Un événement qui passe inaperçu, le bombardement il y a 32 ans de Hammam Chatt

Un événement qui passe inaperçu, le bombardement il y a 32 ans de  Hammam Chatt

 

Il y a 32 ans, le 1er octobre 1985, dix avions de chasse F15 israéliens et deux Boeing 707 ravitailleurs bombardaient et détruisaient le quartier général de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), installé à Hammam Chatt, à 25 km de Tunis. Un bombardement qui a tué 50 Palestiniens et 18 Tunisiens.

En 1982, l’OLP s’était installée à Tunis après avoir dû quitter le Liban en raison de l’attaque israélienne sur Beyrouth. «Quelque peu réticente à accueillir les exilés, la Tunisie du président Habib Bourguiba avait finalement plié, notamment sous la pression des Etats-Unis», raconte La Libre Belgique.

Le raid israélien, baptisé «Opération Jambe de bois», est mené en quelques minutes, vers 11h. Les témoins entendent cinq explosions. «Des trois villas en bord de mer qui servaient de quartier général à l’OLP, il ne reste que des ruines. Des morceaux d’acier tordu et des blocs de béton ont été propulsés à des centaines de mètres». Outre 68 morts, on dénombre une centaine de blessés. Les dégâts sont estimés à 6 millions de dollars.
Tension avec les USA

La Tunisie d’Habib Bourguiba est exaspérée. Des manifestations de contestation s’organisent partout et un élan de solidarité se met en place. Une exaspération encore palpable aujourd’hui dans la presse tunisienne qui qualifie Israël d’«entité sioniste». Cet évènement, à marquer d’une pierre noire dans l’histoire de notre pays, semble passer inaperçu.

Dans un premier temps, les Etats-Unis, pourtant alliés de la Tunisie, expliquent que «des représailles contre des attaques terroristes sont une réponse légitime et une expression d’autodéfense».

Fureur de Bourguiba, jusque-là «grand ami des États-Unis, d’une amitié presque aveugle. Et l’un des alliés arabes les plus proches des Américains. Un ami et un allié qui se sent d’autant plus trahi que la Tunisie a accepté d’accueillir l’OLP sur son sol à la demande des USA. Et que le ravitaillement des appareils israéliens a peut-être été effectué avec l’aide de la base américaine situé en Sicile. En clair, Washington a pu être tenu au courant du raid par Israël. Ce qu’ont catégoriquement démenti les deux pays.

Tunis, qui s’étonne de la position américaine «négative et inattendue vis-à-vis de l’agression», entend réagir très vivement. «Nous avions décidé de rompre les relations diplomatiques», racontera ultérieurement le ministre tunisien des Affaires étrangères de l’époque, Mahmoud Mestiri. «Nous l’aurions fait si les États-Unis ne s’étaient pas abstenus lors du vote du Conseil de sécurité» de l’ONU.

Condamnation du Conseil de sécurité

Dès le 1er octobre 1985, son pays a porté plainte contre l’Etat hébreu devant les Nations Unies. Deux jours plus tard, le Conseil de sécurité vote la résolution 573. Laquelle «condamne énergiquement l’acte d’agression armée perpétré par Israël contre le territoire tunisien, en violation flagrante de la Charte des Nations Unies et du droit et des normes de conduite internationaux». Le texte estime par ailleurs que «la Tunisie a droit à des réparations appropriées comme suite aux pertes en vies humaines et aux dégâts matériels dont elle a été victime et dont Israël a reconnu être responsable».
La résolution a été adoptée par 14 voix contre 0. Et une abstention, celle des États-Unis, qui d’habitude opposent leur véto sur ce genre de texte. Pour la Tunisie, c’est une victoire diplomatique. Mais diplomatique seulement. Car jusqu’à aujourd’hui, aucune réparation n’a été versée. Par la suite, le locataire de la Maison blanche d’alors, Ronald Reagan, a prononcé quelques paroles d’apaisement, qualifiant Habib Bourguiba d’«homme d’Etat doué» et de «véritable ami» des Américains.

L’affaire en est donc restée là. Tunis et Washington, alliés depuis longtemps, savaient qu’ils ne pouvaient pas aller plus loin : les intérêts mutuels restaient trop importants. D’un point de vue émotionnel, la rupture des relations avec les Etats-Unis aurait rendu Bourguiba populaire (dans l’opinion tunisienne). Mais politiquement, cela n’aurait eu aucun sens».

Abdessatar Klai

 

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