Journée internationale de la jeunesse : Qu’a-t-on fait de nos jeunes ?
Proclamée par l’Assemblée générale des Nations Unies qui, le 17 décembre 1999, a approuvé la recommandation de la Conférence mondiale des ministres de la jeunesse, la Journée internationale de la jeunesse a été célébrée pour la première fois, le 12 août 2000. Soit cinq années après l’adoption du programme d'action mondial pour la jeunesse à l'horizon 2000 et au-delà qui a défini 15 domaines prioritaires. Depuis, cette date, est devenue une occasion pour évaluer les actions réalisées en faveur des jeunes et un moment de réflexion sur un thème précis afin de promouvoir leur participation dans la vie publique, en tant qu’acteurs essentiels du développement de la société.
Des chiffres inquiétants
En Tunisie, la situation de la jeunesse inquiète de plus en plus. On ne compte pas le nombre de jeunes tunisiens engagés dans les rangs de groupes terroristes, ni ceux qui ont pris le large pour finir au fin fond de la mer ou encore dans les prisons européennes. Ceux d’entre eux qui ont échappé à ces tristes sorts, vivent comme des parias, à la marge de l’eldorado rêvé. Ils sont, d’après un rapport des Nations Unies, près de 5.500 à avoir rejoint les conflits à l’étranger en Syrie et en Irak notamment. Attirés par les sirènes du jihad et les délices du paradis avec ses « houris » que leur font miroiter ces prédicateurs «envahisseurs» qui ont débarqué chez nous à l'invitation d'associations dont l'objet est directement lié à une doctrine religieuse pure et dure, endoctrinés par des imams radicaux qui ont transformé certaines mosquées en des centres de mobilisation et de prêches wahhabites, ils ont laissé derrière eux des familles désemparées et inconsolables. Des réseaux ont été mis en place, profitant du laxisme des gouvernements de transition et en premier lieu celui de la Troïka, financés par des «donateurs» de certains pays du Golfe, pour faciliter le recrutement et le transfert de milliers de jeunes Tunisiens dans les zones du conflit. Près de deux mille (2.000) d'entre eux ont trouvé la mort dans ces sales guerres qui se déroulent loin de chez eux et ensevelis, sans tombe ni mémorial.
D'autres jeunes, et ils se comptent, également, par milliers (plus de 25.000) ont succombé à l'eldorado européen dès les premiers jours ayant suivi le 14 janvier 2011. Certains ont péri, d'autres se sont trouvés rassemblés dans de véritables camps de concentration sur l'autre rive de la Méditerranée, ou placés en détention, en proie à de graves difficultés et à une humiliation sans fin. Rares sont ceux qui ont réussi à se frayer un chemin dans les méandres de cet eldorado rêvé. Ce désir d'émigrer et d'émigrer clandestinement a, toujours, constitué une réalité dans le milieu des jeunes depuis longtemps déjà. Ce phénomène est d'autant plus inquiétant que la motivation la plus citée est l'absence d'avenir en Tunisie, puisque les raisons invoquées sont la recherche d'un emploi et l'amélioration de la situation sociale. Il s'est accentué au cours des dernières années à cause de la frustration et la déception face à cette réalité cruelle et crue qui prévaut dans le pays. Ils sont frappés de plein fouet par le chômage et sont les premières victimes de la dégradation de l'économie nationale.
Et pourtant, c’est la génération la plus instruite
Des chiffres qui sonnent comme un échec total pour cette « révolution » dont les jeunes étaient le véritable moteur. Le slogan mobilisateur « emploi, liberté, dignité nationale », n’a plus aucune portée et le drapeau national, rouge et blanc, tant hissé et brandi, a été peu à peu remplacé par ce fanion noir, emblème des organisations terroristes, comme Daesh. Pas plus tard qu’il ya à peine deux mois, il a été étalé au grand jour dans l’enceinte de salle ses sports d’El Menzah à l’occasion de la tenue du congrès d’un parti qui prône le retour au Califat et qui considère la démocratie comme une hérésie.
Ils sont près de 2 millions 500 mille âgés entre 18 et 29 ans et représentent environ 24% de la population totale. Avec un taux d'alphabétisation de plus de 96%, dont 20.4% de niveau supérieur, un taux qui a presque triplé en dix ans, ils sont la génération la plus instruite de toute l'histoire du pays. Presque la moitié des jeunes se trouvent concentrés dans deux régions, le Centre-Est avec 24.6% et le Grand Tunis avec 23.3%, suivies de loin par le Sud avec 15.6% et le Nord-Ouest avec 13.7%. La concentration dans les deux premières régions s'explique, essentiellement, par l'existence d'une carte universitaire plus variée avec un grand nombre d'institutions proposant toutes les spécialités avec environ 60% de l'ensemble des étudiants, et une forte concentration d'industrie à haute valeur ajoutée et génératrice d'emplois. Cette jeunesse qui attend beaucoup de sa révolution semble, aujourd'hui, désorientée face à une situation extrêmement confuse et emmêlée.
Une société fâchée avec ses jeunes
Qu’ont fait les gouvernements successifs et les partis politiques pour ces jeunes totalement déçus par l'évolution de la situation du pays et se sentent trahis par une classe politique qui a usurpé leur «révolution » dont les causes sont toujours là pour ne pas dire qu’elles ont empiré ? Pratiquement rien ! La situation s'est même dégradée avec l'accroissement du taux de chômage, l'aggravation de la pauvreté, la détérioration de la situation sécuritaire, la flambée des prix, la désintégration de l'économie nationale, la résurgence de phénomènes comme le terrorisme, la recrudescence de la violence et de la criminalité…On a l’impression que la société tunisienne est fâchée avec sa jeunesse.
Les dernières élections législatives et présidentielle ont démontré que les jeunes se désintéressent de la politique. Moins de 20% des 18-29 ans ont voté. Un désaveu pour toute la classe politique qui a été incapable d'intégrer les jeunes et de les accompagner.
Quand des milliers de jeunes, souvent en bas âge, sont enrôlés par des groupes terroristes, par le biais de réseaux et de cellules d’embrigadement, l’on se demande comment est-on arrivé là et où sont passés les familles, la société civile, les partis politiques et les institutions de l’Etat et que devenues l’école et la mosquée ?
un message d'espoir
Les jeunes ont besoin d’un message fort de la part de la classe politique, loin de toute forme d’embrigadement et d’exploitation à des fins politiciennes. Un message d’espoir qui ouvrirait devant eux de nouveaux horizons. Ils ont besoin d’être écoutés et soutenus. Certes, il n’existe pas de clés magiques ni de solutions miracles pour les problèmes des jeunes, mais un autre discours prometteur et porteur d’espoir et de valeurs pourrait être inventé.
Brahim OUESLATI