Dr Hamdi Mbarek: "Pour éviter une évolution sévère de la maladie, il faut recevoir le vaccin en avance"

Dr Hamdi Mbarek: "Pour éviter une évolution sévère de la maladie, il faut recevoir le vaccin en avance"

Dr. Hamdi Mbarek est un chercheur tunisien connu pour ses recherches en génétique. Il a fini une maitrise en sciences de la vie – biotechnologie à la faculté des Sciences avant de partir à Paris pour décrocher un mastère en génomique de l’Université de Paris Sud. Puis, il a obtenu un doctorat en biologie moléculaire et cellulaire à l'Université d'Évry Val d'Essonne à Paris. 

Il a effectué une première recherche postdoctorale sur la génomique des maladies complexes à l'Université de Tokyo au Japon, et une seconde sur la génétique des maladies psychiatriques et la génétique de la dépendance à l'Université VU aux Pays-Bas.

Dr Mbarek, professeur adjoint à l'Université VU d'Amsterdam, est actuellement le directeur des partenariats de recherche chez Qatar Genome. Son expertise et ses recherches comprennent des analyses génétiques et épidémiologiques des traits complexes, l'étude moléculaire des maladies complexes (cancers et hépatite B chronique), la génétique de la dépression, de la toxicomanie et du jumelage comme mesure de la fertilité, l'utilisation de la bio-informatique pour analyser les données génomiques à haut débit et les relations entre le comportement humain, le mode et l’hygiène de vie, les traits, les maladies et la génétique.

Nous avons donc eu le plaisir de discuter avec lui autour des résultats de sa dernière recherche internationale portant sur les causes des traits sévères de la COVID-19, en faisant partie d’un groupe de 3000 chercheurs. Cette recherche a confirmé que le système génétique d'un individu peut influencer son risque d'infection ainsi que la gravité des symptômes de la COVID-19. Récit :

Espace Manager : Certes, il est utile de savoir que le système génétique d'un individu peut influer sur son risque d'infection ainsi que la gravité des symptômes de la COVID-19, mais cette étude servira en réalité à quoi ?

Comme vous le savez, tout le monde se demande pourquoi certains individus sont sévèrement affectés par le virus et d’autres non. Cette étude nous aide à comprendre la biologie de ce phénomène, et notamment les mécanismes génétiques pour trouver un traitement.

 Est-ce qu'il y avait des patients arabes membres de l’échantillon de cette étude, notamment des Tunisiens? Prochainement, dans une phase ultérieure ? Ces résultats pourraient être prises en considération pour les différentes origines ?

La seule représentation arabe dans cette version de l’étude publiée au journal « Nature » le 8 juillet 2021, est celle des Qataris. Mais on prévoit une contribution arabe plus élargie lors des prochaines mises à jour de l’étude avec notamment une participation tunisienne, égyptienne, jordanienne, et saoudienne. 

La personne qui a été victime de COVID-sévère est en effet une personne plus exposée aux maladies graves ? Ses enfants le sont systématiquement ?

Ce n’est pas aussi simple que ça, car chaque maladie a ses spécificités et son degré d’héritabilité. Généralement, si une maladie a une composante héréditaire alors il y a une chance que les enfants de la personne atteinte soient aussi atteints par cette maladie.

Le vaccin disponible actuellement a-t-il un effet sur le génotype humain ? Tous les vaccins ?
Non, il n’y a aucun effet du vaccin sur le génotype humain. Autrement dit, le vaccin n’affectera en aucun cas le génome humain.

Par contre, nous sommes en train de faire des recherches sur la réponse vaccinale, et on a observé que les symptômes mais également le degré d’immunisation varient chez les gens. Il y a évidemment plusieurs facteurs qui peuvent expliquer cette variation et la génétique compte parmi ces facteurs.

Le gène SLC6A20 responsable de la gravité de la maladie pourrait-il être manipulé pour éviter que nos enfants (descendants) soient affectés dans l’avenir ? Si oui, comment ? par un manipulation vaccinale ou autre ?

Une manipulation génétique n’est pas envisageable pour le moment. Par contre si on détermine les personnes porteuses des variantes génétiques à risque dans ce gène on peut les protéger en avance. Ces gens doivent recevoir le vaccin en avance ou bien recevoir un traitement précoce pour éviter l’évolution de la maladie vers l’état sévère.

Est-ce que cette étude pourrait donner une explication aux mutations du variant (souche britannique, souche indienne, etc.) ? Pourquoi parlons-nous déjà de plusieurs souches ?

Cette étude se concentre sur le génome de l’hôte (l’humain dans ce cas) pour déterminer les facteurs de susceptibilité et de sévérité. D’autres études, se focalisent sur l’interaction entre le génome du virus (et les différentes souches) et le génome de l’hôte mais ces résultats ne sont pas encore disponibles. L’apparition de plusieurs souches est un phénomène normal pour ce type de virus surtout quand le virus trouve le terrain favorable pour se propager à l’instar de ce que nous avons vu et pu détecter en Inde, à Brésil, en Afrique du Sud et en Angleterre. 

Est-ce que cette étude pourrait confirmer que la COVID-19 n'a pas été développée dans un laboratoire scientifique ?

Cette étude concerne le génome humain et non pas le génome du virus. Par ailleurs, l’origine de ce virus est encore sujet à un grand débat, les scientifiques auront besoin d’accéder à toutes les données épidémiologiques et sanitaires de la ville de Wuhan en Chine pour pouvoir retracer l’origine du virus et établir une évidence scientifique sur l’origine de ce virus en toute transparence et intégrité scientifique.

Autre chose à ajouter ? 

S’il y a une bonne leçon à retenir de cette pandémie, je dirais qu’il faut que les Etats accordent beaucoup plus de budget à la recherche scientifique et renforcer davantage les ressources des hôpitaux publiques pour une meilleure gouvernance de la crise sanitaire.

Propos recueillis par Nouha Belaid

Lire aussi : Pourquoi certains développent une Covid-19 sévère alors que d'autres ne présentent pratiquement aucun symptôme ? 

Votre commentaire