Emeutes: Les mêmes causes produisent les mêmes effets

Emeutes: Les mêmes causes produisent les mêmes effets
 
 
Les Tunisiens indignés et marginalisés étaient descendus, durant quatre semaines entre décembre 2010 et janvier 2011, dans la rue pour manifester contre la répression policière, le déséquilibre régional, la corruption et le chômage qui touche une forte proportion de la jeunesse, plus particulièrement les jeunes diplômés. 
 
Ces manifestations ont poussé le dictateur Ben Ali à fuir le pays et favorisé l’enclenchement d’un processus démocratique devant favoriser, en principe, liberté, dignité et équité des chances en matière d’emploi et développement. 
 
Cinq ans après, ces mêmes Tunisiens sont de nouveau dans la rue pour exprimer leur indignation et révolte contre les mêmes pratiques d’antan : favoritisme, népotisme et manipulation des résultats des concours. Autrement dit, les mêmes causes produisent les mêmes effets.
 
Car, n’oublions pas qu’à l’origine des manifestations qui ont lieu actuellement à l’ouest du pays, à Kasserine, Feriana, Haydra, Thala, Regueb…, il y a une bourde administrative : des listes de candidats à un emploi ont été manipulés en vue de favoriser certains et d’en exclure d’autres. Victime de cette manipulation scandaleuse, le jeune diplômé sans emploi Ridha Yahiaoui s’est donné la mort. 
 
Craignant le pire, le pouvoir a certes limogé le premier délégué de la région présumé être le responsable de cette manipulation mais sa décision intervient trop tard car les conséquences d’une extension des émeutes risquent d’être désatreuses d’autant plus que les terroristes sanctuarisés au mont Chaambi n’attendent que cette aubaine pour exploiter cette situation et la compliquer pour toutes les parties.
 
A l’origine des insurrections la corruption
 
D’ailleurs cette décision curative, de dernière minute, masque la corruption qui ronge l’administration régionale et locale au point que d’importants montants de budgets de développement n’ont pas été utilisés et profité aux communautés démunies en raison de l’incompétence des responsables régionaux.
 
Est-il nécessaire de rappeler que dans les régions, le gouverneur est le seul à tenir la clef du coffre-fort des deniers de l’Etat ? Le chef du gouvernement Habib Essid a estimé ces fonds non-utilisés à 10 milliards de dinars environ.
 
Est-il indispensable de rappeler également que les experts étaient unanimes pour affirmer que le sous-développement des régions de l’intérieur n’était pas dû à l’insuffisance de l’investissement public mais à la rareté de l’investissement privé (V. rapport de l’Iace sur l’attractivité régionale) ? 
 
Cela pour dire que le principal enseignement à tirer de ce remake des insurrections dans l’arrière-pays révèle que Ben Ali et son entourage n’étaient pas les seuls kleptocrates qui vampirisaient le pays. Des fonctionnaires et hauts cadres corrompus étaient également de la partie et se servaient généreusement sans jamais eu à rendre compte.
 
Aujourd’hui, les émeutes de Kasserine ont démontré que ces fonctionnaires continuent à exercer, à user et à abuser en toute latitude. La responsabilité du gouvernement est ici totale. Il doit sévir avec la plus grande sévérité. Kamel Ayadi, le nouveau ministre  de la Gouvernance et de la Lutte anti-corruption pourrait, en sa qualité expert international en stratégie de gestion de l’intégrité et de lutte anti-corruption et formateur certifié par des institutions américaines en éthique, être dans cette perspective d’un grand apport pour le gouvernement. Faut-il encore qu’il ait les moyens de son action ?
 
Selon Kamel Ayadi, l’expert,  « si des mécanismes de prévention et de lutte efficace contre ce fléau ne sont pas mis en place, la corruption risque de devenir structurelle (à l’instar de la mafia en Italie), et d’être par conséquent  difficile à éradiquer. Le principe étant : la corruption se propage très vite et prend beaucoup de temps pour être réduite. Il considère que si la corruption était compréhensible en 2011, elle ne peut plus l’être en 2015. Le moment est de réagir avec la plus grande fermeté à ce fléau ». Et c’est la responsabilité de ce gouvernement qui traîne encore du pied.
 
KIM

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