Netafim, l’ennemi envahit nos champs

Netafim, l’ennemi envahit nos champs

Le géant israélien de l'agriculture Netafim a envahi le marché tunisien. Il a des représentants officiels en Tunisie qui commercialisent ses produits en toute impunité (voir rapport ci-dessous). Parmi ses produits, on trouve NetBeat, une plate-forme de gestion intelligente de l’irrigation qui permet aux agriculteurs de surveiller, d’analyser et de contrôler les systèmes d’irrigation à distance. Le « cerveau » du système a été développé par mPrest Systems, un fournisseur mondial basé en Israël de logiciels de surveillance, de contrôle et d’analyse de mégadonnées (Big data), qui a aussi développé le logiciel de commande et de contrôle du système de défense antimissile israélien, Dôme de Fer (Iron Dome) déployé le long de la bande de Gaza assiégée.

Si les dirigeants politiques tunisiens veulent manifester pour une fois un réel soutien à la cause palestinienne, au-delà du discours creux qu'on entend depuis des décennies, ils doivent interdire Netafim et son partenaire Amiad en Tunisie. C'est un devoir et une obligation morale, surtout en ce moment où nous suivons impuissants les massacres d’Israël à Gaza et ses atrocités, dépossession et nettoyage ethnique à Jérusalem.

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Netafim, l’ennemi envahit nos champs

Fondé sur le kibboutz israélien de Hatzerim en 1965, Netafim est le leader mondial des systèmes d’irrigation par goutte-à-goutte, une technologie dont elle fut pionnière. Selon son site Web, la société emploie 5000 personnes et fournit des équipements et des services à des clients dans plus de 110 pays, dont le Maroc et la Tunisie. Cette entreprise représente aujourd’hui le premier investissement étranger déclaré d’Israël dans le monde arabe. En 2017, Netafim a créé une filiale au Maroc pour 2,9 millions de dollars créant ainsi dix-sept emplois, selon fDi Markets, un service de données du Financial Times qui surveille les investissements de création transfrontaliers[1] dans le monde entier depuis 2003.

Lors de la célébration du 70ème anniversaire de la création d’Israël[2] en 2018 au siège des Nations Unies à New York, Netafim a été présentée comme un fleuron de la technologie israélienne. Cette entreprise a toujours été un fer de lance technologique de la lame de fond nationaliste qui caractérise la société israélienne et l’un de ses principaux ambassadeurs dans le monde. Elle est devenue ces dernières années un des principaux vecteurs de normalisation des relations d’Israël avec le monde arabe.

Le kibboutz Hatzerim, aux origines de Netafim

Selon son site web, le kibboutz Hatzerim a été créé en octobre 1946 par un groupe de scouts (Tzofim Gimel) et de jeunes immigrés d’Iran, dans le désert d’an-Naqab, à côté de la ville palestinienne de Bi’r as-Sab. Les jeunes colons ont tous reçu une formation agricole et militaire par la milice sioniste de la Haganah pour servir dans sa division Palmach. De nos jours, Hatzerim abrite une base aérienne ainsi que l’Académie et le musée de l’armée de l’air israélienne.

Les kibboutz israéliens Hatzerim, Magal et Yiftach étaient les seuls propriétaires de Netafim jusqu’en 2006 quand ils ont commencé à la vendre partiellement. En février 2018, les propriétaires ont vendu 80 % de leurs actions à Mexichem, un groupe mexicain de produits pétrochimiques rebaptisé Orbia depuis septembre 2019, pour 1,5 milliard de dollars. Le kibboutz Hatzerim en conserve 20 %. L’accord stipule que le siège de Netafim, le centre d’activité, les usines de production existantes et les activités de recherche et de développement restent en Israël pendant une période d’au moins 20 ans. Cette vente massive d’actions s’inscrit dans une stratégie adoptée par de nombreuses entreprises israéliennes depuis une dizaine d’années suite aux campagnes ciblées du mouvement boycott, désinvestissement et sanctions (BDS). Elle consiste à vendre la majorité de leurs actions à des groupes et des fonds étrangers, tout en conservant une partie du capital et en exigeant le maintien des unités de production et des activités de recherche et de développement en Israël. Elle vise à garder le contrôle d’un groupe, son savoir-faire et ses brevets, tout en se protégeant du boycott sous le parapluie d’une multinationale.

