Le CDH tient une réunion-débat sur le droit à la vie privée à l'ère du numérique

Le CDH tient une réunion-débat sur le droit à la vie privée à l'ère du numérique
 
Le Conseil des Droits de l'Homme a tenu ce matin une réunion-débat sur le droit à la vie privée à l'ère du numérique. Mme Flavia Pansieri, Haut-Commissaire adjointe aux Droits de l'Homme, a ouvert le débat en présentant un rapport du Haut-commissariat sur la question, préparé à la demande de l'Assemblée générale des Nations Unies. 
 
Mme Pansieri a notamment souligné que l'ère du numérique est celle de l'émancipation et du plus grand mouvement de libération que le monde ait jamais connu.  Cependant, les communications sont vulnérables à la surveillance, à l'interception et au recueil de données, autant de pratiques qui affectent le droit à la vie privée, à la liberté d'expression, d'opinion et de réunion, et qui révèlent une absence de législation nationale appropriée.  Elle a toutefois reconnu que la surveillance électronique des communications peut être légitime du point de vue du maintien de l'ordre et de la sécurité, à la condition expresse que cela se fasse dans le respect du droit.
 
La réunion, animée par M. Marko Milanovic, Professeur à l'Université de Nottingham, comptait avec la participation de Mme Carly Nyst, Directrice juridique à Privacy International; de Mme Catalina Botero, Rapporteuse spéciale sur la liberté d'expression de la Commission interaméricaine des droits de l'homme; de Mme Sarah Cleveland, Professeur à la Columbia Law School; et de M. Yves Nissim, Directeur adjoint, responsabilité sociale de l'entreprise chez Orange.
 
Mme Nyst a insisté sur le fait que le droit à la vie privée, notamment à la communication privée, a été reconnu dans de nombreux instruments juridiques internationaux, dont le Pacte international sur les droits civils et politiques.  Le défi aujourd'hui est de le défendre dans le contexte des technologies nouvelles et de contraindre les États à respecter ce droit.  Par ailleurs il faut tout autant protéger le contenu des communications que d'autres données les concernant, telles que le lieu et l'heure d'origine.   Mme Botero a précisé que la collecte des données privées n'est pas en soi une violation des droits de l'homme, mais elle le devient lorsqu'elle est effectuée de manière systématique et à l'insu des personnes concernées; la surveillance électronique exige le respect des critères de protection de la vie privée, à savoir la proportionnalité, la légalité, la légitimité et le caractère de nécessité absolue.  Mme Clevaland a ajouté que les mesures de surveillance et d'écoutes doivent disposer de garanties juridiques, de moyens de contrôle et de recours efficaces.  Quant à M. Nissim, il a insisté sur le fait qu'en raison de leur dépendance aux lois locales, les entreprises de télécommunications sont très souvent amenées à violer les droits de l'homme contre leur gré.  Il revient aux États d'agir avec plus de transparence, en amont et en aval.
 
Au cours du débat qui a suivi, les délégations* ont rappelé que le droit à la protection de la vie privée est indérogeable et qu'il s'applique à tout État qui exercerait son pouvoir en matière d'écoutes et de surveillance des communications, y compris en dehors de son propre territoire.  Ce principe a été rappelé dans la résolution 68/167 de l'Assemblée générale.  Cependant, si la surveillance numérique et la collecte d'informations personnelles peuvent s'avérer nécessaires, elle doit être proportionnée, équitable et se conformer au droit international et à l'état de droit.  Des délégations ont en outre souligné que la plupart des télécommunications transitent par un seul pays, qui abrite la majeure partie des infrastructures de l'Internet.  Cette situation est d'autant plus préoccupante que ce même pays est au centre des écoutes mondiales illégales.  Dans ce contexte, la communauté internationale doit prendre des mesures pour protéger les citoyens face à la violation de leur droit à la vie privée, notamment en créant un mécanisme de gouvernance mondiale de l'Internet.  Des délégations ont pour leur part déclaré qu'il fallait trouver un équilibre entre droit à la vie privée et nécessités en matière de sécurité nationale, tandis que d'autres ont présenté les mesures prises par leur gouvernement pour protéger la vie privée de leurs citoyens.