L’attaque terroriste de Mumbai du 26novembre 2008 : Du monument de l’amour à l’hôtel de la Haine

Bombay pour les cosmopolites tenants respectueux de son nom portugais d’origine, Mumbai pour les rigoristes Hindus qui forts d’une majorité électorale l’ont très officiellement rebaptisée; l’attaque terroriste qui s’y était déroulée le 26 novembre 2008 a laissé dans les esprits des cicatrices durables.
Ce jour là un commando composé de militants Kashmiris de Laskar –e –taiba débarque sur la plage de Mumbai près de l’hôtel Taj Mahal , et se divise en plusieurs groupes, l’un attaque l’hôtel lui-même et un carnage y sera commis au point que cet hôtel prénommé à partir d'un monument de l'amour, symbolisera désormais une tragédie; l’autre le café Léopold , un des lieux les plus fréquentés par les étrangers de la ville, un troisième groupe prend d’assaut le Nariman House, le centre communautaire des juifs de la ville.
Des rafales de mitraillettes sont tirées à partir de voitures contre les passants dans la rue et les stations de bus, la terreur se répand sur la ville, on dénombrera près d’une centaine de morts ; pendant près d’une soixantaine d’heures la ville sera livrée sans défense aux assaillants avant que les commandos « black cats » de l’armée Indienne ne finissent par les abattre ; un seul sera capturé blessé, Kassab , il sera jugé et exécuté sept ans plus tard. L’enquête menée par les autorités Indiennes établira que le commando avait été financé, armé, entraîné par les services secrets Pakistanais, et qu’il avait réussi à prendre le contrôle en haute mer d’un bateau de pêche Indien avec lequel il avait réussi à franchir plusieurs centaines de milles nautiques pour atteindre son objectif sans éveiller les soupçons des gardes côtes Indiens.
Mais en fait cette attaque avait avant tout démontré de graves défaillances des services de sécurité.
L’affaire avait débuté par la surveillance d’un téléphone portable d’un membre d’une organisation indépendantiste kashmiri en lutte contre l’occupation Indienne, dont il avait été établi qu’il appelait régulièrement un numéro identifié comme appartenant aux services secrets de l’armée Pakistanaise ISI.
Ces appels se référaient de plus en plus à une prochaine opération d’envergure que les services Indiens, les fameux RAW, n’étaient pas arrivés à localiser.
Mais ces soupçons étaient quand même devenus de fortes présomptions lorsqu’un dernier appel du numéro en question avait été localisé au large de Mumbai avant son extinction définitive.
Ceci avait poussé donc les services secrets à alerter les gardes côtes afin de contrôler tous les bateaux en direction de la ville. Il s’est avéré que les procédures administratives régissant les rapports entre les différents services de sécurité indiens étaient lourdes et compliqués, les gardes côtes ne furent alertés que plusieurs heures après.
Entre temps le bateau des terroristes était déjà passé. Qui plus est, les gardes-côtes , alertés envoyèrent un message à la police de Mumbai et à la Coordination Centrale des Renseignements de Delhi les prévenant d’une attaque imminente.
Or ce message se perdit dans la masse du courrier du chef de la police et cette démarche en elle-même, n’eût de toute manière, pas servi à grand-chose. La police de Mumbai n’étant absolument pas préparée ni équipée pour affronter ce genre de situation, relevant de la compétence des commandos des forces spéciales militaires ou para militaires, dont fait étonnant, une ville aussi importante était dénuée, et qu’il fallait le cas échéant faire amener de Delhi, à 2 heures et demi d’avion.
Et donc ni les Services de Renseignement, ni les garde-côtes n’avaient alerté le Ministre de la Défense ni le Ministre de l’Intérieur qui disposant de l’autorité nécessaire auraient été capables de réagir .Et quand à la Coordination Centrale des Renseignements, il s’agissait beaucoup plus d’un organisme chargé de l’étude sur l’organisation des différents services du renseignement, et nullement capable de prendre les mesures urgentes nécessitées par une réaction rapide à une situation de danger imminent.
