Une journée normale en Tunisie 

Une journée normale en Tunisie 

 

« Bonjour le jour, bonjour la vie ! ». On se réveille comme l’on peut, certains avec le sourire, d’autres grincheux. Mais la journée n’a pas encore commencé, pas vraiment tant qu’on n’est pas sorti de chez soi. 

Nous voilà dehors et à ce moment là, nous pouvons dire que nous commençons « une journée normale en Tunisie ». Si vous n’avez point de voiture et que vous prenez un taxi, vous dépendez forcément de la bonne volonté, de l’humeur et du trajet du conducteur. 

Il va sans dire que prendre les transports en commun est un calvaire. Le retard est « toujours au Rendez-vous ». Le bus, le train et le métro regorgent de gens et parfois de voleurs à l’arraché et en plus s'ajoutent les pervers s’y glissent. Par-dessus le marché, vous devez faire du coude pour monter ou descendre. 

Mais si vous conduisez, votre journée commencera certainement par un trafic dense, ce qui est normal dans tous les pays du monde. Néanmoins en Tunisie, il faut compter que durant un seul trajet, il y aura une personne qui essayera de vous doubler à droite, une autre qui vous arrachera votre priorité, une troisième qui traînera devant vous sur la file de gauche et encore une qui grillera le feu.

Certaines d’entre elles vous insulteront au passage si vous vous avisez de ne pas les laisser faire, autrement, c’est vous qui n’êtes pas normal.
 
Les piétons qui traversent sont presque toujours en danger, mais il y a toujours quelques-uns qui, voyant la voiture s’arrêter pour les laisser passer, marchent lentement, les pires sont les filles qui se déhanchent, prenant tout leur temps. Bien évidemment, les gens marchent sur la chaussée et les voitures sont garées sur les trottoirs… Ne cherchez pas la logique, continuez votre chemin. 

Arrivé au bureau, la journée a déjà été assez mouvementée. Heureusement que le rythme lent dans nos administrations et services publics, « y ajouteront de la tranquillité et de la sérénité », même si cela impliquerait d’attendre une éternité si on a besoin de retirer un document ou d’entreprendre des démarches. Il y aura certainement quelqu’un de plus pressé que vous, et surprise, il a une connaissance qui le fait glisser en tête de liste. 

Le protocole en Tunisie stipule que vous ne devez pas sourire, surtout pas aux inconnus dont les regards croisent les vôtres. Ne vous attendez pas non plus à un bonjour de la part d’une personne avec laquelle vous traitez dans un guichet ou à la caisse… 

Partout où vous irez la plupart des visages que vous verrez seront maussades, mornes, fatigués, ou carrément en colère.  
La journée touche à sa fin et vous rentrez chez vous, le parcours du combattant entrepris le matin sera le même le soir, mais avec plus de mauvaise humeur, d’énervement, d’agressivité. Les nerfs sont tendus et les gens fatigués. Evidemment il y aura toujours une personne plus pressée que vous qui vous doublera à droite etc. Ne craquez pas, sinon vous serez taxé d’hystérique… 

En chemin, vous vous arrêtez pour faire des courses. Une fois cela fait, vous attendez votre tour comme toute personne civilisée. Au moment où vous passez à la caisse, il y aura encore une personne plus pressée que vous qui tendra la main et paiera vite fait ses courses sans vous regarder. 

Vous sortez, mais une voiture vous barre le chemin car une personne s’est garée derrière vous. Elle est introuvable, traînant tranquillement quelque part. Ne lui faites ni reproche ni remarque quand elle reviendra. Il est fort probable qu’elle refuse alors de bouger, pour « vous punir pour votre arrogance » ! 

Vous habitez un immeuble et vous arrivez enfin à la dernière étape. Une personne quitte sa voiture quelques secondes avant vous. Vous accourez après elle pour prendre l’ascenseur, mais il a déjà grimpé… Evidement, encore une personne si pressée qu’elle vous nargue en bas. Tant pis si vous êtes alourdie par les courses, les bras meurtris ! 

Maintenant vous êtes chez vous. Vous venez de traverser une journée pénible, qui s’avère être semblable à celle d’avant et qui sera exactement la même le lendemain. En attendant, vous comptez savourer le calme qui règne dans votre appartement. A peine quelques minutes et une dispute éclate chez les voisins. Un peu plus tard dans la soirée, la musique s’échappe d’un autre appartement. 

Au moment où vous vous couchez, les voisins du dessus décident de bouger leurs meubles, de marcher en courant, parfois la voisine se promène chez elle en portant des talons ! 

Ce fut là une journée normale en Tunisie, au bout de laquelle vous êtes bon pour l’asile si vous avez les nerfs fragiles et si vous êtes solides vous serez juste tendus. Parfois sans en connaître la cause. 

On ne s’y habitue jamais, c’est un calvaire qu’on vit et qu’on revit au quotidien. Décidément, vous continuez à refuser de « devenir normal et de rentrer dans le moule » ! Vous êtes tout simplement si fatiguant… 

Hajer Ajroudi

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