Une stratégie pour faire face à la flambée des prix des céréales

La Tunisie a décidé de faire face à la flambée des prix des céréales en optant pour l'accroissement de la production et la protection de la filière céréalière contre les fluctuations des cours internationaux.
Il s'agit essentiellement de compter dorénavant sur soi, d'améliorer le rendement de ce secteur, et partant, de garantir les besoins alimentaires nationaux.
Pour mémoire, le prix du blé tendre a atteint, au cours du mois d'Octobre 2007

, le record de 433 dollars la tonne contre 215 dollars au début de cette année.
Idem, pour l'orge, le prix de cette céréale s'est élevé à 330 dollars contre 200 dollars durant cette même période (1 Dollar = 1,23 dinars).

Conjoncture internationale aléatoire

Les experts internationaux expliquent cette crise céréalière par un déséquilibre entre l'offre et la demande.
L'analyse de la demande mondiale fait ressortir un accroissement de la consommation mondiale des céréales.

Dans ces contrées, le niveau de vie s'est nettement amélioré et de nouveaux modes de consommation alimentaire ont été adoptés avec leurs corollaires l'acquisition de nouveaux réflexes de consommation.

Cette situation s'est aggravée par l'utilisation au fort taux de 50% de plantes céréales par l'industrie pour produire des ressources énergétiques alternatives telles que le biocarburant et le recours de gros pays industrialisés à la réduction des émissions des gaz à effet de serre, et ce, dans le cadre des efforts internationaux visant la lutte contre les impacts du réchauffement climatique.

A cette donne, vient s'ajouter la flambée, à l'échelle mondiale, du cours des hydrocarbures qui constituent un intrant stratégique dans la production agricole, industrielle et des services.

Autre facteur ayant favorisé cette crise: la réduction dans certains pays comme ceux de l'Union européenne des subventions agricoles.

La part de ces subventions est passée de 3,1% du PIB en 1986 à 1,1% en 2005.

Les nouvelles conditions climatiques ont eu pour conséquence la réduction du niveau de la production et la détérioration de la qualité des récoltes dans bon nombre de pays céréaliculteurs .

A titre indicatif, la production céréalière en Australie a régressé, en 2007, à 12 millions de tonnes contre 25 millions de tonnes prévues.

La tendance de certains pays céréaliculteurs exportateurs ( Ukraine, Australie, Russie) qui, confrontées à des sécheresses, ont réduit sensiblement leurs exportations et opté pour la satisfaction de leurs besoins nationaux.

Effets de la hausse sur l'économie tunisienne

L'impact de la flambée inattendue des prix des céréales sur l'économie du pays est perceptible à travers la montée en flèche des importations agricoles.

Au cours des dix premiers mois de cette année, la Tunisie a importé pour une valeur de 1477,5 millions de dinars.

Du coup, la balance commerciale agricole avec l'extérieur a accusé un déficit de l'ordre de 186,6 millions de dinars contre un excédent d'une valeur de 273,5 millions de dinars enregistré au cours de la même période en 2006.

Les charges de la compensation ont suivi le mouvement à la hausse.

Elles ont enregistré une évolution significative et ont atteint 575 millions de dinars, soit 1,3% du PIB en 2007, contre 321 millions de dinars en 2006.

Cette nouvelle donne a généré de nouvelles contraintes et pressions sur le budget de l'état, et plus particulièrement, la caisse générale de compensation(CGC).

Ainsi, Il est prévu que les dépenses de compensation dépassent les 1055 millions de dinars en 2008, montant qui représente trois fois plus les crédits alloués à la caisse.

A signaler que le prix de vente du grand pain est toujours compensé à hauteur de 42%, celui de la semoule est subventionné dans la limite de 45% tandis que celui de l'huile végétale est compensé à raison de 80%.

Cap sur l'accroissement de la production

La Tunisie, importateur net de céréales, a pris un train de mesures aux fins d'accroître le rendement de la filière céréalière, d'en réduire les importations et de préserver le pouvoir d'achat des citoyens.

A noter que la Tunisie importe au taux de 80% de blé tendre et 20% de blé dur.

Dans cette perspective, il a été décidé de réviser à la hausse le prix de vente des céréales à la production.

Le prix du quintal du blé dur est ainsi passé à 40 dinars contre 32,8 dinars auparavant, celui du blé tendre à 35 dinars contre 28,7 dinars tandis que le prix de l'orge fourrager a été porté de 20 dinars à 30 dinars le quintal.

D'autres décisions, non moins importantes, ont été prises aux fins d'adapter les prêts saisonniers à l'évolution du coût de la production, d'étendre aux gouvernorats du centre des crédits supervisés ordinaires financés par le budget de l'état, de maintenir les prix des semences sélectionnées et d'accroître la prime d'investissement destinée à l'acquisition d'engins agricoles (tracteurs, moissonneuses batteuses).

Il convient de rappeler que les superficies consacrées à la céréaliculture s'élèvent à 1,6 million d'hectares dont 800 mille hectares sont localisées au Nord.

Les décisions annoncées par le chef de l'état à l'occasion du XX ème anniversaire du changement ne font que conforter cette tendance.

Ces décisions consistent à consentir un abattement de 50% sur les intérêts contractuels, à effacer la totalité des intérêts de retard au titre des dettes des agriculteurs du secteur des grandes cultures et à rééchelonner le principal et le reliquat des intérêts sur une période de 15 ans au maximum sans avance, tout en permettant aux agriculteurs qui ont procédé au rééchelonnement de leurs dettes de bénéficier de nouveaux prêts.

Ces mesures vont bénéficier à pas moins de 30 mille agriculteurs dont les dettes s'élèvent à environ 160 millions de dinars.

Elles visent également à généraliser l'exonération de la taxe unique sur l'assurance à l'ensemble des compagnies d'assurances intervenant en matière de couverture des risques agricoles et à réduire de 40% les tarifs appliqués pour la couverture de risques de chute de grêle et d'incendie agricoles, pour les grandes cultures et l'arboriculture dans les régions les plus exposées à ces risques, et de 30% pour les risques de mort de cheptel.

Le chef de l'état a également ordonné d'appliquer des réductions atteignant jusqu'à 20% au profit des agriculteurs optant pour des contrats collectifs d'assurance ou souscrivant des contrats individuels renouvelables annuellement et de modifier la forme juridique de la Caisse tunisienne d'assurance mutuelle agricole(CTAMA) de manière à lui permettre de promouvoir ses services et de consolider son réseau, à des coûts réduits et avec une qualité qui réponde aux attentes des agriculteurs.

La Tunisie, ambitionne à travers l'ensemble de ces mesures de retrouver son statut historique de pays céréalier grâce notamment à la valorisation de son potentiel agricole céréalier.

Les experts estiment que ces mesures ne tarderont pas de donner leurs fruits et de contribuer au succès de la prochaine campagne agricole.

Deux facteurs militent en faveur de cette thèse

: le fait que le cycle agricole ne dure qu'une année et le retour probable sur le marché de gros pays céréaliculteurs à l'instar de la Russie, l'Ukraine, l'Australie et la Nouvelle- Zélande.

Faut-il le rappeler ?

Ces pays ont connu, en 2007, des périodes de sécheresses aiguës, ayant affecté leur récolte céréalière.

T.A.P