M.K.Nabli : Les résultats de l’initiative présidentielle sont décourageants

M.K.Nabli : Les résultats de l’initiative présidentielle sont décourageants

 

« C’est une initiative intéressante, qui devait être salutaire, le pays avait besoin d’un grand électrochoc. Malheureusement, après deux mois d’efforts les résultats sont décourageants, et ne sont pas à la hauteur des attentes »,  écrit Mustapha Kamel Nabli ancien gouverneur de la Banque centrale à propos de l’initiative du président de la république pour la formation d’un gouvernement d’union nationale dans une tribune publiée par le site Maghrebnews.

A propos du document de Carthage, il n’y trouve « qu’une liste de préoccupations, d’intentions, de souhaits, et d’aspirations.(…) mais il est presque totalement muet sur les choix et les moyens de les résoudre. « Or « gouverner », c’est « choisir » et je ne vois pas de choix ! Ce document n’aidera d’aucune manière un prochain gouvernement à gouverner», ajoute-t-il. Selon lui, « ce qui a manqué le plus à ce processus c’est une clarté dans les objectifs et une transparence dans le processus ».

L’ancien ministre qui ne fait partie des personnalités consultées par BCE, se pose la question : « au fait, quel était le problème ou les problèmes à l’origine de la crise, car sans cette clarté sur l’origine des problèmes essentiels qui ont conduit à l’échec il est quasiment impossible de se fixer des objectifs clairs. »

Concernant le processus, il le juge « totalement approprié » où « chacun essaie de s’engager au minimum, donnant lieu à un semblant d’accord, motivé par l’appétit de certains pour le pouvoir, alors qu’il n’y a pas vraiment d’accord sur les questions fondamentales de gouvernement. »

Pour l’ex-gouverneur de la BCT « le grand risque est que ce processus ne débouche que sur une rotation de personnes, sans que rien ne change en termes de gouvernance et de capacité du gouvernement à traiter des questions difficiles. Les causes profondes de la crise n’étant pas résolues une nouvelle équipe, quelques soient ses capacités, affrontera les mêmes problèmes et est vouée à l’échec. »

« Ce que je trouve encore plus aberrant dans le processus actuel est qu’on prétend se mettre d’accord sur un « programme de gouvernement », ensuite adopter une configuration gouvernementale avec des pôles, et qu’il y a même des efforts pour choisir des membres du gouvernement, alors que le nouveau chef de gouvernement qui a la responsabilité de toutes ces tâches n’est pas connu. » écrit-il.

Selon lui « la démarche à suivre devrait être différente. A ce stade, ce qui est le plus crucial est de se mettre d’accord sur les méthodes et les processus qui sont à adopter et à mettre en œuvre pour fixer des objectifs clairs, faire les choix appropriés et les mettre en œuvre.

Il cite à titre d’exemple trois domaines qui nécessitent une telle clarification pour pouvoir avancer, mais il y en a beaucoup d’autres.

Le premier concerne les nominations dans les hauts postes de la fonction publique, comme les gouverneurs, PDG d’entreprises publiques, hauts cadres de l’Administration, délégués (qui) a été à l’origine de complications et de difficultés pour le gouvernement actuel. Comment faire en sorte que le nouveau gouvernement ne rencontre pas les mêmes difficultés et qu’il y ait un processus clair et des critères transparents pour faire de telles nominations.

Le deuxième problème est celui de la lutte contre la corruption, contre la contrebande et les circuits mafieux. Cela met en cause des intérêts énormes, dont certains sont influents au sein des sphères du pouvoir. Le dialogue national doit donner les bases d’une action concertée et déterminée en la matière ».

Quant au troisième problème, celui des finances publiques qui sont sous une pression énorme, il se pose la question : comment faire les choix difficiles en termes de dépenses, de recettes et d’endettement. Ce sont des questions difficiles, qui nécessitent une clarification de la manière dont ces choix doivent être faits pour recueillir le soutien des différents partis et organisations sociales. Cela n’a pas été le cas, et le Document de Carthage se limite à des actions ou plutôt des orientations générales en termes de fiscalité, qui sont insuffisantes ! Pour l’ancien chef de l’Institut d’émission, « la question des finances publiques est la plus urgente, la plus grave et la plus préoccupante.

La situation est très sérieuse et le présent gouvernement a manqué de perspicacité et de courage en manquant de donner un vrai état des lieux et des risques. On a l’impression qu’il a fait la politique de l’autruche ! » « Une priorité des priorités du processus lancé pour former un nouveau gouvernement est de nommer un groupe d’experts indépendants pour faire cet état des lieux, un diagnostic sérieux clair et sans complaisance sur la situation des finances publiques. Aucun nouveau gouvernement de peut faire de programme ou s’engager sur des réalisations sans un tel état des lieux, des risques et des enjeux.

A cet égard, MKN réclame, la mise en place urgente et sans délai d’un tel comité, que certains ont appelé « Blue Ribbon panel » pour réaliser cette tâche dans un délai limité de un mois ou deux au maximum. Pour lui, l’initiative du gouvernement d’union nationale est peut-être une dernière chance pour le pays. La manière dont elle a évolué n’est pas encourageante. Nous sommes loin de l’électrochoc dont le pays a besoin pour réveiller l’enthousiasme et relancer l’espoir. Nous devons éviter de continuer dans l’engrenage infernal dans lequel le pays d’est engagé où prédomine la défense coûte que coûte des intérêts partisans, de groupes sociaux particuliers, ou des groupes mafieux. Dans cette dynamique, tout le monde sera perdant, surtout le Tunisien moyen et le jeune qui a tant espéré de la Révolution.

« Un nouveau cadrage de cette initiative est nécessaire d’urgence pour éviter le pire et ouvrir les portes de l’espoir. A défaut de ce recadrage, l’échec du nouveau gouvernement serait inévitable ». Il conclut sa tribune, en soulignant que « les conséquences d’un tel échec sont graves.

Si le recadrage de l’initiative ne se fait pas de manière à lui assurer les meilleures chances de succès, des élections anticipées pourraient s’imposer à nous. Mais il faut bien réaliser les dangers d’une telle solution dans le paysage politique actuel caractérisé par la domination d’un parti. Ceci sans parler des retombées économiques d’une aggravation de l’instabilité et des incertitudes politiques. »

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