Belgagate : Péril en la demeure.

Belgagate : Péril en la demeure.

« Les armes sont des jouets, les cartouches sont des suppositoires, les combinaisons de scaphandrier c’est pour un défilé de mode sous-marin. Soit. Et les huit passeports saisis dans le conteneur » ? Cette boutade sur Facebook résume bien l’état d’esprit de la majorité des Tunisiens qui ne comprennent pas que le fameux dossier de l’homme d’affaires belge soit expédié aussi légèrement.

Le 9 février 2016 un conteneur renfermant des armes est intercepté aux environs de Nabeul. L’information fait tache d'huile, mais soulève des supputations. Pourquoi laisser le conteneur franchir la douane ? Viennent alors les explications des douaniers, sûrs d’eux. Parallèlement, des médias commencent à mettre en doute le caractère sérieux de l’affaire. Une chaine de télévision va jusqu’à s’évertuer, un « expert » à l’appui, à expliquer que des objets supposés être des armes peuvent se révéler des jouets.

Le 19 tombe le verdict. Dans le conteneur, il n’y avait que des jouets et le Belge quittera la Tunisie le samedi 20, lit-on dans la presse. Les réseaux sociaux s’enflamment, qui faisant de la douane une risée, qui criant au scandale de l’Etat complice et mettant au pas la douane.

Le 19 toujours, sur les ondes de Shems Fm, un colonel de la douane persiste et signe : « c’était des armes». Dans le conteneur du Belge il y avait bien des armes, persiste à dire le colonel Hatem Helal, membre du bureau exécutif du syndicat des agents de la douane. Il va jusqu’à reconnaitre l’existence de pressions sur les services douaniers les qualifiant « de plus grandes que la douane et que quiconque». L’homme s’est abstenu de nommer quiconque mais, sans aucun doute, a désigné des cercles de pressions : des parties ont fait en sorte de conclure que le conteneur renfermait des jouets afin de clore définitivement le dossier. Il a fallu que ce soit des jouets et ainsi fut-il » a-t-il dit. A qui profite cet imbroglio belgo-médiatico-politico-douanier?

D’abord, Probablement pas à la douane. Il est vrai que les services douaniers sont assez souvent accusés de corruption. Quelques semaines avant le belgagate, politiques et médias en ont assez souvent parlé. Les services douaniers peuvent être corrompus, mais être incapables de faire le distinguo entre armes à feu et jouets en plastique la blague devient grossière. Même des fonctionnaires corrompus n’iraient pas jusqu’à inventer une si pitoyable histoire. Pour quel motif mentiraient-ils aux Tunisiens ? Pour entretenir un climat de psychose ! Pourquoi alors les instigateurs supposés auraient-ils laissé tomber l’affaire ?

Ensuite, il y a les médias. Il est vrai aussi que les politiques n’ont jamais supporté les médias d’autant plus les indomptables d’entre eux. Il serait niais de croire en une opération montée pour dénigrer et les médias et la douane qui seraient intraitables pour fermer les yeux sur des trafics mille fois plus juteux que ce que pourraient empocher des agents corrompus. Cependant, il est bizarre que la HAICA se taise sur le traitement réservé à l’affaire du conteneur. L’instance a l’habitude de tirer plus vite que son ombre quand il s’agit de question touchant à la sécurité du pays, comme c’était le cas dans les affaires de terrorisme. Là aussi, il est notoire que la HAICA, de l’aveu même de certains de ses membres, est sujette à des pressions. Pourquoi s’est-elle tue ?

Par ailleurs l’affaire parait douteuse de par la nationalité belge de l’homme d’affaires aussitôt impliqué aussitôt blanchi. La « belge connection » est très active en terrorisme, et il faut juste se remémorer les attentats de Paris de novembre 2015. Pas plus tard que cette semaine la police belge a arrêté dix personnes à Bruxelles, dans plusieurs quartiers dont Molenbeek, d’où les descentes punitives sur Paris ont été planifiées, mais aussi Schaerbeek, Koekelberg et Etterbeek proche des institutions européennes.

Reste enfin l’appareil politique que nous n’avons pas suffisamment entendu s’exprimer sur l’affaire. Il est rare qu’une affaire si sensible, si compliquée et complexe n’interpelle pas les politiques. Une affaire touchant à un corps si vital engagé dans le combat contre le terrorisme. Qui est visé par les propos du colonel Hatem Helal quand il clame que les enjeux « sont plus grands que la douane et que quiconque ». Qui est ce « quiconque » qui, en secret écrase la douane et, en public, chercherait à la dénigrer ou la paralyser?

Les Tunisiens n’ont pas de réponses. Prenant leur mal en patience, ils ne manquent pas de faire le parallèle avec la razzia sur l’ambassade américaine qui a abouti à la cession  d’un lot de terrain aux Américains en guise de dommages. « Pour dédommager le Belge, le gouvernement tunisien lui demande s’il voulait un lot de terrain à Hammamet ou à Gammarth. Le Belge choisit le Mont Chaâmbi mieux adapté aux  armes de sport » lit-on sur Facebook.

Med Chelbi

 

 

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