Confinement sanitaire Versus Immunité collective ?

Confinement sanitaire Versus Immunité collective ?

Par Dr Mahjoub Lotfi BELHEDI(*)

En l’absence d’un vaccin, chaque pays choisit son  cap de « bonne espérance » dans la lutte contre la Covid-19 oscillant entre le mantra « confinement sanitaire généralisé »  et la  posture non gratta « d’immunité  collective » !

Ayant été  mis á l'épreuve, « le confinement sanitaire généralisé » a induit des désastres socio-économiques sans précédant dans l'histoire de l'humanité et des dommages collatéraux  en termes de santé publique d'ordre psychologique et mentale particulièrement, sans pour autant donner une réponse appropriée et pérenne contre la montée exponentielle de la pandémie. 

Fort curieusement, après une longue phase d’hibernation, l'Organisation Mondiale de la Santé s'est prononcée récemment sur la question du confinement sanitaire via les déclarations du Dr David Nabarro, l’ex- Conseiller spécial auprès du Secrétaire ‎général de l’ONU  et l’un des six envoyés spéciaux de l’OMS pour la Covid-19 dont il a exhorté, le 8 octobre dernier, les dirigeants du monde  à cesser d’utiliser le confinement comme principale méthode de contrôle contre la propagation du coronavirus, en précisant que : « Nous, à l’Organisation Mondiale de la Santé, ne préconisons pas le confinement comme principal moyen de contrôle de ce virus … La seule fois où nous pensons qu’un confinement est justifié, c’est pour permettre de gagner du temps pour vous réorganiser, vous regrouper, rééquilibrer vos ressources, protéger vos travailleurs de la santé qui sont épuisés, mais dans l’ensemble, nous préférons ne pas le faire...Et nous lançons donc un appel à tous les dirigeants du monde : Cessez d’utiliser le confinement comme votre principale méthode de contrôle, développez de meilleurs systèmes pour le faire, travaillez ensemble et apprenez les uns des autres, mais rappelez-vous que les confinements ont une seule conséquence que vous ne devez jamais négliger qui est de rendre les pauvres beaucoup plus pauvres ».

Quatre mois avant, la Dr Maria Van Kerkhove, responsable technique de la cellule chargée de la gestion de la pandémie à l'OMS, avait invité les gouvernements à travers le monde à ne pas considérer le confinement comme une «recette magique ».

Face à ces aveux inouïs émanant de la plus haute instance sanitaire au monde, désormais, on assiste  á un mouvement de migration déguisé des États vers les «cieux maudits» de l'immunité collective !?

Selon l’Institut Pasteur «  L'immunité collective correspond au pourcentage d’une population donnée qui est immunisée/protégée contre une infection à partir duquel un sujet infecté introduit dans cette population va transmettre le pathogène à moins d’une personne en moyenne, amenant de fait l’épidémie à l’extinction, car le pathogène rencontre trop de sujets protégés. Cette immunité de groupe, ou collective, peut être obtenue par l’infection naturelle ou par la vaccination (s'il existe un vaccin bien entendu) ».

Alors qu’il s’agit d’un concept scientifique empiriquement reconnu depuis les travaux de l'épidémiologiste « William Farr » en 1840 et qu'il y a cent ans avant « la grippe espagnole » au bilan terrible (entre 20 et 50 millions de morts selon les estimations)  n'a pu être enrayer définitivement qu'á travers ce mécanisme, les discours de diabolisation de « l'immunité collective » et la sacralisation du « confinement sanitaire généralisé» ne cessent d’accroitre le flou tout autour de la démarche la plus pertinente á entreprendre pour faire face á cette pandémie. 
 
Les fervents partisans du confinement sanitaire considèrent que l'immunité collective est un pari trop risqué, une approche dépourvue d’éthique génératrice de centaine de milliers de morts, alors que dans le camp adverse,  leur plaidoirie repose doublement sur l’expérience chaotique du confinement sanitaire généralisé décrété suite à l'avènement du Covid-19 au monde mais aussi sur le caractère  naturel inévitable  du processus d'immunité collective surtout en situation d’absence de vaccin !

Sans trop s'enliser  dans cette polémique sans issue, il y a lieu de répondre à l’interrogation suivante : Peut-on emprunter une voie alternative,  se situant entre le confinement sanitaire généralisé et l'immunité collective ? Autrement dit, une voie médiane, baptisée « immunité collective réfléchie » tirant pleinement parti des « apports positifs possibles » de ces deux approches différentes dans la lutte contre la prolifération du virus.

En observant de prés la dynamique internationale actuelle en matière de lutte contre le virus,  il paraît que la synergie entre les deux approches s’avère possible pourvu qu’on  se débarrasse une fois pour toute des idées préconçues. 

Entre autres, un usage judicieux d’un « confinement personnalisé » ou « à la carte » à caractère restreint visant exclusivement les populations á risque  (les personnes âgées jugées vulnérables et celles atteintes d'une maladie chronique) et les régions déclarées foyer pandémique suivi d’une application rigoureuse des protocoles sanitaires sectoriels, pourront éventuellement aboutir non seulement á réduire les pics d'hospitalisation en réanimation mais aussi á donner des ailes á l'immunité collective pour qu’elle puisse suivre son processus d’immunisation naturelle via les personnes asymptomatiques dont la proportion atteint plus que les deux tiers des personnes contaminées à travers le monde ! Un indicateur réconfortant pour l’accélération de la thèse d’immunité collective contrairement à ce qui se déferle de la puissante machine de peur médiatique… 

Il est fort probable, qu’une bonne  « alchimie » des deux approches selon la règle du cas par cas conduira à une meilleure parade contre la monstruosité socio-économique du « confinement sanitaire généralisé » et les dérapages possibles de « l'immunité collective » en termes de vie humaine.

Et ce toujours dans l’attente hypothétique et pénible du fameux vaccin !

(*) Universitaire / Chercheur en réflexion stratégique
 

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