Petit pays, grande nation

  Petit pays, grande nation

C'est ce que j'ai toujours pensé de mon pays jusqu'à ce que je sois sonné par la désillusion. Interloqué, je me pose tous les jours les mêmes questions :
Est-ce un peuple ? Est-ce un pays ? C'est tout ce que nous sommes ? C'est tout ce dont nous sommes capables ? Est-ce tout ce qu'on mérite ? C'est quoi cette malédiction ?
Depuis l'avènement du coup de poigne du 25 juillet, est montée au créneau une élite tunisienne de peluches.
Débarrassée de la suprématie d'Ennahdha sur la vie politique, l'élite tunisienne supposée être progressiste, républicaine et moderniste, crie victoire comme si c'est elle qui est l'auteure de "la délivrance" alors que pas plus tard que le 24 juillet, elle qualifiait Kais Saied de piètre politicien et islamiste déguisé et trouvait en lui tous les maux et défauts du monde! D'ailleurs, il n'était pas son favori aux dernières présidentielles et c'est entre autres par ses voix que l'autre candidat a récolté quelques points !

Cette élite, du reste minoritaire, est celle qui s'est insurgée contre l'islamisme, l'intégrisme, le panarabisme... et se réclame entre autres bourguibiste, francophone, anglophone et/ou pro-occidentale. Certaines de ses composantes vont jusqu'à approuver la normalisation avec l'État sioniste. Et pourquoi pas dira-t-on, puisque désormais c'est un fait et que nous avons tout à y gagner et rien à perdre... sauf les ceintures de leurs pantalons, les bretelles et peut-être leur dignité !
Ces soi-disant démocrates parlent de démocratie et défendent la liberté d'expression tant qu'ils y ont quelque chose à gagner, sinon ils deviennent nostalgiques des dictatures déchues.
La dernière, ils se sont mis à glorifier l'acte libérateur du Chef de l'État, de le vénérer et de trouver en lui toutes les qualités. Ils ont même cautionné son recours à l'armée pour vider l'ARP des représentants du peuple et le siège du gouvernement de ses locataires et squatter les lieux.
De prime abord, un démocrate normalement constitué ne peut justifier le siège d'une assemblée symbolique de la souveraineté du peuple ni le recours aux forces armées pour atteindre des objectifs politiques. Ensuite, on ne peut condamner la condamnation à mort et la souhaiter à celles et ceux dont la présence - voire l'existence - dérange et qu'on ne tolère point mais qu'on n'arrive pas à déloger du pouvoir démocratiquement ! Cette même élite justifie les crimes de la République. Ainsi, elle trouve des raisons pour passer outre ce qui a ensanglanté l'Histoire de notre patrie. Faut-il rappeler que depuis l'aube de l'indépendance, les opposants au régime du "Président à vie" ont été soit assassinés, soit torturés, soit exilés, soit marginalisés et martyrisés sans être jugés ou avoir bénéficié de vrais jugements. Tout en étant soi-disant désolée, cette élite a trouvé une formule en guise de justificatif : "pour juger, il faut contextualiser" !
Par ailleurs, et pour faire "bon chic bon genre", cette même élite se réclame du genre de Gisèle Halimi. Or, notre défunte compatriote militante a fait du combat contre la torture le combat de sa vie, alors que l'élite en question n'est aucunement dérangée par les pratiques tortionnaires, souvent arbitraires, des régimes hégémoniques de Bourguiba et de Ben Ali. Bien au contraire, elle trouve les moyens de les "comprendre" ! Ces gens qui prétendent s'opposer à la condamnation à mort et la dénoncent, auraient aimé que les islamistes soient guillotinés comme l'avait programmé leur "combattant suprême". Est-ce à ce point qu'on peut tomber si bas dans l'abîme de l'hypocrisie, de la haine et de l’inhumain ?
Se contredire, justifier la torture, bannir la démocratie et lui préférer la dictature quand on n'arrive pas à gagner le pouvoir et ensuite prétendre faire partie d'une élite qui milite pour les libertés et la modernité. Quel culot ! S'opposer à une tendance politique ou aspirer à prendre le pouvoir pour un être réellement démocrate suppose être capable de parvenir à convaincre l'électorat. S'il n'y arrive pas, c'est qu'il n'a pas su y arriver ou qu'il en est incapable. Dans ce cas, ce n'est pas en se donnant le beau rôle et en cherchant la petite bête à autrui ou dans le déni qu'on va y parvenir.
Quant à l'élite de peluches qui meuble les plateaux TV et nous pompe l'air, il faut qu'elle réalise que si elle perd à tous les coups, c'est parce qu'elle n'est pas plus qu'une élite de salons de coiffure ou de thé ou de salles de réunions ou de bains chauds et que désormais, son temps est révolu. Non seulement plus personne ne s'intéresse à elle et ne l'écoute, mais elle ne s'en aperçoit même pas.

Pour la Tunisie, cette dernière décennie est à oublier, certes. La politique y est pour beaucoup et le peuple ignare et ignorant aussi. Maintenant, il faut savoir ce qu'on veut, définir les vraies priorités, dénicher les vrais patriotes, trouver les bonnes manières et stratégies pour optimiser nos moyens et parvenir à être une grande nation quand on est un petit pays. 

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