Faut-il dissoudre la Ligue des Etats arabes ?

Faut-il dissoudre la Ligue des Etats arabes ?

« Le temps est venu pour les dirigeants arabes de dissoudre la Ligue des Etats arabes car elle n'est d'aucun utilité. » Ahmed-Taleb Ibrahimi

La Ligue arabe, (officiellement la Ligue des États arabes), est une organisation régionale à statut d’observateur auprès de l'Organisation des Nations unies. Elle fut fondée le 22 mars 1945 au Caire par sept pays et compte aujourd'hui vingt-deux États membres. L'organisation de la Ligue arabe repose sur quatre organismes principaux : le sommet des chefs d'État, le Conseil des ministres, les comités permanents et le Secrétariat général dirigé par Ahmed Aboul Gheit depuis 2016.

A l’issu de sa réunion extraordinaire tenue le 19 novembre au Caire, à la demande de Riyad, la Ligue arabe a accusé  « le Hezbollah et les Gardiens de la révolution iraniens de financer et d'entraîner des groupes terroristes à Bahreïn » et « fait assumer au Hezbollah, un partenaire dans le gouvernement libanais, la responsabilité de fournir aux groupes terroristes dans les pays arabes des armes sophistiquées et des missiles balistiques ». Ce qui est terrible – outre que ce thème n’était pas à l’ordre du jour de la réunion – est le fait que cette décision n’a pas été prise après des débats, mais sur injonction de l’Arabie Saoudite, chef de file des monarchies du Golfe.

L’Algérie n’a pas pris part à la réunion extraordinaire des ministres des Affaires étrangères de la Ligue arabe qui s’est tenue dimanche au Caire, à la demande de l’Arabie Saoudite, pour prendre des mesures contre ce qui était qualifié d’«ingérence de l’Iran dans les pays arabes». Alors que deux pays, l’Irak et le Liban, avaient dès le départ choisi d’être représentés par de simples diplomates. Les représentants de ces deux pays se sont, d’ailleurs, abstenus de voter, jugeant certains points du communiqué final, qualifiant le Hezbollah d’«organisation terroriste», contraires à leurs convictions.

Pour une réunion convoquée d’urgence et annoncée comme décisive, les observateurs de la scène arabe n’hésitent pas à parler d’échec. Parce que non seulement une partie des membres de la ligue n’y ont pas assisté, mais aussi, parce qu’aucune décision pratique n’a été prise contre la République islamique d’Iran ni contre ses alliés. En dehors d’un rappel du classement du Hezbollah comme «organisation terroriste», déjà adopté en mars 2016, sur instigation des Al-Saoud et leurs alliés du Conseil de coopération du Golfe (CCG), aucune nouvelle disposition n’a été votée.

La ligue arabe un corps mort

Longtemps, l’Egypte a mis sous sa coupe la Ligue, la considérant formellement comme l’annexe de ses affaires étrangères [d’ailleurs, à l’exception de la triste période de Camp David de 1979, entraînant l’expulsion de l’Egypte, tous les secrétaires généraux de l’organisation dite «panarabe» ont été d’anciens chefs de la diplomatie égyptienne] avant l’avènement éphémère de Qatar – qui imposa en 2012 la rébellion à la place de l’Etat syrien – et aujourd’hui de l’Arabie Saoudite qui agit en leader régional et entend diriger la politique du Monde arabe, allant jusqu’à l’engager dans des guerres qui ne sont pas les siennes. D’ailleurs, la participation de certains membres de la Ligue arabe à la coalition menée par les Etats-Unis ne s’est pas faite sous l’égide de cette dernière et suite à des consultations interarabes, mais séparément.

La Ligue arabe n’est-elle qu’une coquille vide, une girouette qui obéit au puissant de l’heure et à des ordres venus d’ailleurs? Cet ailleurs a été Le Caire, Doha, aujourd’hui Riyad, voire de l’étranger? La Ligue arabe n’avait-elle pas cautionné en 2011 les frappes de l’Otan, de la France et de la Grande-Bretagne contre la Libye du colonel Kaddafi? N’est-ce pas sous la pression de Qatar, que la Syrie a été poussée hors de ses rangs? C’était à un moment où le Monde arabe tétanisé par lesdits «printemps arabes» avait perdu le sens des choses et ses pays le contrôle de leur destinée. La Ligue arabe, n’avait-elle pas réclamé l’intervention militaire US en Syrie? Comment, cette organisation pouvait-elle poser la problématique de la sécurité du Monde arabe quand elle n’a pas mesuré la portée de son soutien à des rebelles et à des interventions militaires étrangères contre ses pays membres?

Des mots inefficaces et inutiles

La division entre l’Orient et le Maghreb arabe est une triste réalité. Les pays du golfe sont des membres essentiels alors que les pays du Maghreb arabe sont des membres invités, uniquement, pour atteindre le quorum et remplir les formalités de la réunion et de la charte de l’Organisation. La Ligue arabe peine, aujourd’hui, à retrouver ses marques dans un monde qui a beaucoup muté. Les divisions qui minent ses membres l’accablent d’impuissance face aux défis énormes qu’elle doit relever de manière solidaire.

Une des premières choses qui vient surement à l’esprit de tous lorsque l’on évoque la Ligue Arabe, ce sont les mots « inefficaces et inutiles ». En effet, depuis plusieurs années maintenant, cette organisation semble cumuler les échecs et n’arrive pas à prendre des décisions et positions représentant de manière homogène ses 22 pays membres.

 Alors qu’au même moment, l’Union Européenne, qui regroupe pourtant une multitude de peuples, de langues et de cultures différentes, parvient progressivement à renforcer son unité sur tous les domaines, la Ligue Arabe stagne et semble avoir complètement oublié un des principes fondamentaux établis lors de sa création en 1945 : celui de la marche vers l’union d’une Nation arabe libre et indépendante.

La Ligue arabe a la légitimité de ceux qui la composent. Pas beaucoup donc. Elle nuit même au développement des pays arabes plutôt qu'elle ne les sert, à terme... Car elle n'est finalement qu'un masque sur lequel ces nations jettent leurs échecs. Sans elle, sans ce coupable idéal, cela responsabiliserait les régimes et chaque pays avancerait sans attendre. Il ne reste plus et depuis longtemps qu'à publier le faire-part de décès et à enterrer ce corps mort.

Faut-il quitter la Ligue arabe qui a vu ses murs se sont effondrés, qui n’en finit pas de compter ses divergences et qui roule pour des intérêts particuliers ?

Pour Ahmed-Taleb Ibrahimi, ancien chef de la diplomatie algérienne : « Le temps est venu pour les dirigeants arabes de dissoudre la Ligue des Etats arabes car elle n'est d'aucun utilité. Pour preuve, l'agression contre notre population à Gaza a atteint le paroxysme sans que rien ne bouge dans cette Ligue. Ils doivent, par contre, réfléchir à une autre structure qui les rassemble et qui soit plus efficace et plus active »

A.K

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