tounes(27). Avec les groupes de la Réforme(16) présidé par Hassouna Nasfi et le groupe National dirigé par Hatem Mliki( 11), le groupe de de Tahya Tounes(9) et éventuellement le groupe des Indépendants(9) et quelques non-inscrits ( entre 8 et 10), ils pourront ratisser large.  En plus soutien du groupe de Pdl, le compte final pourrait dépasser les 130 députés.

Attendons pour voir…

B.O

 

 

 

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