Dr Chokri Jeribi: "La Tunisie dispose d’atouts majeurs pour devenir un HUB de recherche clinique"

Dr Chokri Jeribi: "La Tunisie dispose d’atouts majeurs pour devenir un HUB de recherche clinique"

Médecin de formation, après un passage à l’hôpital public, Chokri Jeribi a choisi de faire carrière au sein de l’industrie pharmaceutique. Il était l’un des tout premiers médecins à avoir intégré cette industrie et servir la recherche clinique en  Tunisie. Dans ce cadre, ses multiples initiatives ont largement contribué au développement de cette activité, au niveau national. 

Après une expérience de près de 30 ans au sein d’un groupe pharmaceutique international, leader en Tunisie où il a occupé  différentes fonctions, de directeur médical jusqu’à la position de Country Chair, il se consacre désormais, depuis janvier 2019, à la recherche clinique, dans le cadre de la CRO (Contract Research Organisation), Eshmoun -Clinical Research, entreprise académique spécialisée dans la recherche clinique.

Dr Jeribi a également présidé, durant trois mandats, la chambre représentative des laboratoires pharmaceutiques internationaux opérant en Tunisie, Sephire.  A l’occasion de la cérémonie de lancement d’Eshmoun le vendredi 19 Avril, Espace Manager l’a rencontré pour vous :

Espace Manager : Dr Jeribi , pouvez-vous présenter brièvement Eshmoun ?

Dr Chokri Jeribi: Tout a commencé par un rêve, celui de contribuer à faire de la Tunisie, le hub de la recherche clinique au niveau de la région Afrique-Moyen Orient(MEA). C’est dans ce cadre qu’Eshmoun-Clinical Research a été crée. Eshmoun, Dieu punique de la guérison, son temple siégeait sur les collines de Carthage et de nos jours à Saida, au nord du Liban. 

Le choix du nom de notre entreprise de recherche Eshmoun est un message de fierté d’appartenance à l’histoire de la Tunisie, mais aussi un appel à la collaboration entre différentes cultures et différents pays. Le siège d’Eshmoun se situe au niveau de la pépinière de recherche du Biotech pôle de Sidi Thabet. 

Eshmoun est dirigée par des experts en recherche clinique du pays, ayant réussi à faire leur preuve en Tunisie et à l’échelle internationale, et convaincus du potentiel de la Tunisie dans le domaine de la recherche en santé. Tous les acteurs adhérants à ce projet partagent un même engagement, celui de la promotion de la recherche en santé dans notre pays, afin d’améliorer la santé des citoyens et des patients à travers la transformation d’idées scientifiques en solutions thérapeutiques.Nous oeuvrons tous pour augmenter l’espérance de vie des femmes et des hommes afin de vivre plus longtemps et surtout en bonne santé.

Pouvez-vous nous préciser quels sont les objectifs et les ambitions d’ Eshmoun-Clinical Research  ?

Eshmoun Clinical-Research se positionne et entend se distinguer en tant que CRO Académique. En effet, nous nous appuyons dans nos activités sur toutes les compétences universitaires tunisiennes et internationales. Nous mettons en avant notre caractère unique de CRO académique, permis par le partenariat public-privé avec des organismes académiques, son offre de formation destinée aux différents acteurs ainsi que par son pilotage par un board scientifique, composé d’experts scientifiques reconnus par leur intégrité et leur notoriété internationale.

Notre ambition est également de contribuer à créer des emplois de technicité valorisable, et un champ d’expertise nouveau en Tunisie. Le potentiel de recrutement et d’embauche et de besoins de ressources humaines qualifiées est évident et constaté.
 
L’ambition d’Eshmoun-Clinical Research est aussi de contribuer à transformer notre pays de simple consommateur de connaissances scientifiques en santé en pays producteur de connaissances. Nous œuvrons pour Concrétiser un partenariat public-privé, pionnier dans le domaine de la recherche clinique en Tunisie. Un plan d’action et de partenariat avec des structures publiques et académiques est établi. 
 
Comment va se traduire concrètement votre axe de partenariat public-privé ?

A l’état actuel, il y a très peu de formation spécialisée, CEC ou masters dans les métiers de la Recherche Clinique dans notre pays, très peu de diplômés scientifiques sont aujourd’hui formés ou disposant d’expertise dans ce domaine au moment où la demande et les besoins se font de plus en plus grands. Notre pays devrait se préparer, notamment dans la formation de ses ressources humaines dans les métiers de la Recherche. 

Dans ce cadre, nous avons signé une convention de partenariat avec le Biotechpôle Sidi Thabet dans le domaine de la formation dans les métiers de la recherche clinique et la conduite d’essais cliniques. D’autres conventions avec des structures publiques sont en cours de signature avec respectivement, l’Institut Pasteur de Tunis, le Centre National de Pharmacovigilance, l’hôpital Militaire de Tunis et plusieurs sociétés savantes  dans le domaine de la formation et la conduite d’essais cliniques , études observationnelles et autres registres .

