Fête de l’indépendance : un président rassembleur, un discours fédérateur

 Fête de l’indépendance : un président rassembleur, un discours fédérateur

 

Pendant plus d’une heure, debout derrière un pupitre, le président de la République Béji Caïd Essebsi a improvisé mardi un discours dont la clarté le dispute à la cohérence. Bien structurée, avec force détails sur la situation réelle du pays, l’allocution présidentielle à la cérémonie organisée au Palais de Carthage à l’occasion du 62ème anniversaire de la fête de l’Indépendance a donné la preuve que le Chef de l’Etat est au fait avec précision de l’état de la nation.

Mais si l’homme se veut rassembleur pour préserver l’avenir du pays et réduire le sentiment de déception et de frustration qui gagne les Tunisiens, il n’en est pas moins conscient de ses limites de mortel. Certes il s’en remet à la Volonté divine. Cependant, il dit clairement qu’il sait s’arrêter quand il faut surtout qu’il lui reste vingt mois à courir c'est-à-dire qu’il est aux deux tiers de son mandat de cinq ans. « Je calcule ce délai jour après jour », a-t-il ajouté.

Peut-on interpréter ce propos comme une intention de sa part de ne pas se représenter à la prochaine élection présidentielle. D’aucuns l’ont décelé et s’y sont engouffrés, mais n’oublions pas que BCE a laissé entendre que tant que son énergie est intacte, il ne se dérobera pas à l’appel du devoir au service de la patrie, comme il le fit en 2011, bien qu’il fut réticent (il prendra le président intérimaire Foued Mebazaa présent pour témoin) ainsi qu’à l’élection présidentielle de 2014 qu’il a remporté plus de 1.730.000 voix, parmi les 27 candidats qui s’étaient présentés.

« C’est désormais la ligne droite vers la consultation présidentielle et que ceux qui veulent concourir doivent s’y préparer, même si certains se sont déjà engagés dans la course » a dit le président de la République qui ne semble pas prendre ombrage de cela.

L’occasion pour lui de regretter que certaines parties (il fait allusion au Front populaire) ont décidé de boycotter la célébration de l’anniversaire de l’indépendance, un moment de communion nationale dont aucun ne devrait être absent. Quand bien même il semblait ulcéré par cette attitude, elle ne l’a pas sorti de ses gonds donnant l’impression qu’il la comprenait.

Ce qu’il fit d’ailleurs à l’adresse des signataires du Document de Carthage qui ont décidé de s’en retirer. Là aussi le président rassembleur a pris le pas sur le chef d’un clan, un statut où certains voudraient l’enfermer. Pour preuve de sa capacité à s’ouvrir sur les formations qui ne sont pas forcément de sa famille politique, ni de celles ayant constitué la coalition au pouvoir, il a mis l’accent sur son initiative pour la constitution du gouvernement d’union nationale rassemblant les organisations nationales et des partis politiques quand bien même ils sont divergents, certains n’étant pas représentés au Parlement.

Ce gouvernement, il continue à y tenir et à aucun moment il n’a paru le mettre en cause, même s’il dit que personne n’est valable à son poste éternellement. Ce qui est une vérité d’évidence. Dans ce discours qui se voulait fédérateur, il n’y avait de place à des chicaneries de mauvais aloi. A l’entendre, la place des organisations nationales, l’UGTT, l’UTICA, l’UTAP et l’UNFT dans le cadre du Document de Carthage n’est pas discutable encore moins contestable.

Que des partis décident de prendre leurs distances avec ce Document après l’avoir approuvé, sans aucune immixtion de la présidence de la République, il ne peut que le regretter. Peut-être montre-t-il une certaine irritation mais cela ne va pas plus loin. Que ce Document soit actualisé, qu’une discussion soit engagée entre ses signataires pour concevoir une feuille de route pour sa mise en application. Le président de la République ne peut qu’y souscrire.

