Abderraouf Najar: "Ennahdha est né sur cette terre et demeure attaché à sa tunisianité"

 Abderraouf Najar: "Ennahdha est né sur cette terre et demeure attaché à sa tunisianité"
 
 
Les préparatifs pour la tenue  du  10e congrès du Mouvement Ennahdha battent leur plein. Prévu pour le mois d’avril prochain, ce congrès sera celui de la clarification de la ligne politique du mouvement né en juin 1981 et qui a connu une mue profonde tout le long des trois dernières décennies. 
 
De l'euphorie de la création aux procès de 1981, 1984 et 1987, sous l'ère Bourguiba, à la brève lune de miel avec Ben Ali avant l'affrontement, la prison et l'exil. Un parcours émaillé de plusieurs incidents et épreuves qui ont failli décapiter un mouvement ayant pris beaucoup d'ampleur et séduit des milliers de Tunisiens.
 
Une vingtaine d'années après la terrible épreuve qu'il a vécue, le Mouvement de la tendance islamique, devenu Ennahdha en 1989, revient sur la scène politique nationale, par la grâce de l'insurrection des jeunes déclenchée en décembre 2010 et qui a fini par faire tomber le pouvoir en place le 14 janvier 2011. Il obtient son visa d'existence en mars 2011. 
 
Le mouvement, longtemps persécuté sous l'ancien régime, payant un lourd tribut, a su guérir de ses blessures, mobiliser ses troupes et préparer l'échéance électorale d'octobre 2011 de la meilleure manière possible. Il se présente aux premières élections de l'Assemblée nationale constituante, au mois d'octobre de la même année, et devient, avec 89 députés sur un total de 217, la première force du pays.
 
A l'épreuve du pouvoir, Ennahdha et ses deux alliés Ettakatol de Mustapha Ben Jaâfar et le Congrès pour la République de Moncef Marzouki n’ont pas tout réussi et les deux années de leur gouvernance a affecté le mouvement et fait douter de ses capacités à conduire le pays. Les élections d’octobre 2014 ont relégué le mouvement à la seconde place avec 69 députés derrière Nidaa Tounes, 86 députés, avec lequel, Ennahda s’est allié pour former l’actuelle collation au pouvoir qui comprend outre les deux mouvements, l’UPL et Afek Tounes. Les deux « ennemis irréductibles » d’hier, Rached Ghannouchi et Béji Caid Essebsi, sont devenus « les fidèles amis » d’aujourd’hui.
 
Pour en savoir plus sur le congrès d’avril prochain, nous avons interviewé pour vous le président  du comité d’organisation du 10e congrès, chargé de la préparation motions Abderraouf Najjar
 
Espacemanager : Où en sont les préparatifs du prochain congrès ?
 
Abderraouf Najar: Les préparatifs ont commencé depuis le mois d’avril 2014. Deux grandes commissions ont été créées, la commission d’organisation et la commission des motions. Cette dernière s’est penchée sur le contenu et essentiellement sur quatre points importants : l’évaluation de  l’activité du mouvement, les choix stratégiques, la vison d’avenir et les réformes structurelles. Avec l’ébauche d’une nouvelle approche  politique et civile en parfaite synergie avec l’esprit de la nouvelle constitution.
 
Les congrès régionaux sont en train de débattre de ces chois stratégiques ?
 
Dans le cadre des préparatifs en cours pour l’organisation du 10e congrès général du parti, le conseil de la choura a sélectionné deux commissions. La première, est chargée de la préparation du contenu du congrès, tandis que la deuxième est en charge de la préparation budgétaire, en coordination avec le bureau exécutif. Selon les statistiques présentées par le comité de l’organisation matérielle du congrès  5262 de militants sont en train de prendre part aux congrès régionaux, pour débattre de ces choix stratégiques et selon les premières constations la majorité adhère aux changements proposées. Le congrès verra par la suite la participation d’environ 1200 congressistes qui valideront la nouvelle vision.
 
Vous parlez de choix stratégiques qui, en principe, doivent trancher avec la ligne adoptée par le Mouvement de la tendance Islamique(MTI) ancêtre d’Ennahdha et de ses références à la religion, est-ce bien le cas ?
 
Ecoutez, notre mouvement a évolué au cours de ces dernières années, tant sur le plan politique que sur le plan social. Il est devenu un parti politique qui a pris une part importante dans l’élaboration de la constitution de janvier 2014. Cette constitution stipule dans son article premier que  «  La Tunisie est un État libre, indépendant et souverain, l’Islam est sa religion, l’arabe sa langue et la République son régime ».
 
De ce fait, il a adhéré  aux principes démocratiques énoncés par la Loi fondamentale. Son comportement et ses positions lors des dernières élections législatives le montrent bien. De même que son discours a évolué pour éviter tout amalgame entre religion et politique. C’est un parti moderne qui croit en la démocratie et défend les libertés fondamentales. Toutefois, l’Islam qui est la religion de la quasi-totalité des Tunisiens reste l’une des références fondamentales dans notre vie tout comme dans l’élaboration des lois du pays.
 
Et ce rapport toujours ambigu avec la confrérie islamiste que certains dirigeants de votre mouvement continuent à s’y attacher ?
 
Ennahdha ne fait partie de cette confrérie bien qu’il partage avec elle l’esprit de la religion islamique dans ce qu’elle a de principes qui prônent la mansuétude, la solidarité et l’amour de Dieu et du prochain. Il est évident que la Tunisie n’est pas l’Egypte et que notre mouvement a ses racines dans ce pays et nulle part ailleurs. Il partage avec la plupart des autres formations politiques les mêmes valeurs et les mêmes approches.
 
Le fait qu’il fait partie d’une coalition  formée de quatre partis et qu’il soutient le gouvernement et défend les institutions de l’Etat est la preuve que notre mouvement qui est né sur cette terre demeure attaché à sa Tunisianité.
 
Certains informations font état d’une « fronde » de la part de ce qui est appelé « faucons » du mouvement contre la politique menée par Cheikch Rached Ghannouchi et notamment son alliance avec son « ennemi d’hier » Béji Caïd Essebsi, qu’est-il réellement ?
 
Ennahdha est un parti démocratique et les divergences de vue et les critiques sont permises à l’intérieur de ses structures. Sa ligne politique n’est pas tracée par une seule personne fut-elle son président charismatique, mais elle est adoptée par l’ensemble de sa direction après consultation de ses structures.
 
L’alliance avec Nidaa Tounes a été dictée par les intérêts du pays et les  exigences de la nouvelle étape suite aux résultats des dernières élections. Le pays traverse une étape très difficile de son histoire et il faut  unir toutes les forces vives pour pouvoir la négocier avec toutes les garanties requises. Et même si certaines voix critiquent cette démarche, ce qui est de leur droit, elles ne sont jamais allées jusqu’à l’irréparable.
 
Pour les Nahdhaouis, Rached Ghannouchi est le fondateur et demeure, de part sa sagesse et sa vaste connaissance  des problèmes du pays et son réseau des relations internationales, la référence et l’homme de consensus. C’est pourquoi, il sera appelé à poursuivre sa mission à la tête du mouvement.
 
Propos recueillis par M B O

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