Vers une géopolitique aux ondes Covidiennes !
Par Dr Mahjoub Lotfi Belhedi (*)
Dans son acception la plus générale, la géopolitique s'entend comme une approche d'analyse et de décryptage des processus de remodelage des territoires suite aux rivalités de pouvoir !
Un remodelage s’opérant soit par voie d’influence, d’extension, d’annexion ou via une reconfiguration des représentations géopolitiques au sein d'une société, qui se trouve, désormais, fortement troublé par un virus d’une taille cent fois plus petites que l’épaisseur de l’un de nos cheveux, sa majesté la CORONAVIRUS !
A l’occasion de sa consécration planétaire incontestable, deux problématiques surgissent en surface :
-Somme-nous encore á l'intérieur des paradigmes « d’Heartland » de MacKinder, du « Rimland » de Spykman ou du « Cyberland » - appellation que j'ai eu l’avantage d’attribuer au cyberespace dans mes communications et conférences universitaires - ?
-Et á quels points d'ancrage cette nouvelle cartographie géopolitique á propulsion pandémique s’appuiera ?
I/ En front office
Contrairement aux idées reçues, la géopolitique á un caractère hybride, située á mi-chemin entre science et approche d'analyse. En effet, la géopolitique repose d’une part sur un socle pluridisciplinaire de connaissances en histoire, en géographie, en sciences politiques etc, et d'autre part, elle est fortement imprégnée d’une dose de subjectivité du décideur.
Au delà de son usage politico-militaire multiple, la géopolitique est de plus en plus convoitée par le monde universitaire (notamment dans les grandes écoles de commerce) et les milieux des affaires (un business plan dépourvu d’une grille de lecture géopolitique se trouve de facto dénué de tout intérêt pratique).
Incarnant une double filiation:
-Une filiation embryonnaire occulte qui remonta aux travaux du brillant penseur Ibn Khaldhoun,
-Une filiation contemporaine bien établie, consacrée par le père de la géopolitique moderne « Frederick Ratzel » et Compagnies.
Ses grands courants se déclinent en cinq écoles :
-Une école allemande issue directement de l’école de Berlin,
-Une école Anglo-Saxonne en perpétuelle changement,
-Une école chinoise axée sur un confucianisme réinventée,
-Une école Française construite sous l'impulsion du géographe « Yves Lacoste » en sa qualité de père de la géopolitique française,
-Une école prônant une géopolitique digitale en cours de gestation dont j'ai l'opportunité d'y contribuer activement auprès de mes étudiants en Master et MBA et les officiers supérieurs de «l’École Supérieure de Guerre ».
Abritant de multiple enjeux stratégiques relevant de la géographie stricto sensu (la géographie physique et humaine) et celle afférente à la géographie virtuelle (le cyberespace), bien investie de multi-acteurs : étatiques, supra étatiques et infra étatiques...
II/ En back office
En appuie á cette machinerie lourde et terrible, une nouvelle cartographie géopolitique, parsemée d'enclaves et á relief accidenté, baptisée « Géo-Coronavirus », se déploie.
Dotée d'un argot spécifique (confinement, dé-confinement, dépistage sélectif ou massif, distanciation sociale etc.), d’une boîte á outil hors paire (bavettes, testeurs de virus, inspirateurs etc.), de nouveaux gendarmes (big data , drones, robots etc.), tout en tirant pleinement partie des outils de surveillance de masse de la géopolitique classique et digitale…
En termes de puissance, la géopolitique aux ondes COVIDIENNE :
-Représente une véritable aubaine pour les Etats par voie de renforcement de sa mainmise digitale et sécuritaire sur leurs sociétés et aux courants ultra nationaux où le virus semble donner des ailes…
Il est fort probable qu'une carte géopolitique post-Corona á feu et à sang verra le jour dans certains pays du Moyen orient, du Maghreb et de l’Afrique subsaharienne.
-Attise les tensions entre les grands blocs internationaux où de sérieuses soubresauts géopolitiques sont prévisibles, surtout avec un oncle Sam affaiblit, une Union Européenne en quête d'une nostalgie solidaire offensée durant cette crise, et une Chine et une Russie en union sacrée pour le meilleur et le pire !
-Accroit la puissance des géants du web (GAFA / BATX), et ouvre la porte toute ouverte á un partenariat mafieux entre les mouvances cyber terroristes et les organisations criminelles sur la grande toile.
Sans le moindre doute, à brève échéance, le COVID-19 va nous faire plonger dans un océan d'incertitude géopolitique sans fin !
Nota bene: Ce présent article est un extrait récapitulatif d'une communication scientifique présentée auprès du « Conseil Supérieur de la Formation et de la Recherche Stratégique » sis à Paris.
(*) Dr Mahjoub Lotfi Belhedi est Chercheur en réflexion stratégique, Enseignant universitaire en géopolitique classique et digitale. Il est aussi Ex-rapporteur général et directeur de département de cybersécurité du Centre Tunisien des Etudes de Sécurité Globale.
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