Evidemment, il n’est nullement question de le mettre en question. Pour lui c’est une avancée indéniable. Il en tire même un sentiment de fierté, car les Tunisiens donnent la preuve qu’ils se mettent autour d’une table pour régler leurs divergences, quand d’autres recourent à d’autres moyens, moins estimables.

Parmi les missions qu’il va confier aux signataires du Document de Carthage, celle d’examiner au sein d’un groupe de travail créé à cet effet, la révision de la loi électorale sur la base de propositions faites par les professeurs d’université Sadok Belaïd, Hassine Dimassi et Amine Mahfoudh. Selon ces derniers, c’est le mode électoral actuel qui est responsable de l’émiettement de la scène politique, de l’impression d’in-gouvernabilité qui se dégage et du désintérêt pour la chose publique.

Alors que la rumeur a circulé sur son intention de prendre l’initiative d’une révision Constitutionnelle pour l’amendement du régime politique, il a de nouveau réaffirmé qu’il ne touchera pas à la Loi Fondamentale sur la base de laquelle il a été élu et dont il est le garant et ce malgré ses faiblesses et ses lacunes.

D’ailleurs il dit qu’il peut d’autant moins prendre une telle initiative que la Constitution n’est pas encore parachevée. Ainsi la Cour Constitutionnelle n’a pas été mise en place. Il a d’ailleurs souhaité que l’ARP élise demain mercredi les trois membres restants, sinon il en appelle au gouvernement de prendre une initiative législative pour réduire la majorité indispensable à l’élection des membres de cette cour de la majorité qualifiée des deux tiers (145 députés) à la majorité absolue (soit 50%+1=109 députés). Parmi les autres textes qu’il juge indispensable, il cite le découpage du territoire par la loi comme le stipule la Constitution.

S’agissant de l’état du pays, Béji Caïd Essebsi s’est montré au fait des agrégats et des indicateurs de l’économie et des finances publiques, quand bien même il dit qu’il n’aime pas les chiffres. Taux d’endettement, glissement du dinar, classement et notations souveraines, rien n’a de secret pour lui et il en parle avec conviction. Il juge la situation difficile mais il lui trouve des justifications, dont notamment la baisse de la production du phosphate qui a chuté, a-t-il rappelé de 8,1 millions de tonnes en 2010 à 3,1 millions de tonnes en moyenne pour les sept dernières années. Ce qui s'est soldé par un manque à gagner de 10 milliards de dinars. Outre la baisse de la production de pétrole et gaz en raison la réduction de la prospection, ainsi que le recul du tourisme depuis 2015, même si ce secteur est en voie de reprise.

Il s’est félicité de la reprise de la production de phosphates grâce à la signature du procès verbal d’une réunion entre toutes les parties prenantes de toutes les sensibilités politiques. « Je suis particulièrement fier de la tenue de cette réunion », a-t-il dit en exhibant le document avec toutes les signatures. Il a estimé que tous les engagements pris doivent être honorés. Il s’en portera garant.

A l’entame de son discours, le Chef de l’Etat a rappelé l’importance de l’indépendance conquise après une longue lutte menée par d’illustres Tunisiens. « C’est une indépendance totale même si elle n’a été parachevée que sept ans plus tard avec l’évacuation du dernier soldat étranger du sol national » a dit Béji Caïd Essebsi. L’occasion pour lui de mettre l’accent sur l’appréciation très positive des étrangers pour notre pays quand les Tunisiens se montrent sceptiques sinon déçus.

A cet égard il a donné lecture de passages de lettres de félicitations qu’il a reçues des président américain, allemand et français disant tout le bien qu’ils pensent de la Tunisie et réitérant leur soutien à la transition démocratique dans notre pays.

Il n'a pas omis enfin de dire que la menace terroriste est encore présente. Il a félicité les institutions militaire et sécuritaire pour la réussite de l'opération de neutralisation de deux terroristes  hier lundi à Ben Guerdane. Il a chargé leurs autorités hiérarchiques, les ministres de la Défense et de l'Intérieur de leur  présenter le marque de son appréciation. Un geste d'homme d'Etat qui est estimé à sa juste valeur.

RBR

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