En Tunisie, 60% des hypertendus ne se rendent pas compte qu’ils le sont… 

En Tunisie, 60% des hypertendus ne se rendent pas compte qu’ils le sont… 

L’hypertension artérielle, première cause de décès dans le monde, pathologie silencieuse et mortelle, pourtant, ses signes avant-coureurs et ses symptômes sont nombreux mais peu détectable car on n’établit pas un lien direct avec la maladie. En Tunisie, 60% des hypertendus ne se rendent pas compte qu’ils le sont… 

La société tunisienne de cardiologie et de chirurgie cardio-vasculaire, STCCCV a à cet effet organisé aujourd’hui, le 17 mai, journée mondiale de l’hypertension artérielle, une conférence de presse pour sensibiliser l’opinion publique et pour parler de la campagne « Edhghet (presse) » menée par la STCCCV et les laboratoires SANOFI à ce propos et qui va durer tout le mois de mai.
 
Cette campagne comportera des interventions télévisées, des spots radios, des déplacements dans les régions avec une unité équipée d’écographie, d’appareil électrocardiogramme et de tensiomètres, et des vidéos. La STCCCV est allée dans les entreprises pour ausculter les employés. Sur 660 personnes, 104 d’entre elles étaient hypertendues sans le savoir, d’où un pourcentage de 16%. 

La société a entrepris le projet « pain allégé » commercialisé actuellement à Carrefour. La STCCCV a néanmoins convenu avec le ministère du commerce et celui de la santé de le généraliser. 

La STCCCV est également en train d’élaborer un registre pour avoir des données épidémiologiques en recensant 25000 cas. 
« On considère qu’une personne est hypertendue quand sa tension est égale ou supérieure à 140/90 » a expliqué Pr Leila Abid, présidente de la STCCCV. « Elle est la première cause de mortalité dans le monde. Le risque de l’attaque vasculaire cérébrale AVC ainsi que l’attaque cardiaque sont multipliées par 7 quand on est hypertendue. Il est important de dépister » a-t-elle souligné. 

Les causes de l’hypertension artérielle 

Sédentarité, nourriture grasse, stress, consommation de sel, tabagisme, terrain héréditaire, obésité. Telles sont les causes de l’hypertension. Or, les Tunisiens sont les champignons du monde dans la consommation du sel avec 10 – 12 (et plus) grammes par jour quand la consommation ne devrait pas dépasser les 4.5g. Ajoutons que 40% de la population tunisienne est obèse… 

Nous représentons aussi la population la plus vieille de l’Afrique, nous mangeons gras, nous ne faisons pas assez de sport et nous sommes stressés. On est aussi classé 26ème dans la prévalence du tabagisme. 

Les intervenants ont tous insisté sur la prévention sur un premier plan, le dépistage, à partir de 30 ans, sur un deuxième plan et pour finir, la continuité du traitement et l’adoption d’une hygiène de vie adéquate si on est hypertendu. 

A la question d'Espace Manager de savoir que les unités se déplacent dans les régions et dans les entreprises pour dépister, mais dans les lycées et les universités afin de sensibiliser les jeunes et éviter ainsi d’avoir l’hypertension en adoptant l’hygiène de vie adéquate, le Pr Leila Abid répond "qu'il faut effectivement aller vers cette jeune population, cela atténuera considérablement le risque de devenir plus tard hypertendus".
 
Le Pr Afef Ben Halima a ajouté: « Nous n’avons pas d’éducation thérapeutique. Or il faut justement l’entreprendre et aider les jeunes adopter la meilleure hygiène de vie afin d’éviter d’être plus tard hypertendu. Il faut aussi éduquer les mamans» 
Dans le même sens, le Pr Faouzi Ayad précise « Nous avons constaté que 80% des maladies cardiovasculaires peuvent être évitées.

En Tunisie, nous sommes dans la prévention secondaire, celle du dépistage. Or nous devons être dans la prévention primaire. Nous devons demander aux jeunes âgés de 18 ans de prendre leur tension une fois tous les 3/5 ans et tous les ans à partir de 30 ans.

33% de la population tunisienne risque de mourir d’une maladie cardiovasculaire. Avec les méthodes arithmétiques nous savons qu’on peut baisser de 50% le risque de l’infarctus du mucus si on prévient tôt. 40% de la population tunisienne est obèse et on est classé 26ème dans la prévalence du tabagisme ».

Selon plusieurs intervenants, nous n’avons ni une économie, ni une politique de santé, ni une éducation thérapeutique allant dans le sens de la prévention. 

L’Etat perd énormément d’argent dans les soins de l’hypertension artérielle et des maladies cardiovasculaires en général. 

Pourquoi on ne le voit pas s’impliquer plus dans la prévention et quels projets avez-vous avec le ministère de la santé dans ce sens ?Avez-vous des chiffres se rapportant aux dépenses de l’Etat concernant les soins de l’hypertension artérielle ? 

Le ministère prépare depuis des années des projets se rapportant au diabète et à l’hypertension. Entre autre, il y a un projet de loi qui est bloqué depuis 20 ans. L’Etat perd effectivement beaucoup d’argent dans les soins, or cela vaut le coup d’investir dans la prévention surtout que nous sommes une population qui vieillit et avec l’âge, le risque augmente. 

Le Pr Afef Ben Halima souligne là-dessus «Nous n’avons pas de chiffres. En Tunisie, nous n’avons pas d’économie de la santé ». Et Pr Leila Abid précise « Nous avons un projet de sensibilisation dans ce sens et qui concerne les maladies qui découlent de la consommation et du sucre et du sel. C’est l’un des projets de collaboration que nous avons se rapportant aux messages de prévention »

Vous êtes allés dans les entreprises et beaucoup ne savaient pas qu’ils étaient hypertendus. Nous parlons également de la nécessité du dépistage. Or la médecine de travail peut à la fois dépister et prévenir. Ne joue-t-elle pas son rôle suffisamment ou alors nous n’avons pas encore la culture de généraliser la médecine de travail ? Collaborez vous ensemble? 

Pr Leila Abid : « La société a collaboré avec les médecins de travail et nous œuvrons pour plus de collaboration. La médecine de travail a effectivement un grand rôle à jouer. ». « Néanmoins il y a un problème d’effectif. Un médecin de travail pour 1000 employés, c’est très peu. ». Précise Pr Afef Ben Halima. 

Hajer Ajroudi

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