Et maintenant que va-t-il se passer dans cette démocratie à la carte?
La décision du Conseil de la Choura du mouvement Ennahdha d’entamer les procédures nécessaires pour retirer la confiance au gouvernement d’Elyès Fakhfakh est venue pour anticiper la démarche initiée par le groupe parlementaire démocratique pour destituer le président de l’Arp Rached Ghannouchi.
Cette décision bien que n’ayant pas été prise ni à l’unanimité par les membres du Conseil ni par une forte majorité( 50 contre 38) était déjà dans l’air après l’apparition des fissures au sein de la coalition gouvernementale et le refus d’Ennahdha de signer ce qui est appelé le « document de confiance et de stabilité gouvernementale», exigeant de l’étendre au parlement.
La situation se complique davantage et entre temps le pays s’enlise de plus en plus dans la crise. Une crise multiforme : politique, économique, sociale et…morale.
Le Conseil de la Choura a chargé le président du mouvement Ennahdha Rached Ghannouchi «d’entamer les concertations » avec le président de la République, les partis politiques et les organisations nationales en vue de la formation d’un nouveau gouvernement à la place de celui présidé par Elyès Fakhfakh. Un vaste chantier qui risque de prendre plus de temps que prévu. A moins qu’il n’y ait déjà des accords tacites pour la destitution de Fakhfakh.
Ennahdha aurait, en effet, obtenu l’accord du président de la république qui, dit-on, aurait lâché Fakhfakh après le tollé ayant accompagné la suspicion conflit d’intérêts. Toutefois, Kais Saied veut avoir son mot à dire sur le choix du successeur de Fakhfakh. Et en proposer le nom s’il le faut ou du moins être consulté avant de proposer le nouvel « élu ».
Ayant appris l’initiative de destitution de son président, le mouvement de Rached Ghannouchi a tout de suite réagi en prenant contact avec les groupes parlementaires et les partis pour les dissuader d’entamer cette démarche, en brandissant le « bâton et la carotte ». Des promesses leur auraient données pour obtenir leurs parts du « gâteau ». Ce qui a eu son effet sur certains d’entre eux. Même le Courant démocrate l’initiateur de la motion de censure contre Gahnnouchi, semble se rétracter. Son député Zied Ghannay, a contredit son collègue Mohamed Ammar, en déclarant dimanche 12 juillet à Mosaïque FM que son parti n'a toujours pas tranché au sujet du retrait de confiance au président de l'Assemblée des représentants du peuple, Rached Ghannouchi. Et d'ajouter qu'il est encore prématuré de parler d'une décision finale à ce propos.
Ennahdha doit d’abord commencer par rassembler les signatures nécessaires, 73 en tout, ce qui est pratiquement acquis avec les députés de Qalb Tounes et ceux d’El Karama. Les trois groupes comptent une centaine de membres. Une demande motivée, sera par la suite présentée au Président de l’Assemblée des représentants du peuple par au moins le tiers de ses membres, conformément à l’article 97 de la Constitution. « La motion de censure ne peut être votée qu’à l’expiration d’un délai de quinze jours à compter de son dépôt auprès de la présidence de l’Assemblée. Le retrait de confiance au Gouvernement requiert l’approbation de la majorité absolue des membres de l’Assemblée et la présentation d'un candidat en remplacement du Chef du Gouvernement dont la candidature doit être approuvée lors du même vote et que le Président de la République charge de former un Gouvernement, conformément aux dispositions de l’article 89 ».
Les procédures sont claires, lais la démarche sera longue et difficile. A mois que Fakhfakh n’anticipe sa destitution, en présentant sa démission au président de la république ou que ce dernier n’active l’article 99 pour « demander le vote de confiance sur la poursuite de l'action du Gouvernement ». Et « si l'Assemblée ne renouvelle pas sa confiance au Gouvernement, il est réputé démissionnaire ».
Ennhadha qui compte déjà sur le soutien de ses deux nouveaux alliés, Qalb Tounes et la Coalition al Karama, peut également convaincre d’autres groupes à se joindre à son initiative pour élargir la ceinture politique, comme le groupe National formé des dissidents de Qalb Tounes, ou encore ceux de Tahya Tounes, de la Réforme et des Indépendants.
Et quelle serait la position des deux organisations nationales dans tout cela? L'Ugtt aura certainement son mot à dire dans ce changement de gouvernement et elle sera ferme sur ses principes.
Tout reste possible dans cette démocratie à la carte où tout peut se vendre et s’acheter, où les coalitions se font et se défont au grès de leurs auteurs et où les alliances contre nature se nouent du jour au lendemain, bafouant tous les principes.
B.O
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