Netafim et le complexe militaro-industriel israélien

Comme de nombreuses entreprises israéliennes, Netafim maintient depuis sa création des relations étroites avec l’armée et le complexe militaro-industriel israéliens. Son PDG et président, Ran Maidan, était auparavant le PDG d’une société de défense, Elisra Defence Group, qui produit « des systèmes d’auto-protection aéroportés de nouvelle génération, y compris un système d’alarme anti-missile IR passif pour une variété d’avions tels que des hélicoptères, des chasseurs, des avions de transport et commerciaux, ainsi que des solutions C3IRST, des systèmes de recherche et de sauvetage de pointe et bien plus encore. »

En 2018, Netafim a lancé NetBeat, une plate-forme de gestion intelligente de l’irrigation qui permet aux agriculteurs de surveiller, d’analyser et de contrôler les systèmes d’irrigation à distance sur une plate-forme en boucle fermée, générant des stratégies d’irrigation quotidiennes personnalisées et fournissant des données en temps réel. Elle est commercialisée comme étant « le premier système d’irrigation avec un cerveau ». Le « cerveau » du système a été développé par mPrest Systems, un fournisseur mondial basé en Israël de logiciels de surveillance, de contrôle et d’analyse de mégadonnées (Big data). mPrest Systems, une filiale en propriété partielle (40%) de la société militaire israélienne Rafael Advanced Defense Systems, a développé le logiciel de commande et de contrôle du système de défense antimissile israélien, Dôme de Fer (Iron Dome), souvent appelé le « cerveau » du Dôme de Fer. Dôme de Fer est un système de défense antimissile à courte portée développé par Rafael en collaboration avec Elta et mPrest, déployé le long de la bande de Gaza assiégée et dans le Golan syrien occupé. Le logiciel de commande et de contrôle du Dôme de Fer est le produit phare de mPrest et la source d’une grande partie de son succès commercial selon sa brochure publicitaire[3] :

« Nous avons gagné nos marques sur le marché de la défense très exigeant, après avoir développé certaines des applications de commande et de contrôle les plus avancées et sophistiquées de l’industrie, y compris le logiciel derrière le système de défense antimissile Dôme de Fer de renommée mondiale. Nous nous sommes vite rendu compte que cette technologie éprouvée était exactement ce dont les marchés IIoT [Internet industriel des objets] avaient besoin pour la transformation numérique. Au cours de la dernière décennie, nous nous sommes concentrés sur la transformation de ces capacités IIoT de défense intelligentes et en temps réel en applications commerciales. »

NetBeat est l’une de ces applications commerciales.

Amiad, le partenaire de Netafim pour les filtres à eau

L’entreprise israélienne Amiad Water Systems est un leader mondial des solutions de traitement et de filtration de l’eau. Elle est liée à Netafim par un accord de distribution mondial qui octroie à Netafim les droits de distribution exclusifs des produits de filtration à disque d’Amiad sur le marché de l’irrigation dans le monde.

Amiad a été fondé sur le kibboutz Amiad (« ma nation pour toujours » en hébreu). Celui-ci a été construit en 1946 sur les ruines du village bédouin palestinien de Jubb Yosef par 30 jeunes immigrés, vétérans la milice Palmach et appartenant au mouvement sioniste Hanoar Haoved.

Amiad a été contrôlé par le kibboutz Amiad jusqu’en 2019, quand le plus grand fonds spéculatif d’Israël, FIMI Opportunity Funds, a pris son contrôle.

Netafim et la norme  « ISO 9261 »

Netafim se targue de détenir la meilleure certification de la qualité de ses produits. Il explique dans un document qui vise à clarifier les normes ISO en irrigation goutte à goutte que « la norme ISO 9261 comportait deux catégories A et B et qu’une seule entreprise dans le monde produisait des goutteurs qui répondaient aux exigences de la catégorie A, à savoir Netafim. Sous la pression des autres fabricants qui espéraient faire profiter leurs produits en supprimant ces exigences difficiles, le comité ISO a décidé en 2004 de fusionner les deux catégories en une catégorie intermédiaire. Certains concurrents de Netafim détiennent le nouveau certificat ISO 9261 pour certains de leurs produits, mais aucun ne la détient pour tous ses émetteurs ». 

