Massacre de Jbel Châambi: Emouvant message à un jeune conscrit !

Massacre de Jbel Châambi: Emouvant message à un jeune conscrit !

Sa voix douce, teintée d'un semblant de gravité, résonne encore en moi. Sa jeunesse emprunte ses plus beaux traits à celle de son âme, sa vivacité masque à peine un humour bienveillant qui en dit long sur son état d'esprit et ses paroles résument à elles seules un dévouement  indéfectible à une patrie qu'il porte dans son cœur et une détermination indéfectible  à défendre son emblème.

Il a vingt ans et quelques poussières, ce jeune conscrit que j'ai rencontré il y a un mois, presque jour pour jour,  à l'occasion des festivités commémoratives annuelles de la journée olympique que le CNOT a organisées, le 15 juin dernier, à Chaambi. Une première dans les annales du sport national qui a vu la flamme olympique briller sur la cîme du mont.

Un signal fort contre le terrorisme qui tente de faire son nid dans cette montagne longtemps zone de prédilection d'une faune représentée par une vingtaine d'espèces de mammifères dont "la gazelle de montagne ou gazelle de Cuvier, animal emblématique du parc, et le mouflon à manchettes". Inscrit en 1977 par l'UNESCO comme "réserve de biosphère", ce site est,  et doit rester, un lieu de villégiature exquise et de randonnée pédestre pour des milliers de gens qui viennent de tous les coins de la terre.
 
Les activités ont été organisées, avec et pour nos vaillants militaires affectés dans cette zone pour sécuriser le djebel et le débarrasser des terroristes. Journée mémorable qui a vu des jeunes sportifs se confondre avec de jeunes soldats dont fait partie notre jeune conscrit. Je n'oublierai pas de sitôt ce qu'il m'a susurré à l'oreille comme pour me faire une confidence. "Merci de nous avoir permis de tremper dans cette ambiance qui tranche avec celle des sifflements des balles, le bruit des avions et le roulement des chars".   Emouvante confidence qui n'altère en rien la confiance de ces militaires placés en première ligne du front pour combattre un ennemi à la fois invisible et imprévisible.

Le sport et la culture pour combattre le terrorisme

Ces images me sont revenus à l'esprit comme pour me tirer de mon chagrin et de me soustraire à ma douleur suite à l'attaque terroriste qui a frappé encore une fois à Chaambi, faisant tomber 14 martyrs et laissant plus d'une vingtaine de blessés parmi nos vaillants soldats. Je ne sais pas si notre jeune conscrit en faisait partie, ce que je lui souhaite pas et ce que ne souhaite plus pour aucun de nos soldats et de nos agents des forces de  sécurité.

Je ne sais pas, non plus, si nous devons pleurer nos martyrs ou les encenser. Mais je sais que le deuil ne sera porté que par leurs familles et leurs proches parce que finies les obsèques et les oraisons funèbres, chacun repartira de son côté en attendant de revenir sur ces mêmes lieux pour de nouveaux enterrements. Alors que, quelque part, ces croque-morts assument une grande part de responsabilité dans la propagation de ce phénomène, soit parce qu'ils ont sous-estimé la gravité de la menace terroriste, soit qu'ils ont péché par leur laxisme et leur incapacité à le prévenir et à le conjurer.

Le commandant suprême des forces armées qu'est le chef de l'Etat, n'a-t-il pas promis, à chaque coup, que le terrorisme vivait ses dernières heures? Qu'a-t-il fait, lui qui a promis la clémence aux terroristes qui déposeraient les armes, pour prémunir notre armée contre de tels risques? Ce n'est pas par les discours et les professions de foi qu'on pourra éradiquer un phénomène avec lequel nous sommes en passe de nous familiariser.

Non, messieurs, la montagne Chaambi, qui se dresse altière comme pour défier la nature, et qui a été escaladée au lendemain de l'indépendance par de jeunes scouts pour y mettre un "croissant métallique, symbole de l'Islam" ne doit pas être transformée en refuge pour des terroristes. Pourquoi, ce parc naturel qui recèle des richesses énormes en faune et en flore, véritable poumon pour toute une région, lieu prisé de mise au vert pour des sportifs de haut niveau, et non ceux évoqués par un certain porte-parole, soit devenu un lieu de tous les dangers?

La menace du terrorisme pèse, aujourd'hui et plus que jamais, sur le pays. Il ne se combat uniquement, sur le terrain militaire ou sécuritaire. D'où la nécessité  d'une approche globale multidimensionnelle qui fait une large place à la culture et au sport et qui s'appuie sur des leviers politiques, économiques, sociales et juridiques. Je considère que sport et culture en plus de l'éducation, pourraient prévenir contre le développement de nouvelles mentalités  terroristes aveugles.

Je proposerai d'élargir la commission annoncée par le Chef de gouvernement aux ministres de la Culture, de la Jeunesse et des Sports, de l'Education et des Affaires religieuses. Nous avons besoin de créer un climat de confiance dans une société de plus en plus gangrénée par l'apparition du phénomène de la violence, de plus en plus déchirée par les idéologies les plus austères et les plus dures et de plus en plus soumise au diktat des partis et des politiques. Nous avons besoin, aujourd'hui, et plus que jamais non de discours de bonne intention, mais de mesures concrètes qui pourraient à court, moyen et long termes, aboutir à l'émergence d'une culture de tolérance, de compréhension et de dialogue.

Pour reprendre un haut responsable onusien, je dirais que " la sécurité de l'être humain, n'est pas une question d'armes, c'est une question de vie et de dignité » qui passe obligatoirement « par l'économie, la nourriture, la santé, l'environnement, la sécurité politique... » et j'aouterais encore et plus, la culture, le sport et l'éducation.

Mehrez Boussayene (Avocat à la Cour de Cassation et Président du comité national olympique)