Yacoubi se rebelle contre la décision de la commission administrative de l’UGTT, et quoi après ?

Yacoubi se rebelle contre la décision de la commission administrative de l’UGTT, et quoi après ?

 

Alors que le patron de l’UGTT, Noureddine Taboubi expliquait lundi soir sur les médias la portée de la décision prise par la Commission administrative appelant à la reprise des cours et à la remise des notes, le secrétaire général de la fédération générale de l’enseignement secondaire Lassaad Yacoubi se fendait d’un bref communiqué où il invitait les enseignants à s’en tenir à la décision de la commission administrative sectorielle ce qui revient à dire non à l’appel de la plus haute instance de la centrale syndicale.

Si cela n’est pas une rébellion contre les décisions de la direction de l’UGTT ça y ressemble fort, d’autant que Yacoubi faisait un point d’honneur à ce que ses troupes exécutent ses directives et font réussir le mouvement social mieux et plus largement « dans le même esprit militant » selon les termes du communiqué.

La position du secrétaire général de la fédération de l’enseignement secondaire n’est pas surprenante. Elle est même dans la nature des choses, car la centrale ouvrière a toujours satisfait le moindre de ses caprices.

Ainsi lui a-t-elle emboité le pas lorsqu’il a exigé et obtenu le limogeage de l’ex-ministre de l’Education Néji Jalloul, alors que la nomination ou la révocation d’un membre du gouvernement n’a jamais figuré parmi les revendications de la centrale syndicale.

La direction de l’UGTT a rehaussé aussi son syndicat en une fédération générale, ce qui lui donne droit de disposer d’une commission administrative sectorielle dont il usera le moment venu pour dicter ses vues y compris sur la direction syndicale. Ce qu’il ne manquera pas de faire, le premier moment venu.

Lassaad Yacoubi a imposé la rétention des notes comme une forme du combat syndical au même titre que la grève, ce qui n’existe nulle part dans les pratiques syndicalistes. D’ailleurs il a réussi à l’imposer contre les vues de la direction syndicale qui n’y était favorable car elle était sensible au fait qu’une telle mesure était forcément impopulaire et ne pouvait être avalisée par les parents d’élèves.

Tout le monde savait que Noureddine Taboubi et certains de ses camarades au bureau exécutif étaient opposés à cette mesure, mais personne n’a osé lui porter la contradiction. Par leur silence, ils l’ont laissé faire, ce qui lui a permis de porter l’escalade à son comble mettant l’année scolaire en danger.

Alors que Taboubi et les plus raisonnables de ses lieutenants essayaient de calmer le jeu et se répandaient dans les médias pour dire qu’il n’y aura pas d’année blanche, lui prenait un malin plaisir à aller à l’escalade, qu’il souhaitait de toutes ses forces, rendant ainsi l’année blanche tant redoutée non une fiction mais une réalité qui devient chaque jour plus effective.

Ne montrant aucun signe de souplesse et n’ayant aucune intention de privilégier l’apaisement, alors que l’année scolaire touche à sa fin et que les examens nationaux arrivent à grande vitesse, Yacoubi a placé la direction de la centrale dans un dilemme, soit elle soutient ses exigences, dont elle sait qu’elles sont au dessus des possibilités du pays, soit elle le désavoue, avec les conséquences que cela puisse provoquer sur l’unité syndicale.

Convoquer une réunion urgente du bureau exécutif et une session extraordinaire de la commission administrative nationale était pour la direction de l’UGTT une manière d’imposer une accalmie dans une crise qui si elle perdure risque de mettre la centrale syndicale en porte à faux avec l’opinion publique qui n’accepterait jamais que la jeunesse tunisienne soit l’otage d’un conflit qui en tout état de cause ne la concerne pas.

Evidemment Yacoubi ne l’entendait pas de cette oreille. La suspension des cours pour une durée indéterminée, comme la rétention des notes, c’est sa fédération qui l’ont décidé et il n’accepterait en aucune façon que la structure qu’il a préside et dont il tire sa puissance en soit dessaisie.

Présent à Hammamet, il savait que c’est lui qui tirera la ficelle le dernier et qu’en aucune façon il ne se laissera marcher sur les pieds. C’est pourquoi, il va laisser circuler l’information sur la reprise des cours et la remise des notes, avant d’entrer dans le jeu pour montrer qui tient l’autorité sur les professeurs.

En disant non et en imposant cette décision y compris à la direction de l’UGTT qui se trouve ainsi dans de mauvais draps, il montre qui est le maître du jeu.

Même si en fin de compte, il fera comme c’est attendu machine arrière et que la position de la commission administrative nationale finira par s’imposer, il aura réussi à s’imposer comme le syndicaliste qui a fait plier le gouvernement- qui lui a remis sur un plateau la tête de l’ancien ministre de l’Education- mais aussi celui qui a été encore plus fort que la commission administrative nationale, la plus haute instance de la centrale syndicale.

En le laissant faire, les syndicalistes doivent savoir maintenant à quoi s’en tenir.

Yacoubi est en train de creuser son sillon. Demain imposera-t-il sa loi à toute la centrale ? C’est probable. Mais avec lui les contre-pouvoirs doivent savoir où mettre les pieds.

Celui qui s’est lancé dans une diatribe contre les journalistes les qualifiant d’infamie et de honte de la profession n’est pas du genre à présenter des excuses comme exige de lui le syndicat national des journalistes.

Du reste il montre franchement qu’il n’accepte pas la critique alors que c’est la règle en démocratie.

RBR

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