Toujours est il que dans la plus grande ville de l’Inde qui constitue également son poumon économique, la sécurité s’était révélée complètement défaillante pendant plus de soixante heures , et cela avait été dû à une organisation interne complètement déficiente des organes de sécurité, et même les forces anti terroristes s’étaient signalées par leurs équipements inadaptés et tout le monde avait craint que leurs hélicoptères imprudemment rapprochés pour les déposer au dessus des toits, n’eussent été abattus par des missiles portables , dont fort heureusement pour eux, les terroristes s’avérèrent dépourvus .
Mais apparemment les assaillants avaient été bien renseignés sur l’état d’impréparation de la police , et les investigations avaient plus tard révélé le rôle crucial dans la préparation de l’attaque d’un citoyen Américain d’origine musulmane originaire d’Inde , ce que tout le monde ignorait, qui pendant deux ans avait travaillé à Mumbai et avait recueilli tous les renseignements nécessaires dont s’était servi le commando pour attaquer tranquillement les objectifs assignés et infliger le maximum de pertes aux civils désarmés qu’ils attaquaient.
Et justement c’est cette froide volonté de tuer démontrée par les membres du commando, qui avait frappé les esprits et avait poussé le monde entier à s’interroger sur leurs motivations .Il faut donc savoir qu’un véritable état de belligérance a cours depuis 1947 entre l’Inde et le Pakistan , qui avait atteint le stade de la guerre déclarée à 3 reprises, ou d’incidents très graves, comme la guerre de Kargill en 1999 ou l’attaque du Parlement Indien en 2003 qui avaient conduit les deux pays détenteurs de l’arme atomique au bord d’une guerre d’extermination réciproque . Mais si les mobiles animant certains musulmans indiens ou des militants d’organisations luttant pour la libération du Kashmir peuvent expliquer sans les excuser des actes de pure vengeance en réaction aux exactions des forces armées d’occupation, ou de l’hostilité du public Hindu entretenue contre les musulmans dans un but politique et électoraliste par les partis nationalistes Hindus, qui avait atteint son paroxysme avec la destruction du Babri Masjed à Ayodhya , et les massacres du Gujrat après l’incendie du Sabarmati Express, il ne faut déjà perdre de vue qu’en 1993 déjà, des bombes avaient explosé à la bourse de Mumbai, dont la pègre musulmane de la ville avait été responsable , et que pendant plusieurs mois les deux communautés s’y étaient affrontées à coups de gourdins, de barres de fer et de cocktails molotov .
Et dans ces conditions que la ville eût été dépourvue des moyens de sécurité adéquats constitue un fait inexplicable, et dont le Pakistan, toujours à l’affût des faiblesses de la défense indienne eût peut être tenté de tirer profit afin de démontrer la faiblesse de son adversaire.
Mais l’implication du Pakistan dans le terrorisme est une histoire qui remonte à 1979 , date de l’invasion de l’Afghanistan par l’Union Soviétique, et de la Sainte Alliance réalisée par la CIA , l’Arabie Saoudite, et le Pakistan, pour armer les résistants afghans et les volontaires islamistes venus des pays arabo musulmans dans le but de terrasser l’Ours athée et lui infliger un Vietnam. Cependant pour les généraux Pakistanais responsables il ne faut pas l’oublier de la sécession catastrophique du Bangladesh en 1971, qui ont toujours dans les faits dirigé le pays même pendant les périodes à éclipse de démocratie parlementaire.
Cette guerre avait été pour eux l’occasion d’essayer d’acquérir avec un Afghanistan allié une profondeur stratégique que leur pays n’avait jamais possédée, et d’autre part d’imposer à leur ennemi grâce aux jihadis aguerris en Afghanistan, une guerre de guérilla au Kashmir qui peu à peu finirait par user leur ennemi indien et l’obligerait à s’asseoir à la table des négociations , ou accorderait au peuple Kashmiri le fameux référendum prévu par une résolution de l’ONU depuis 1948 et que l’Inde n’avait jamais voulu respecter.
Mais entretemps l’Union Soviétique s’était retirée de l’Afghanistan, les Américains n’avaient pas éprouvé , erreur capitale de leur part, la nécessité d’accorder un soutien économique en vue du développement de ce pays misérable émergeant de plus de 10 ans de guerre, et les Pakistanais pour garder leur influence avaient soutenu les Talibans dont la plupart des dirigeants avaient été des étudiants dans des écoles religieuses Pakistanaises et avaient été instruits dans le rigorisme religieux le plus absolu ; on sait ce qu’il en est advenu après le 9/11.
