L’adhan, le bruit et le son II

 L’adhan, le bruit et le son II

Le patio de la mosquée Zaitouna est dégarni. Une étendue vide, sans la chaleur ni l’encens des fidèles. La prière surérogatoire attarawih, réunit à peine quelques rangs. Les touristes musulmans, venus admirer le sanctuaire aghlabide vieux de plus de 12 siècles, retiennent leur souffle. La voix de l’imam est masquée par les cafés-chantants autour. De rugueuses sonorités, d’enivrées percussions assourdissantes, une surenchère sonore sans goût, qui ne semble pas inquiéter les «  fameuses élites puéricultrices », souvent, heurtées par l’appel à la prière ! Triste bilan des érad’ ? Déplacement du centre religieux vers la périphérie ? Fin d’une époque ? Endolorie, La mosquée de l’olivier n’en pleure pas moins.

Y a deux semaines, le marronnier national était-il,  les hauts parleurs de l’adhan. Les riverains en seraient tous gênés. Tous couche-tôt et tous lève-tard. Tous jeunes papas formidables. Les mômes en seraient tous effrayés. Tous couche-tôt et tous lève-tard. Nous en serons tous coupables. Tous couche-tôt et tous lève-tard.

Dans une précédente chronique nous avions montré le caractère idéologique des désidératas « urbains » des éradicateurs[i].   « Les Médinas s’étaient  toujours construites autour de mosquées, bien avant Al-Mohades et les Hafsides, bruissaient-elles des voix des chalands et autres Muezzins ! Plus tard,  des bottes du colon. Les villes ne sont jamais neutres. Les villes silencieuses, sont des cimetières. Les villes muettes, sont séquestrées. Ce qui vous paraît  bruit,  est la « parole » des villes. Ce qui vous semble  bruit, est le « souffle » des villes. Ce qui vous est bruit, est le « chant » des villes ! Les touristes en pleurs entre la mosquée Sultan Ahmad et Anna Sofia, vous le diraient : « l’adhan est la mélodie de Dieu ».

Ce qui semble irriter les érad’ n’est pas tant le Bruit, que son contenu. Ils ne semblent pas trop gênés par la sonie,  ils sont embarrassés par le sens qu’ils y attachent. Trois heures de tintamarresques fanfares de tous acabits ne paraissent plus gêner nos papas formidables, tous couche-tôt, tous lève-tard. Trois heures de tambours n’effrayent plus les pauvres bouts de choux, tous couche-tôt, tous lève-tard ! Hop-là,  la conscience anesthésiée, sens dessus dessous, collabo ; la conscience mordue au cou.

Les érad’ n’en veulent pas aux bruits des villes. Cherchent-ils juste à les changer. En avoir la console. Du mezoued en lieu et place de l’adhan. Leurs bruits au lieu des nôtres. Leur tapage, leurs pétards, leur fracas, leurs déflagrations, leur grogne, leurs clameurs, leurs échauffourées,  leurs vilaines voix, leurs haut-parleurs, et non les nôtres ! Et  non le vilain petit adhan !!! Et non la prière surérogatoire…..

C’est bien de reconquista qu’il s’agit. Qui occupe l’espace public ? Qui fait la loi ? Qui mène la foule et la danse ? Qui recrute la police des mœurs ? Qui fait la fête et qui fait « du bruit » ? Le fier-à-bras, le caïd de la cité ? L’insomnie des couche-tôt- lève-tard, n’en est qu’alibi…..Nous ne sommes pas nés de la dernière pluie. Quelque candides qu’ils fussent, les dupes volontaires, ne mangent plus de ce pain-là…..Fermez le ban. 

Les érad’ oublient souvent ce qu’ils ont dit la veille. Ils oublient que le bruit d’aujourd’hui risque de devenir le son de demain. Que « Les villes ne sont jamais neutres » ni silencieuses, et que leur bruit ne tombe jamais dans l’oreille d’un sourd…..

 

 

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