Netafim en Tunisie

L’agriculture a été au cœur de la normalisation tunisienne avec Israël dès les premiers contacts secrets entre les émissaires du président Habib Bourguiba et les Israéliens. Le représentant du Congrès juif mondial, A. Easterman, a dit à Bourguiba Jr. en 1966 qu’Israël était universellement connu pour développer des industries agricoles modernes et avait transmis son expérience et ses techniques à un certain nombre de nouveaux États africains. Le gouvernement israélien, a-t-il dit, était « très disposé et prêt à les mettre au service de la Tunisie. » L’avance technologique israélienne sur le monde arabe dans le domaine agricole s’est amplifiée au cours des cinquante dernières années. Parmi les entreprises israéliennes les plus importantes, il y a Netafim et Amiad dans le domaine de l’irrigation et Zeraïm et Hazera qui commercialisent des semences. Nous focalisons dans ce rapport sur l’irrigation. Nous consacrerons un second rapport aux semences.

Un rapport du Ministère tunisien de l’Agriculture, des Ressources Hydrauliques et de la Pêche de novembre 2015, intitulé « Étude d’impact (évaluation) du programme national d’économie d’eau en irrigation », indique « qu’un peu plus de la moitié des fournisseurs [nationaux] ont recours à des importations directes des équipements d’économie d’eau et passent par un transitaire » et que « les conduites sont de fabrication locale, tandis que les moteurs et accessoires sont de provenance étrangère (Espagne, France, Italie, Inde, USA) pour des raisons de fiabilité et de qualité ». Une part importante de ces importations provient de groupes israéliens dont les usines sont implantées dans de nombreux pays.

Des gaines Netafim à goutteurs intégrés en provenance d’Espagne sont disponibles en Tunisie. Ces marchandises sont entrées en Tunisie avec un certificat de circulation « Eur1 » et ont donc bénéficié de droits de douane réduits (voire nuls). Les filtres à eau Amiad pour les systèmes d’irrigation goutte-à-goutte, commercialisés sous les noms Amiad ou Arkal ou  Filtomat, sont aussi disponibles sur le marché tunisien.....

Les systèmes d’irrigation à goutteurs intégrés fabriqués en Tunisie peuvent comporter dans composants d’origine israélienne, particulièrement les goutteurs pour lesquels Netafim dispose d’une avance technologique incontestable....

 Netafim favorise la monoculture et menace la biodiversité tunisienne

La technologie d’irrigation goutte-à-goutte favorise le mode de production en monoculture qui engendre des effets collatéraux néfastes sur l’environnement, menace la biodiversité et induit des risques économiques et sociaux, comme l’a expliqué le Groupe de Travail sur la Souveraineté Alimentaire (GTSA) en Tunisie, dans un excellent rapport récent.

L’État tunisien a mis en place dès les années 1970 une politique de collecte et d’économie de l’eau, notamment dans le secteur agricole (qui consomme environ 82% des ressources hydriques). Il a en particulier encouragé et promu la technologie d’irrigation goutte-à-goutte par l’exonération fiscale des équipements et l’accès au financement et à des subventions allant jusqu’à 60% du coût de l’installation. Ces mécanismes ont encouragé les capitaux à s’introduire dans le secteur agricole. Les petits et moyens agriculteurs ont quant à eux difficilement accès à ces subventions pour plusieurs raisons, en particulier la complexité de leurs situations foncières (absence de titre de propriété, morcellement des parcelles) et le surendettement. De plus, la majorité des forages réalisés par les paysans sont illégaux, ce qui constitue un obstacle à l’accès aux subventions de l’État. En revanche, les investisseurs en agriculture et les grands propriétaires parviennent à arracher les autorisations de forage et à profiter de tous les avantages qui s’ensuivent. Ces mécanismes d’encouragement ont contribué à augmenter massivement la surface irriguée, qui est passée d’environ 60.000 ha dans les années 1960 à 450.000 ha en 2010, ce qui favorise le mode de production en monoculture.

