Arsenal juridique de Bourguiba Texte intégral du Décret réglementant l’état d’urgence

Arsenal juridique de Bourguiba  Texte intégral du Décret réglementant l’état d’urgence

 

On en a beaucoup parlé ces derniers jours. C’est d’ailleurs en vertu de ce décret pris le 26 janvier 1978 et signé par Habib Bourguiba que les arrestations des barons de la contrebande et les requins de la corruption et des malversations ont eu lieu depuis mardi et leur assignation à résidence a été décidée. Il s’agit du seul texte règlementant jusqu’ici l’état d’urgence. Ce texte a servi sous tous les gouvernements depuis le 14 janvier sous le président par intérim Fouad Mebazaa, sous la Troïka et le président provisoire Moncef Marzouki ainsi que depuis la mise en place des institutions permanentes après l’élection de Béji Caïd Essebsi à la magistrature suprême.

Voici in extenso le texte du Décret n°78-50 du 26 janvier 1978, réglementant l’état d’urgence :

« Nous, Habib Bourguiba, Président de la République Tunisienne ;

Vu l’article 46 de la constitution ;

Vu l’avis du Premier Ministre et du Président de l’Assemblée Nationale

: Décrétons :

Article Premier. – L’état d’urgence peut être déclaré sur tout ou partie du territoire de la République, soit en cas de péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public, soit en cas d’évènements présentant par leur gravité le caractère de calamité publique.

Art.2. – L’état d’urgence est déclaré pour une durée maximum de trente jours par décret qui détermine la ou les circonscriptions territoriales à l’intérieur desquelles il entre en vigueur.

Art.3. – L’état d’urgence ne peut être prorogé que par décret qui fixe sa durée définitive.

Art.4. – La déclaration de l’état d’urgence donne pouvoir au gouverneur dans les zones prévues à l’article 2 et autant que la sécurité et l’ordre publics l’exigent :

1) d’interdire la circulation des personnes ou des véhicules ;

2) d’interdire toute grève ou lock-out même décidés avant la déclaration de l’état d’urgence ;

3) de réglementer les séjours des personnes ;

4) d’interdire le séjour à toute personne cherchant à entraver de quelque manière que ce soit, l’action des pouvoirs publics ;

5) de procéder à la réquisition des personnes et des biens indispensables au bon fonctionnement des services publics et des activités ayant un intérêt vital pour la nation.

Art.5. – Le Ministre de l’Intérieur peut prononcer l’assignation à résidence dans une circonscription territoriale ou une localité déterminée, de toute personne, résidant dans une des zones prévues à l’article 2 dont l’activité s’avère dangereuse pour la sécurité et l’ordre publics desdites zones. L’autorité administrative doit prendre toutes dispositions pour assurer la subsistance de ces personnes ainsi que celle de leur famille.

Art.6. – Le Ministre de l’Intérieur peut ordonner la remise, contre récépissé, des armes et des munitions dont la détention est soumise à autorisation et prescrire leur dépôt entre les mains des autorités et dans les lieux désignés à cet effet. Toutes dispositions doivent être prises pour qu’elles soient rendues à leurs propriétaires en l’état où elles étaient lors de leur dépôt.

Art.7. – Le Ministre de l’Intérieur pour l’ensemble du territoire où est institué l’état d’urgence, ou le gouverneur pour le gouvernorat, peuvent ordonner la fermeture provisoire des salles de spectacles, débits de boissons et lieux de réunion de toute nature. Peuvent être également interdites les réunions de nature à provoquer ou entretenir le désordre.

Art.8. – Dans les zones soumises à l’application de l’état d’urgence, les autorités visées à l’article 7 précédant peuvent ordonner des perquisitions à domicile de jour et de nuit et prendre toutes mesures pour assurer le contrôle de la presse et des publications de toute nature ainsi que celui des émissions radiophoniques, de projections cinématographiques et des représentations théâtrales.

Art.9. – Les infractions aux dispositions du présent décret sont punies d’un emprisonnement de six à deux ans et d’une amende de 60 à 2500 dinars ou de l’une de ces peines seulement. L’exécution d’office par l’autorité administrative des mesures prescrites en vertu du présent décret peut être assurée nonobstant l’existence de ces dispositions pénales.

Art.10 – Pour la poursuite et la répression de toutes infractions aux dispositions du présent décret, il est fait application de la procédure prévue aux articles 33 à 35 du Code de procédure pénale devant les juridictions répressives de droit commun. Toutefois, le Ministre de la Justice peut ordonner par écrit le Procureur Général de la République de saisir la Cour de Sûreté de l’Etat conformément à la loi n°68-17 du 2 juillet 1968 portant institution de ladite cour. Ces procédures demeurent applicables même après cessation de l’état d’urgence.

Art.11– Les mesures prises en application du présent décret cessent d’avoir effet dès qu’aura pris fin l’état d’urgence.

Fait au Palais de Carthage, le 26 janvier 1978

Le Président de la République Tunisienne

Habib BOURGUIBA »

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