Les raisons inavouées de la non rencontre de Youssef Chahed avec Mohamed VI

Les raisons inavouées de la non rencontre de Youssef Chahed avec Mohamed VI

 

Retour sur cet « incident», si on peut le qualifier comme tel, tuniso-marocain au cours de la visite du chef du gouvernement Youssef Chahed, à la suite du refus de la délégation tunisienne d’inclure un paragraphe où les deux parties « reconnaissent la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental ». Selon un ancien ambassadeur de Tunisie à Rabat, le projet de communiqué final est, généralement, préparé par une commission composée des membres des deux délégations sous la supervision des deux ambassadeurs. Pour éviter de froisser les uns et les autres, aucun point de litige, ni les questions qui fâchent, ne doivent figurer dans le texte. Une fois fignolé, le projet est soumis à l’approbation des deux chefs de délégations avant sa signature. Or, dans le cas de l’espèce, la partie marocaine a-t-elle rédigé seule le communiqué, comme pour piéger son homolgue tunisienne ? Et pourquoi, le paragraphe litigieux a-t-il figuré dans le projet soumis à Youssef Chahed qui l’a catégoriquement rejeté ? Les marocains ont-ils cherché à extorquer une reconnaissance de la part de la Tunisie de leur souveraineté sur la Sahara occidental alors qu’ils savent bien qu’elle a, depuis le déclenchement de cette affaire épineuse au début des années 1970, a toujours soutenu la légalité internationale et les décisions du Conseil de sécurité des Nations Unies ? En 1976, alors que l’Algérie et le Maroc se sont brièvement opposés par les armes, le président Habib Bourguiba avait proposé sa médiation sous l’égide des Nations unies et de l’Organisation de l’unité africaine (OUA). Il avait, même, envoyé des émissaires dans les deux capitales, mais sans résultat. D’ailleurs, dans tous les conflits interarabes notamment, notre pays a toujours prôné la réconciliation, ne se rangeant derrière aucun des belligérants, comme c’est le cas, actuellement, du conflit entre le pays du Golfe et Qatar.

Le Maroc qui a quitté en 1984, l’organisation de l’Unité africaine dont il était membre fondateur, en raison de la reconnaissance de la République arabe sahraouie(RASD), vient de réintégrer cette même organisation au cours du dernier sommet fin Janvier à Addis Abeba, à la faveur d’une campagne diplomatique et commerciale menée par le Roi Mohamed VI à travers plusieurs capitales africaines où le Maroc est devenu le plus grand investisseur, détrônant l’Afrique du Sud. Réadmis par 39 voix pour et seulement 12 contre, Rabat jubile et tire un trait sur l’Union du Maghreb Arabe fondée en février 1989 à Marrakech. Mohamed VI avait, même, déclaré que « la flamme du Maghreb est éteinte ». Considérant que l’Afrique est son espace vital et stratégique, Rabat a présenté sa candidature à la
Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest(CEDEAO) composée actuellement de 15 membres.

Ce dépit envers le Maghreb a fait que le Maroc qui préside le comité « Al Qods », tourne le dos à la sous-région mais également  aux mondes arabe et musulman. Mohamed VI n’a pas participé à la conférence islamo-américaine organisée dernièrement dans la capitale saoudienne Riadh.

Sur le plan des relations avec la Tunisie, il faut rappeler que Rabat n’a jamais apprécié « la révolution tunisienne » qui a failli toucher le Maroc en 2011. Les autorités marocaines craignent que les évènements d’El Hoceima qui est le théâtre de manifestations récurrentes depuis la mort, fin octobre 2016, d’un vendeur de poisson broyé accidentellement dans une benne à ordures, pour des revendications économiques et sociales, ne se propagent à travers et n’annoncent un mouvement à « la tunisienne ». C’est pourquoi, les relations, d’habitude au beau fixe, sont marquées par un léger froid. Il faut rappeler que le Roi Mohamed VI n’avait pas reçu les deux anciens chefs de gouvernement Habib Essid et Hamadi Jebali qui avaient co-présidé la haute commission mixte. les autorités marocaines avaient même réservé un accueil froid à Habib Essid en mai 2016. Même les ministres des Affaires étrangères et de l’Intérieur qui l’accompagnaient n’avaient pu se réunir avec leurs homologues marocains pour aborder la sécurité et la lutte contre les groupes terroristes. En plus la visite du président de la république Béji Caid Essebsi au Maroc se fait encore attendre. Alors qu’il s’est rendu deux fois en Algérie et qu’il a visité d’autres pays arabes, la date de sa visite au Maroc n’a pas encore été fixée.

La visite de Mohamed VI en Tunisie, pendant la présidence de Moncef Marzouki où il s’est permis de déambuler dans l’Avenue Habib Bourguiba se faisant prendre en selfie avec des Tunisiens, devait annoncer un réchauffement de relations entre les deux pays, mais rien n’y fit. Même Marzouki qu’on disait en, bon rapport avec le souverain marocain, n’est plus en odeur de sainteté au Maroc.

Il faut rappeler que selon le protocole des chefs d’état, de manière générale, et du souverain marocain en particulier, seules les visites d’état et les visites officielles figurent dans l’agenda royal. Les visites de travail des chefs de gouvernement ne sont pas inclues et leur rencontre avec le souverain dépendent de sa disponibilité et de son bon vouloir.  

Toutefois, nonobstant ce petit « incident », Youssef Chahed a eu droit à plus d’égard que ses deux prédécesseurs, puisqu’il s’est entretenu avec son homologue Saad Eddine El Othmani ainsi que Omar Azziman et Abdeltif Menouni, le président de la Chambre des Représentants, M. Habib El Malki, le président de la Chambre des Conseillers. Tous les trois étaient présents avec les conseillers du Souverain, au repas d’Iftar offert par le Roi à son honneur.

Brahim OUESLATI

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