Hommage à Bourguiba au 18ème anniversaire de son décès : le plus illustre des Tunisiens

Hommage à Bourguiba au 18ème anniversaire de son décès : le plus illustre des Tunisiens

En ce même jour il y a dix huit ans, quittait le monde des vivants Habib Bourguiba, le plus illustre des Tunisiens. Ses compatriotes qui l’ont connu ou entendu parler de lui- puisqu’il a été déposé treize plus tôt- l’ont chaudement pleuré. I

ls n’ont jamais pardonné à son successeur Ben Ali de les avoir privés de leur droit légitime à l’émotion en annulant la diffusion sur la télévision de la cérémonie des obsèques. D’ailleurs de ce jour date la rupture entre le président déchu et les Tunisiens, une rupture qui allait avoir son point culminant avec la révolte des jeunes en cet hiver 2010-2011 et la fuite du dictateur.

Né avec le 20ème siècle, le 3 août 1903-ou trois ans plus tôt selon certaines sources, à Monastir, ce qui était alors un bourg de ce Sahel où les hommes et les femmes se tuaient au labeur et qui devait donner à la Tunisie une partie de son élite, grâce aux plantations d’oliviers qui permettaient des revenus décents, Habib ben Ali Bourguiba était promis à un emploi subalterne dans l’administration indigène ou mieux à la fonction d’oukil-cet avocat des pauvres qui devait s’escrimer avec les lois du colonisateur pour obtenir gain de cause pour ses clients.

Mais la détermination de l’homme, sa volonté de changer le destin de ses semblables, sa bonne étoile et les mutations du monde en ce début de siècle allaient lui donner une autre envergure, pour faire de lui à la fin de ses études en droit à Paris l’avocat non de la veuve et de l’orphelin mais de tout un peuple qui grâce à lui et à une poignée de ses camarades, mais surtout à une volonté populaire qu’ils ont su susciter, a eu la capacité de conquérir son indépendance et inscrire son pays au rang d’Etat moderne dans le concert des nations.

Lorsqu’il entama son combat pour changer le cours des choses en lançant en 1933 le journal l’Action Tunisienne qui devait le propulser à la commission exécutive du Destour, le parti constitutionnaliste tunisien né en 1920 à la suite des « 14 points » du président américain Woodrow Wilson qui ont suscité un immense espoir dans les pays et territoires colonisés, Habib Bourguiba ne pouvait imaginer qu’il s’est retrouvé pris dans un engrenage dont il a su négocier tous le processus pour parvenir à l’indépendance totale de son pays.

Le premier acte fut la rupture avec les archéos du Destour et la mise en place d’une stratégie où le peuple était le fer de lance du combat. Ce sera la création du Néo Destour, un mouvement de libération auquel vont s’agréger toutes les forces vives du pays, les travailleurs, les commerçants, les artisans, les agriculteurs mais aussi les combattants dans le djebel, ces fellaghas qui vont avoir un rôle déterminant dans la libération du pays.

Sans conteste, Bourguiba fut la tête pensante et l’inspirateur de ce mouvement. La politique graduelle, les fameuses étapes, c’est lui. La combinaison de l’action politique, avec le harcèlement par les armes, c’est lui. La conjugaison du combat sur la scène nationale avec une mobilisation de l’opinion publique mondiale et la mise en œuvre d’une diplomatie pour recouvrer l’indépendance, c’est encore lui.

Sans amoindrir le rôle de ses camarades, ni les réduire à de simples exécutants, la chance de Bourguiba c’est qu’il ait pu compter sur des hommes de valeur qui ont pu forcer le destin. Sans des hommes de la trempe de Salah Ben Youssef -jusqu’en 1954- de Bahi Ladgham, Hédi Nouira, Habib Thameur, Mongi Slim, le martyr Farhat Hached, Taïeb Mehiri, Allala Belhaouane et d’autres encore.