Traditionnellement, les paysans tunisiens utilisent des systèmes ingénieux très économes en eau, parmi lesquels la culture étagée des oasis du sud tunisien. Le mode de production en monoculture, rendu possible et favorisé par le système d’irrigation goutte-à-goutte, a détruit ce savoir-faire. Il s’est appliqué d’abord aux vignes, aux oranges maltaises et aux dattes Deglet Nour, avant de se propager aux oliveraies. Traditionnellement exploitées en mode pluvial, les variétés locales sont remplacées par des variétés étrangères avides d’eau. L’extension des monocultures d’oliviers atteint aujourd’hui des régions historiquement consacrées aux grandes cultures, aggravant ainsi le déficit national en production céréalière. Avec l’engagement dans la monoculture de l’orange maltaise de Tunisie, les petits et moyens paysans du Cap Bon ont été contraints de changer leur mode de production pour alimenter les exportateurs en produits concurrentiels sur le marché européen. L’ensemble des ressources a été consacré à cette variété et la diversité qui caractérisait l’agriculture locale a disparu, rendant les paysans dépendants du marché international. Le retour à un mode de production plus diversifié est très difficile, comme en témoigne cet agriculteur de Béni Khalled : « À cause du goutte-à-goutte, les racines de l’arbre ne s’approfondissent plus dans le sol, elles remontent vers la surface à la recherche de l’eau. Ceci modifie considérablement la morphologie de l’arbre et affecte le sol qui se compacte et s’appauvrit. De plus, avec l’installation du goutte-à-goutte, nous ne pouvons plus labourer sous les arbres. Nous ne plantons plus rien et nous n’aérons plus le sol ». Par ailleurs, le mode d’irrigation localisée implique un usage excessif d’intrants chimiques tels que les pesticides, les fongicides ou les engrais, dans la mesure où ceux-ci sont aujourd’hui injectés directement dans l’eau d’irrigation. Avec le lessivage des sols, ces produits nocifs s’acheminent vers les nappes phréatiques et polluent les sols et les eaux. L’alternance d’épisodes de sécheresse et d’inondations annoncée en prévision du changement climatique accentuera les phénomènes d’érosion et de lessivage des sols, si l’infrastructure et les pratiques agricoles ne changent pas.

Les leaders mondiaux de l’irrigation goutte à goutte

Un autre fabricant mondial de systèmes d’irrigation goutte-à-goutte estRivulis Irrigation (anciennement John Deere Water) bien connu pour sa gaine agricole « T-Tape ». La société a été rachetée par le fonds d’investissement israélien FIMI Opportunity Funds en 2014. C’est la deuxième société contrôlée par la FIMI. Ses produits d’irrigation sont vendus dans 15 pays. En 2017, Rivulis a fusionné avec la société grecque Eurodrip « créant un leader mondial de la micro-irrigation… La société issue de la fusion aura son siège à Gvat, Israël et s’appellera Rivulis Irrigation ». FIMI conserve environ 60% des parts de Rivulis Irrigation. FIMI possède ou contrôle également une multitude d’entreprises étroitement liées à l’oppression des Palestiniens telles que la société pénitentiaire G1 et Gilat Satellite Systems.

Le kibboutz Na’an a été créé en 1946 dans le centre de la Palestine. Il a commencé à produire une gamme d’équipements d’irrigation, en commençant par des gicleurs, puis en ajoutant des systèmes d’irrigation goutte-à-goutte et de micro-irrigation. En 1970, Na’an a fusionné avec une société spécialisée dans les petits arroseurs opérant à partir du kibboutz Dan dans le nord de la Galilée. Plus tard, il a acheté l’usine de Dan pour créer NaanDan. La société a fonctionné de manière indépendante pendant plus de trente ans jusqu’à ce qu’elle soit vendue en deux phases à Jain Irrigation, la plus grande société d’irrigation de l’Inde, pour 60 millions de dollars: 50% en 2007 et les actions restantes en 2012. Bien que Jain emploie quelque 10 000 employés dans des installations dans le monde entier, l’accord de vente prévoyait que la production à l’usine de Na’an continuerait sans changement. Finalement, un PDG indien a été transféré en Israël en 2015 pour superviser les opérations israéliennes. Mais fidèle à sa promesse, Jain a investi massivement dans l’expansion de la capacité de fabrication israélienne de NaanDan Jain. Avner Hermoni, ancien officier du bataillon de parachutistes israélien, était directeur général de NaanDan lors de sa vente à Jain et a ensuite occupé le poste de PDG de la nouvelle société NaanDan Jain pendant sept ans.

Pour plus d’informations sur les entreprises d’irrigation israéliennes, on peut consulter le rapport « L’innovation agricole israélienne: évaluer le potentiel pour aider les petits exploitants »

Rain Bird Corporation est un grand fabricant et fournisseur international privé de produits et services d’irrigation. La société a son siège social à Azusa, en Californie, avec des bureaux et des installations de fabrication à Tucson, en Arizona; Steele, Alabama; Mexique; France; et la Chine. Rain

Bird vend ses produits et services dans plus de 130 pays.

La Campagne Tunisienne pour le Boycott Académique et Culturel d’Israël (TACBI)

La campagne tunisienne pour le boycott et contre la normalisation avec l’entité sioniste

Groupe de Travail sur la Souveraineté Alimentaire (GTSA)

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