L'inclusion financière en Tunisie : Défis et opportunités

L'inclusion financière en Tunisie : Défis et opportunités
 
 
La Tunisie a attiré l'attention de la communauté internationale en ouvrant la voie aux révolutions du Printemps arabe en janvier 2011. Depuis, le pays a franchi un certain nombre d'étapes majeures en adoptant une nouvelle Constitution et en se dotant d'un président élu démocratiquement à la fin 2014.
 
Pourtant, ces avancées sur le plan politique obtenues de haute lutte sont menacées par des difficultés persistantes : stagnation économique, chômage élevé (33 % parmi les jeunes) et problèmes de sécurité intérieure.
 
L'inclusion financière est l'un des nombreux domaines qui ont retenu l'attention des nouvelles autorités. Un décret-loi adopté en novembre 2011 a autorisé la création d'organismes de crédit réservés aux personnes à faible revenu. Il a également créé un organe de réglementation moderne, l'Autorité de contrôle de la microfinance. En préparant le terrain à un développement harmonieux du secteur du microcrédit, cela a entraîné la transformation des principaux acteurs existants et la création de nouveaux au cours de l'année écoulée.
 
Au-delà du microcrédit, le ministère des Finances cherche à présent à moderniser l'ensemble du secteur financier du pays à l'horizon 2020. Ce projet tombe à point nommé et devrait contribuer au renforcement du développement de ce secteur. À cet égard, un état des lieux de l'inclusion financière réalisé récemment par le CGAP et la Banque mondiale s'est montré riche d'enseignements.
 
En 2011, il a été estimé dans le cadre de la stratégie nationale pour le développement du secteur de la microfinance en Tunisie que 30 à 40 % de la population adulte (soit de 2,5 à 3,5 millions de personnes) et plus de la moitié des entreprises du pays (soit de 245 000 à 425 000 entreprises immatriculées) restaient non (ou mal) desservies par le secteur financier formel, malgré les 12 millions de comptes bancaires et postaux enregistrés. Ces chiffres sont approximatifs, car ils sont extrapolés à partir de sources secondaires obsolètes et imprécises. 
 
Cependant, en ce qui concerne les particuliers, ces données sont corroborées par deux études : celle réalisée en 2015 par la Banque mondiale, qui a montré que les deux tiers des adultes sont soit exclus du secteur financier formel, soit mal desservis par celui-ci ; et l'étude Findex 2014, dans laquelle seuls 27 % des adultes ont déclaré posséder un compte dans un établissement financier formel. Les travaux de recherche réalisés au niveau national et local montrent que ces personnes ont beau avoir une vie active sur le plan financier, elles sont contraintes à recourir à des services financiers informels qui peuvent s'avérer risqués et coûteux.
 
La Poste Tunisienne absorbe une partie de ces besoins en matière de services d'épargne et de paiement grâce à son vaste réseau couvrant l'ensemble du pays (1 051 agences en 2014) et à ses produits de transfert électronique et mobile. Cependant, avec seulement 178 distributeurs automatiques, un quart des agences non connectées à un serveur central, des horaires d'ouverture relativement limités et des montants minimum pour les paiements, l'institution n'offre pas encore de solutions de microépargne (dépôts et retraits réguliers de très petites sommes) ni de moyens de paiement simples d'utilisation. Plus de 50 % des 5,5 millions de comptes postaux sont considérés comme inactifs (aucun mouvement depuis 2 ans).
 
Les entreprises souffrent également d'un accès insuffisant à des services financiers formels adaptés, en particulier les microentreprises et les PME (MPME), qui sont jugées comme risquées alors qu'elles sont incontournables du fait de leur importance dans l'économie tunisienne. Les banques prêtent essentiellement aux travailleurs salariés et aux moyennes et grandes entreprises (338 000 entreprises financées en 2013, avec 50 % du portefeuille de 41 milliards de dinars tunisiens alloués à des grands groupes). 
 
Une enquête réalisée en 2014 par l'IFC a montré que 29 % des MPME n'ont jamais tenté d'ouvrir un compte bancaire ; 37 % ont déclaré avoir besoin d'un financement mais n'être jamais entrées en contact avec un établissement financier ; 78 % ont recours à des liquidités pour payer leurs fournisseurs et 91 % pour payer leurs employés. Pour financer leurs dépenses d'équipement, elles pourraient se tourner vers les neuf sociétés de crédit-bail qui sont en train de voir leur activité se développer, en particulier sur le marché des PME. Appuyée par la Banque, la finance numérique s'est également développée ces dernières années, avec la présence de quatre services sur le marché. 
 
Toutefois, ces produits offrent des services limités, manquent d'interopérabilité et ont enregistré une adoption assez limitée. Moins de 4 % des Tunisiens utilisent des services financiers mobiles. Les compagnies d'assurance ne constituent qu'une faible part du secteur financier du pays : les primes représentent moins de 2 % du PIB.
 
Si l'on se projette dans l'avenir, la Tunisie présente d'immenses opportunités en matière d'inclusion financière. Néanmoins, le pays doit encore surmonter un certain nombre de problèmes structurels et à court terme. Pour aller au-delà du microcrédit et développer des services d'épargne, de microassurance et de paiement, il serait nécessaire de mettre en œuvre les démarches suivantes :
 
Identifier une personnalité de haut niveau pour plaider la cause de l'inclusion financière ;
 
Coordonner une stratégie nationale d'inclusion financière ;
 
Effectuer une étude approfondie afin de disposer de données actualisées et représentatives à l'échelle nationale sur les caractéristiques du marché ;
 
Clarifier le rôle des différents acteurs publics et privés au sein du marché (Poste Tunisienne, banques, institutions de microfinance, opérateurs de réseaux mobiles, etc.) ;
 
Résoudre les éventuels problèmes de refinancement dans un contexte de pénurie de liquidités ;
 
Élaborer un solide cadre de protection des consommateurs afin de gérer la croissance du secteur et de lutter contre les problèmes persistants.
 
Globalement, l'inclusion financière peut constituer un mécanisme majeur pour promouvoir la croissance économique et offrir un avenir meilleur à la population, surtout pour les Tunisiens à faible revenu. Les avancées dans ce domaine passeront par une action concertée des acteurs publics et privés pour changer les choses. 
 
Compte tenu de la réforme récente du secteur de la microfinance, du périmètre d'action de la Poste Tunisienne et des discussions concernant l'extension de la finance numérique, la Tunisie a l'opportunité de donner l'exemple à d'autres pays de la région et, ce faisant, d'apporter une précieuse source d'espoir en Tunisie et au-delà.(Publié par CGAP)
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Votre commentaire