Mais il ne fait pas de doute que « le Combattant suprême » le titre que ses camarades ont accolé à son nom sans qu’il ne le revendique lui-même a joué un rôle central, décisif dans l’épopée de la libération nationale. Son retour, célébré avec triomphe par un peuple qui vibrait en communion avec son Leader le 1er juin 1955 reste un moment fort, inoubliable et qui ne peut se reproduire de sitôt.

Dès avril 1938 c'est-à-dire cinq années seulement après le début de son combat politique, Bourguiba alla subir les affres des arrestations, de l’exil, des geôles françaises en Tunisie et en France sans jamais se départir de son idéal patriotique et sans baisser les bras, tant il était persuadé de la justesse de la cause qu’il défend et de l’inéluctable triomphe qui finirait par s’imposer.

D’ailleurs lorsqu’il est arrêté la dernière fois le 18 janvier 1952, il dira que ce sera le dernier quart d’heure et que l’aube de l’indépendance finira par se lever.

Prétendre, contre toute logique et contre l’avis de l’ensemble des historiens que l’indépendance acquise grâce au leadership de Bourguiba le 20 mars 1956 est un leurre et que le pays est resté sous le joug du colon puisque ses richesses du sol et du sous-sol sont demeurés la propriété de l’ancien colonisateur, c’est non seulement souiller la mémoire du Père de l’indépendance et de ses camarades mais aussi se méprendre sur l’orgueil de tout un peuple qui a su arracher sa souveraineté par sa lutte multiforme c'est-à-dire y compris par les armes quand il fallait.

Dès lors la polémique suscitée par l’Instance Vérité et Dignité et surtout de sa présidente Sihem Ben Sédrine qui semble avoir des comptes à régler avec Bourguiba s’est retournée contre elle. Les documents qu’elle dit avoir obtenu par des « voies détournées » se sont révélées avoir être accessibles dès le temps du premier président de la République Tunisienne. C’est lui d’ailleurs qui a pu s’en procurer pour les mettre à la disposition des historiens.

Certes Bourguiba n’était pas un ange mais prétendre qu’il était le démon, c’est intolérable. Car si la Tunisie est le pays qui a mis l’éducation de ses enfants en tête de ses priorités, qui a éradiqué les maladies et garanti la santé pour tous et qui a donné à la femme le statut le plus avancé dans le monde arabo-musulman, c’est grâce à la politique qu’il a mise en œuvre dès le début de l’indépendance quand ses pairs dans la région et dans le monde accumulaient les armes et se détournaient de la condition de leurs peuples. Si la Tunisie a acquis sa place dans le concert des nations et si elle est devenue une voix audible dont on fait grand cas dans le monde, c’est incontestablement à lui qu’on le doit.

Même si son choix était dès le départ le monde libre représenté par les Etats Unis d’Amérique, il n’a jamais été un inconditionnel de la politique outre-Atlantique. C’est ainsi qu’il bâtit avec l’ex-Union Soviétique des relations d’amitié et de coopération bénéfiques pour son pays. De même qu’il a été un des fondateurs du mouvement des non alignés avec le président yougoslave Tito, le premier ministre indien ou le président égyptien Nasser, des hommes qui ont aussi marqué le 20ème siècle.

S’il reste une image de Bourguiba qui met en relief sa place prépondérante dans le monde c’est celle où on le voit assis au premier rang des hôtes du président américain Richard Nixon à la cérémonie de funérailles de l’ancien chef d’Etat américain Dwight David Eisenhower, héros de la seconde guerre mondiale organisée au Capitole à Washington. Invité parmi les grands de ce monde selon les dernières volontés du président disparu, Bourguiba était assis aux côtés du président français, le général Charles de Gaulle, celui-là même contre lequel il a mené la bataille de Bizerte, de laquelle le président tunisien est sorti victorieux puisque le dernier soldat français a été contraint de quitter la Tunisie le 15 octobre 1963 et les terres conquises par les colons ont été nationalisées le 12 mai 1964 et sont devenues propriété inaliénable du peuple tunisien.

En ce 18ème anniversaire de sa disparition, on ne peut que lui rendre hommage qu’il mérite, car il reste qu’on le veuille ou non le plus illustre des Tunisiens.

RBR

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