M. le Président attention au retour de la manivelle!

M. le Président attention au retour de la manivelle!

Trois semaines déjà et rien en se profile à l’oraison.  La ferveur suscitée dans la soirée de ce dimanche 25 Juillet, suite à l'anonce du gel des activités de l’ARP et le limogeage du chef du gouvernement, commence à s’estomper. Après l’euphorie, est l’expectative si ce n’est l’inquiétude qui s’installe. Et les pressions étrangères se font sentir alors que la pression populaire pourrait surgir d’un moment à l’autre.

Les Tunisiens se sont habitués aux sorties médiatiques du président de la République Kais Saied qui profite de chaque occasion pour se lancer dans des soliloques, parfois énigmatiques. Mais sa sortie dans la soirée du 25 Juillet dernier, a tranché avec les précédentes en raison des mesures exceptionnelles qu’il a annoncées conformément à sa propre lecture de l’article 80 de la Constitution. Mesures qui ont suscité l'adhésion de l’ensemble des Tunisiens épuisés par cette ébullition, excédés par ces querelles  de clochers, dégoûtés par ces débats politiques interminables, fatigués par cette expectative qui n’a que trop duré, et angoissés face à un avenir qui ne s’annonce pas sous de bons auspices.

Le sauveur !

Du coup Saied, naguère brocardé, s’est hissé au rang du Messie qui va sauver le pays de la dérive, le débarrasser des malfrats et des pillards de ses richesses, avant de le remettre sur la bonne voie.

Au cours des trois dernières semaines, le président s’est montré très actif dans la lutte contre la pandémie. Avec l’arrivée des aides de plusieurs pays : vaccins, équipements hospitaliers, oxygène…la campagne de vaccination s’est accélérée. A la date du 13 août 2021, près de trois millions de personnes ont reçu au moins une dose de vaccin contre la Covid-19, soit environ 25% de la population tunisienne et l’on espère atteindre un taux de 50% d’ici fin Septembre. Ce qui place notre pays à la deuxième place en Afrique, avec un taux de vaccination total parmi les plus élevés du continent (15% à la date du 13 août), derrière le Maroc avec un taux de 30%.

Le Président a lancé une autre campagne contre la corruption et l’impunité. Elle a ciblé en priorité l’épineux dossier du phosphate et plusieurs arrestations ont été opérées dans les rangs d’anciens hauts responsables. Deux députés sont écroués, alors que d’autres, ceux d’al Karama notamment, continuent de narguer tout le monde y compris le chef de l’Etat lui-même. Et l’on ne sait trop sur leur situation.

Par contre, des dossiers brûlants comme le transfert des jeunes dans les zones de conflit, les assassinats politiques, l’appareil secret du mouvement Ennahdha, l’implication de certaines parties dans le terrorisme et d’autres ne semblent pas avoir la priorité de Kais Saied. Du moins pour le moment.

Le président qui s’est autoproclamé chef du pouvoir exécutif, s’arrogeant même tous les pouvoirs, ne semble pas pressé pour désigner un nouveau chef du gouvernement et annoncer une feuille de route claire pour la prochaine étape. Ce qui fait planer le doute sur ses véritables intentions. Et on a l’impression qu’il navigue à vue, sans boussole, ni repères.

Pendant ce temps, le pays s’enlise dans la crise

Pendant ce temps, le pays fait face à une crise sans précédent. L’économie est exsangue à cause de la pandémie notamment, avec une dette extérieure qui a franchi le cap des 90%, le glissement du dinar qui ne pèse plus rien devant les principales monnaies, une balance commerciale largement déficitaire, une inflation qui frôle les 6% et des prix qui suivent une courbe ascendante. En plus de la montée du chômage surtout parmi les jeunes ( plus de 30%) et l’appauvrissement des populations. Le budget de 2021 n’a pas encore été comblé et les négociations avec le Fonds monétaire international sont au point mort. Elles ne reprendront qu’à la suite de la formation d’un gouvernement capable de rassurer l’opinion publique nationale et internationale, et en mesure de mener des réformes courageuses.

Pressions étrangères

Devant cet embrouillamini, les puissances étrangères commencent à s’inquiéter et elles le font savoir directement au président de la République. Et le pressent pour un retour à la normale.

La semaine dernière, Kais Saied s’est entretenu, par téléphone, avec son homologue français Emmanuel Macron. La présidence de la République n’a pas fait état du contenu de cette communication. Sauf que l’Elysée a publié un communiqué selon lequel Macron « a assuré son homologue que France se tenait aux côtés de la Tunisie et du peuple tunisien dans ce moment clé pour sa souveraineté et la liberté ». Il a, également, « formé le vœu que la Tunisie soit rapidement en capacité de répondre aux défis économiques, sociaux et sanitaires auxquels elle est confrontée. Il a rappelé que la Tunisie pouvait compter sur le soutien de la France pour relever l’ensemble de ces défis ».

De son côté, le Président Kaïs Saied s’est engagé à répondre aux urgences. Il a indiqué qu’il ferait connaitre rapidement sa feuille de route pour la période à venir et qu’il continuerait de donner toute sa place à la légitimité populaire ».

Hier, le chef de l’Etat a reçu une délégation américaine conduite par le conseiller principal adjoint à la sécurité nationale, Jon Finer et composé notamment du secrétaire d’état adjoint aux affaires étrangères chargé du Moyen Orient, Joey Hood. Finer a remis au président de la République, un message écrit de son homologue Joe Biden auquel il doit répondre de la même manière. Selon le communiqué de la Maison Blanche, Biden appelle à un retour rapide à la voie de la démocratie parlementaire tunisienne et à la formation d’un gouvernement capable de faire face aux crises économiques et sanitaires auxquelles la Tunisie est confrontée.

Cette période d’expectative fondée sur des promesses non encore annoncées, ne doit pas durer encore plus. Sinon elle risque d’amenuiser les espoirs suscités le 25 Juillet et de créer un climat de doute et de confusion.

Et l’on n’est pas à l’abri d’un retour de la manivelle !

B.O

 

 

 

 

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