Vous avez certainement suivi les dernières décisions du ministère de la Santé pour le retrait d’AMM pour certains médicaments génériques locaux, suite à l'insuffisance de qualités d’un centre de bioéquivalence étranger ayant servi d’essais pour des médicaments génériques fabriqués en Tunisie. Ne pensez-vous pas que notre pays devrait compter sur ses propres centres de bioéquivalence ?

Parmi les nouvelles mesures réglementaires prises, dans notre pays, ces dernières années, dans le secteur du médicament figure l’obligation, pour certains médicaments génériques, de mener des études de bioéquivalences avec les médicaments princeps, de référence.

L’intérêt de telles études de bioéquivalence sur notre industrie pharmaceutique locale est considérable. Ainsi ces études, non réalisées jusque-là dans notre pays, permettront désormais une avancée majeure pour garantir la qualité des médicaments génériques concernées, nécessitant des études de bioéquivalence. Elles permettront de lever davantage le doute éventuel quant à leur équivalence en matière d’efficacité et de tolérance par rapport aux princeps. L’utilisation des génériques, avec une confiance basée sur des arguments scientifiques, aura un impact économique considérable sur la maitrise de l’enveloppe globale du médicament en Tunisie. 

De plus, le bénéfice des preuves de bioéquivalence pour les médicaments génériques concernés, fabriqués par notre industrie pharmaceutique locale permettra de disposer de dossiers d’enregistrements répondant aux standards internationaux, ouvrant les portes de leur enregistrement dans les pays aux critères de plus en plus exigeants, et de gagner la compétition de l’export, multipliant les retombées économiques. 
  
Paradoxalement et malgré l’évolution du cadre règlementaire des études de bioéquivalence, notre pays ne dispose à l’heure actuelle malheureusement que d’un seul centre de Bioéquivalence agréé. La demande en centres d’études de bioéquivalence dans notre pays dépasse largement l’offre d’un centre unique.

Eshmoun Clinical-Research n’a pas attendu le problème posé récemment avec le centre de bioéquivalence étranger dont la qualité a été mise en doute, pour penser à contribuer à l’effort de développement des études de Bioéquivalence en Tunisie.

En effet, fidèle à son engagement d’agir dans le cadre de partenariat public-privé , Eshmoun est bien avancé dans une initiative de création d’un Centre de bioéquivalence en Tunisie.
 
Ce centre, qui sera situé dans une grande polyclinique de Tunis, mènera exclusivement des activités de recherche clinique, totalement sectorisées par rapport au reste des activités de soins de la polyclinique. Il se spécialisera dans un premier temps principalement dans les études de Bioéquivalence. L’un des grands avantages de la localisation du CRC Eshmoun au sein de la polyclinique est de disposer sur place de services de qualité et complets, y compris l’existence d’unité des soins intensifs, condition exigée par les standards internationaux pour tous les centres de Bioéquivalence, et garantissant la sécurité optimale pour les sujets se prêtant à la recherche.

Le centre de bioéquivalence Eshmoun-Clinical Research a l’ambition de collaborer exclusivement avec le centre de Bioéquivalence du centre national de pharmacovigilance (CNPV). Ceci permettra d’optimiser l’utilisation des ressources publiques du CNPV, de créer de nouveaux emplois et de permettre un bénéfice économique considérable pour le centre CNPV améliorant ainsi sa productivité et sa rentabilité. Une telle collaboration Eshmoun-CNPV est source de création de valeur pour les deux structures, ainsi que de qualité et de fiabilité les rendant plus attractives pour offrir leurs services à d’autres pays de la région et d’Europe. 

Vous organiserez une cérémonie de lancement d’Eshmoun le vendredi 19 Avril, qu’allez-vous transmettre comme messages à vos invités présents ?

Nous mettrons l’accent sur le fait que la recherche clinique, dans toutes ses étapes, a des retombées positives considérables pour nos patients et pour notre pays, sur le plan sanitaire, scientifique, social et économique. La Tunisie dispose d’atouts majeurs pour devenir le HUB de la recherche clinique au niveau de la région MENA. 

Nous considérons que tous les facteurs sont réunis aujourd’hui pour un vrai décollage de cette activité dans notre pays. 
Nous dirons qu’Eshmoun Clinical Research est une CRO Académique engagée, à côté des différents acteurs académiques et publics, pour relever le défi et contribuer au développement de la recherche clinique dans notre pays.

Enfin, nous insisterons sur le fait que, de par son impact positif sur le développement de notre industrie pharmaceutique locale, le volet études de bioéquivalence au Centre de Recherche Clinique d’ Eshmoun devrait susciter tous les encouragements nécessaires et l’attention requise.

Propos recueillis par B.M.

Votre commentaire