Mais les Pakistanais obligés depuis lors, de soutenir au moins formellement les Américains dans leur guerre contre le terrorisme avaient néanmoins ménagé la chèvre et le choux en ne cessant jamais de collaborer les Talibans et les jihadis dont ils avaient besoin dans leur longue guerre contre l’Inde et en ce sens leur calcul était simple : les Américains ne s’éterniseraient pas comme avant eux les Russes, alors que les Afghans et les Indiens seraient toujours leurs voisins.
Cette étroite collaboration avec le terrorisme islamiste avait eu néanmoins pour eux un prix ; des groupes terroristes opéraient désormais à l’intérieur même du Pakistan, et l’assaut de la Mosquée Rouge puis l’attentat de l’Hôtel Marriott d’Islamabad avaient rappelé qu’ils constituaient un danger autant pour l’état Pakistanais que pour l’armée.
Le rôle des services secrets Pakistanais dans ce dernier attentat a été fortement suspecté à un point tel que beaucoup de gens s'étaient posé la question de savoir si les terroristes n'en avaient pas pris le contrôle et à l'échelle universelle ceci soulève bien évidemment le cas de tous les états qui à un moment ou à un autre de leur histoire auraient fait du terrorisme un usage politique dont leurs peuples et leurs économies eussent fini par faire les frais par des tueries pas si inexplicables que cela, dans des musées et des hôtels .
Tout gouvernement qui fait usage du terrorisme finit par en devenir le prisonnier et l'otage.
Et au cours de l’attentat de Mumbai, il est apparu que , compte tenu du contexte régional explosif , les autorités Indiennes n’avaient pas été capables de prendre les mesures préventives qui s’imposaient.
En plus est la situation politique en Inde qui se définit comme un état laïc , avec l’avènement des partis politiques chauvinistes hindus, rendait la cohabitation avec toutes les minorités, problématique, en particulier la minorité musulmane considérée comme la 5 ème colonne de l’ennemi Pakistanais et tenue de prouver plus que les autres son loyalisme .Et ce chauvinisme politique qualifié de Hindutva avait également porté préjudice à des minorités comme les Sikhs, victimes de massacres en 1984 , après l’assassinat d’Indira Ghandi , et un journaliste aussi célèbre et aussi peu suspect de communautarisme que le Sikh Khushwant Singh avait alors affirmé qu’en Inde, les seuls bons citoyens étaient les Hindus, toutes les autres communautés étaient considérées comme composées de citoyens de second ordre. Cependant il n’en avait pas toujours été ainsi et l’Inde a toujours constitué une mosaïque de communautés autant ethniques ou linguistiques que religieuses. Malheureusement la situation qui prévaut actuellement a pour origine la volonté des deux états antagonistes, Inde et Pakistan, d’utiliser le fait religieux à des fins politiques, l’un dans le but de surmonter les multitudes traits de fractures qui le traversent dans sa quête de constituer une grande puissance mondiale, l’autre dans sa quête inlassable d’un équilibre stratégique à même de lui assurer la sécurité dont depuis son éclatement en1971 il se sent dépourvu.
Le drame est que ce grand jeu auquel se sont mêlés Américains et Chinois puisse à tout moment déraper vers un conflit nucléaire aux effets inévitablement dévastateurs pour le monde entier. Or ce conflit est en réalité d’autant plus absurde que les deux pays partagent la même langue, la même culture, la même histoire.
Et que très souvent des mouvements piétistes populaires prônant l’amour de Dieu à travers les mysticismes Hindu Bhakhti, ou musulman Sufi, avaient étroitement rapproché les deux communautés. Et si aujourd’hui l’antagonisme entre l’Inde et le Pakistan apparait irréductible, c’est uniquement la conséquence des politiques d’affrontement choisies par ces deux états, et nullement le résultat d’une inimitié insurmontable entre l’Hinduisme et l’Islam.
Ces deux cultures ont la plupart du temps cohabité au quotidien tout le long de l’Histoire et il en est même résulté une synthèse originale dont les merveilles architecturales comme le tombeau du Taj Mahal, symbole universel de l'amour, constituent encore aujourd’hui des témoignages parmi les plus visités du monde entier ..
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