Le témoignage bouleversant de Sélima Sfar violée par son entraineur à l'âge de 12 ans

Le témoignage bouleversant de Sélima Sfar violée par son entraineur à l'âge de 12 ans

Selima Sfar, vous connaissez ?  Elle est l'une des rares joueuses de tennis professionnelles de la Tunisie à avoir évolué au plus haut niveau international. Elle a été la première joueuse arabe à atteindre le top 100 mondial

Dans une interview bouleversante publiée ce mardi 29 Août 2023, dans le journal l’Equipe, Sélima accuse de viol son ancien entraîneur Régis de Camaret. Trente-cinq ans après les faits présumés, elle veut transmettre un message d’espoir.

« Quand j’avais 12 ans et demi », confie-t-elle « j’ai été abusée par Régis de Camaret. Personne ne connaît mon histoire. Tout le monde voit que je viens d’une famille assez aisée, que je vis très bien, que j’ai été la première femme arabe à entrer dans le top 100 mondial, mais j’ai payé un prix “énormissime”. Pendant toute ma carrière, c’était beaucoup de souffrances, je nageais à contre-courant tout le temps, je me battais contre moi-même. J’ai mis longtemps à me libérer. C’est un gros traumatisme. Quand ça arrive, on se dit : “J’ai tout sacrifié pour ça, il faut que j’y arrive.” J’ai bossé comme une malade. Toute ma vie, j’ai pensé que j’étais faible, lâche, nulle. Jusqu’à ce que je comprenne. Aujourd’hui, à 46 ans, je peux parler parce que j’ai beaucoup travaillé sur moi et été aidée. La honte a disparu. Quand je pleure, c’est de l’émotion. Ce ne sont pas les mêmes larmes. La honte s’est transformée en fierté. Je suis fière de ce que je suis devenue. Comment tout a commencé ? En Tunisie, j’étais déjà championne hommes et femmes seniors à 12 ans, j’avais décidé de devenir joueuse professionnelle de tennis mais il y avait peu d’infrastructures dans mon pays à l’époque. Je suis venue faire un test à Roland-Garros, la Fédération m’a dit que j’avais le niveau mais qu’il fallait jouer pour la France. Avec mon grand-père qui était militant de l’indépendance en Tunisie, je voulais jouer pour la Tunisie. On m’a parlé d’une très belle académie à Biarritz avec un des meilleurs entraîneurs du monde, Régis de Camaret, qui entraînait Nathalie Tauziat, etc. C’était dur de partir à 12 ans et demi, je ne connaissais pas un visage, je ne parlais pas très bien français.

Sélima Sfar dépeint la situation d'emprise que Régis de Camaret, condamné en 2014 à dix ans de prison ferme pour le viol de deux autres mineures, avait sur elle. "Je venais d'un pays arabe. Tout ce que je savais était qu'il était l'un des meilleurs coachs du monde, un peu "Dieu" dans le tennis en France et, si je voulais vraiment devenir championne, j'avais besoin de lui. [...] À chaque fois, c'était la même chose, j'étais paralysée. Ça a duré pratiquement trois ans."

La joueuse détaille aussi les conséquences de ces abus sur sa vie de femme, et d'athlète : "Dans ma tête, je me disais pourquoi je n'ai pas eu la force de dire non, pourquoi je n'ai pas dit non, je suis lâche. Sur le court, à chaque moment où j'avais besoin de confiance en moi et de faire un choix, c'était hyper dur".

Enfin, elle justifie sa prise de parole : "Il a été en prison, il a été condamné. Coupable, il l'est et le restera toujours. Il a commis un crime, c'est une certitude mais le but de cette interview n'est pas de le blâmer. Il a fait sa peine. J'en parle parce qu'il y a encore beaucoup d'abus, pour toutes celles et ceux qui sont victimes."

En 2005, Régis de Camaret est accusé de viols par Isabelle Demongeot et plus de vingt autres joueuses, mineures au moment des faits décrits (dont seulement deux concernées par des faits non-prescrits). Il est condamné à huit ans de prison en première instance en 2012, puis à dix ans de prison en appel en 2014.

Il est libéré le 1er août 2019.

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