La vidéo de Sofien Toubel ou le visage hideux de la politique
Depuis belle lurette, rien n’étonne plus venant de Nidaa Tounes. Le premier parti de l’ARP au lendemain des élections de 2014 et qui a raflé la présidence de la République, la tête du gouvernement et le perchoir au Parlement n’a eu de cesse de défrayer la chronique.
De dissensions, en divisions, de nouvelles recrues en direction sans partage, de poids lourd du gouvernement en renfort de l’opposition, il n’a rien épargné aux Tunisiens qui ont été pourtant très nombreux à lui accorder leurs suffrages.
Le premier groupe de l’Assemblée s’est scindé en deux puis en trois et le reste est à venir grâce à une transhumance partisane qu’il a créée et qu’il cherche d’ailleurs à perpétuer. Et pour couronner le tout, son premier congrès électif censé le doter d’un semblant d’unité à la veille d’élections cruciales pour le pays s’est terminé en queue de poisson, en donnant lieu à deux directions qui en se neutralisant vont conduire le parti à sa perte.
Qu’importe, Nidaa Tounes a plus d’un tour dans son sac. Mais ce qui vient d’être révélé par une vidéo fuitée sur les réseaux sociaux où elle a bénéficié d’une diffusion virale dépasse l’entendement. On y voit le président du comité central de la faction de Hammamet et qui plus est le président du groupe parlementaire du Nidaa, Sofien Toubal en train de jeter des liasses d’argent dans une soirée se déroulant dans un cabaret.
Pour l’homme public qu’il est le spectacle auquel il se donne est inacceptable. Il est inadmissible et ne peut être considéré comme faisant partie de la sphère privée d’autant plus qu’il se déroulait au cours d’une mission officielle dans un pays étranger.
Si Toubel reconnaît les faits et se confond en excuses, il donne une explication invraisemblable que personne ne peut croire, puisqu’il dit que les billets d’argent ne lui appartenaient pas et qu’il est de tradition en Egypte que le jet d’argent fasse partie du show. La justification est pire que le fait lui-même.
Ce qui encore pis que pire, c’est la réaction de la faction de Nidaa Tounes auquel appartient Sofien Toubal. Le communiqué publié dimanche soir par le bureau politique réuni à cet effet est l’exemple de ce qu’il ne faut pas faire ou dire en politique.
Puisque la faute de Toubel est non seulement admise, mais on lui trouve une explication à travers la théorie du complot qui ne peut duper personne. Ainsi Sofien Toubal est élevé au rang de symbole du parti contre lequel une campagne systématique et vile est orchestrée, alors qu’il ne peut s’en prendre qu’à lui-même et qu’il est le seul responsable de ses actes et de ses comportements qui ne peuvent que susciter le plus profond mépris.
Ce qui est encore plus blâmable c’est de voir un complot partout et de lancer des accusations contre la famille du président de la République, contre le parti Ennahdha et contre un directeur général au ministère de l’Intérieur en menaçant de révéler à l’opinion publique tous les détails, preuves et noms de ce supposé complot par le biais d'une communication détaillée aux médias et d'une future conférence de presse. Il a même décidé de s’adresser à la justice afin de révéler toutes les parties impliquées dans ce qu’il appelle une sale action qui affecte l'éthique de l'action politique et contribue à rabaisser toute la classe politique.
Il ne croit pas si bien dire mais en fait c’est le comportement de Sofien Toubel tel que présenté par cette vidéo qui altère sérieusement la scène politique et qui risque de faire fuir les électeurs qui déserteront les urnes et ne peut que donner une mauvaise image de la classe politique dans son ensemble.
Cette fuite en avant ne peut que desservir la politique qui est un métier noble puisque sa finalité est le bien public et non la satisfaction d’egos qui croient que tout leur est permis. En tentant de reprendre la main puisque la meilleure défense est l’attaque Sofien Toubel s’enfonce davantage.
Il aurait été mieux inspiré de faire le dos rond et de laisser passer la tempête. Mais maintenant qu’il s’est pris les pieds dans le tourbillon, il n’a plus beaucoup de choix.
Le mieux c’est évidemment qu’il démissionne. Pour la dignité de la fonction on n’en attend pas moins de lui. Evidemment on peut toujours caresser ce rêve qui ne se réalisera jamais. Mais qu’on ne vienne pas ensuite pleurer l’autorité de l’Etat ou le prestige de la fonction publique.
On dit que chaque société a les hommes ou femmes politiques qu’elle mérite. Mais la Tunisie post-révolution ne mérite vraiment pas de voir la politique descendre aussi bas par la faute d’hommes politiques qui ne sont pas conscients des effets dévastateurs de comportements qu’ils croient ordinaires alors qu’ils ne le sont guère. Surtout quand ils cherchent à leur trouver des explications ou des justifications abracadabrantesques.
RBR
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