Violence verbale à l'ARP: Jusqu’à quand fermerons-nous les yeux ?

Violence verbale à l'ARP: Jusqu’à quand fermerons-nous les yeux ?

Ils sont choquants, révoltants, virulents et violents, les propos du député Fayçal Tebbini, Voix des agriculteurs, prononcés sous la coupole de l’ARP à l’encontre du chef du gouvernement Youssef Chahed. 

Propos néanmoins vite oubliés, ayant suscité des réactions immédiates mais qui deux jours après se sont calmées. Le député avait juré ses grands dieux de fusiller le chef du gouvernement sur la place publique, si l’accord de l’ALECA était validé et si jamais il arrivait au pouvoir… 

Discours enflammé ou prémédité ? Discours resté impuni, auquel nous nous sommes habitués… Quelles en sont les origines et jusqu’à quand allons-nous le tolérer ? 

Ce n’était point la première fois qu’on entendait pareils propos violents. Seulement, aucun débat n’a été ouvert, aucune volonté de remédier à ce mal qui nous ronge : l’agressivité verbale et même physique, pouvant aller à l’incitation au meurtre. Non ! ayant mené à l’assassinat. Rappelons-nous Lotfi Naguef qui a péri lynché sous les bottes… 

Passons le fait qu’une menace pareille s’attaque d’abord à une institution de l’Etat. Ne nous attardons pas non plus à l’identité de la personne menacée. Cela va au-delà du quoi et du qui… Allons aux faits. 

Populisme et complot

Quand un politique tunisien veut faire réagir le peuple, il « soulève » deux complots : celui visant la souveraineté nationale et les richesses « spoliées » par le colonisateur et celui s’attaquant à l’Islam. L’un ou l’autre suscite immédiatement une réaction populaire assez passionnée. 

Fayçal Tebbini en a choisi un en évoquant l’accord de l’ALECA que l’on négocie en cette période. A-t-il tenté d’expliquer l’accord, d’éclaircir l’opinion publique sur ce qu’il y a d’injuste et de menaçant dans cet accord ? A-t-il exigé des explications des autorités ? Non, bien évidemment. Un politique « populiste » n’aurait pas choisi cette voie rationnelle. 

Comment pourrait-il alors se faire passer pour le héros défendant la patrie ? Ses propos ont été bien choisis, il ne s’agissait point d’un discours passionnel entraînant. Il était délibéré. Fayçal Tebbini cherchait à choquer, à se faire remarquer, à faire le buzz, à ce qu’on parle de lui… 

Violence politique et violence populaire

Depuis les années 70 sévit la violence dans nos universités. Des discours enflammés des étudiants de l’UGET, des islamistes ou même des RCDistes aux batailles rangées entre les différentes factions.  La vérité est que la politique a toujours été chez nous empreinte de violence. Ces batailles rangées continuent, couteaux et barres de fer y sont utilisés, mais personne n’en parle… 

Ajoutons à la violence populiste et estudiantine, la violence populaire. Peut-on nier qu’en Tunisie, nous avons tendance à nous emporter ? Les sit-in ne sont en majorité pas pacifiques, les manifestations non plus, même quand cela l’est au début, cela tourne vite au vinaigre. Pneus en feu et commerces saccagés, routes fermées, murs enfumés… Combien de fois a-t-on assisté à ce triste tableau ? 

Notre vie quotidienne nous apporte également son lot d’agressivité. Disputes au volant, dans la rue, agressions… Il y a à peine quelques jours nous avons regardé, choqués, une vidéo où un commerçant et un boucher agressaient deux agents du contrôle commercial. 

Nous avons été choqués, mais comme d’habitude, cela a vite été légué aux oubliettes. Nous sommes passés à autre chose, car à chaque jour sa peine. 

Combien d’incidents, d’accidents, de situations violentes, pouvons-nous éviter si nous ne nous attaquions pas à ce mal ?  Pourquoi nous contentons-nous de réagir quand il faut agir ? Pourquoi ne cherchons-nous pas à nous attaquer aux racines du mal ?

L’application sévère de la loi à l’encontre de toute personne incitant à la haine et au meurtre constitue un premier pas, car non les menaces ne font pas partie de la liberté d’expression ! Les menaces ne sont pas le résultat d’un apprentissage maladroit de la démocratie ! Elles ne sont ni anodines ni sans conséquences. 

Cette violence doit être combattue sur le long terme également, comme nous avons combattu l’analphabétisme, l’inégalité entre les deux sexes, l’ignorance… Qui aurait cru dans les années 50 que la société finirait par se plier aux nouvelles lois émancipant la femme ? Qui aurait cru qu’en commençant par obliger les parents à envoyer leurs filles à l’école, nous verrons un jour, des pères et des mères se priver pour offrir une éducation à leurs progénitures de sexe féminin ? 

Il faut seulement prendre conscience que le discours de Tebbini ne déroge pas à la règle. C’est le reflet, l’expression de la rue. Le député nous expose ce qui se passe dans nos universités, dans nos rues, dans les discussions animées dans nos cafés qui tournent parfois à la bagarre pour une opinion différente. Même notre police peine parfois à contenir son agressivité. 

D’une façon ou d’une autre, Fayçal Tebbini doit être sanctionné, ainsi que tous ceux qui tiennent ce discours, qui profèrent des menaces se croyant au-dessus de la loi. L’éducation, l’apprentissage, le travail socio-éducatif devraient aller de pair avec l’application de loi. Cela prendra du temps, des années peut-être, mais en attendant que la société soit convaincue qu’il existe une différence entre porter atteinte à la sécurité et à la dignité d’une personne et la liberté d’expression, la loi doit sanctionner. 

Nous ne devons plus hésiter de peur que punir une violence pourrait engendrer des réactions violentes. Autrement, nous perdrons nos droits les plus élémentaires. Nous perdrons même l’Etat de droit avant d’avoir fini de le bâtir. 

Hajer Ajroudi 

 

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