Petrofac : le bout du Tunnel à la dernière minute ?

 Petrofac : le bout du Tunnel à la dernière minute ?

Les prochaines heures seront décisives pour déterminer l’avenir de la société pétrolière de prospection et d'exploitation énergétique Petrofac, en Tunisie.

Bloquée depuis la mi-janvier 2016 par des protestataires qui ont envahi son usine à Kerkennah et fait stopper sa production, bien qu’ils n’ont rien à voir avec son activité, la société a remué ciel et terre pour trouver des solutions qui lui permettent de reprendre ses activités.

Surtout que les pertes sont énormes et dépassent les 200 mille dollars par jour, dont quelque 75% devaient revenir à l’Etat actionnaire à travers l’ETAP à raison de 51% et qui bénéficie, en plus, des impôts sur les ventes.

Néanmoins, toutes les tentatives pour débloquer la situation se sont avérées vaines et même l’engagement de l’ancien chef du gouvernement Habib Essid lorsqu’il a reçu le PDG de Petrofac International au mois d’avril dernier, de résoudre le problème en une semaine, n’a pas été tenu.

Ce qui a poussé le Conseil d’administration de la société, réuni le jeudi 8 septembre 2016 à Londres, de prendre la décision de fermer définitivement l’usine de Kerkennah le lundi 12 septembre, de quitter la Tunisie et d’entamer les poursuites judiciaires contre l’Etat tunisien qui n’a pas réussi à assurer la sécurité du site et à garantir son travail, tout en versant le dernier salaire du mois de septembre aux employés de la société en chômage technique depuis longtemps, suite à l’arrêt de la production.

Surpris par cette décision, qui risque de faire perdre à la Tunisie des sommes colossales, le gouvernement fraîchement intronisé de Youssef Chahed a vite réagi.

Après des concertations d’urgence, la nouvelle ministre de l’Energie, des Mines et des Energies renouvelables, Hela Cheikhrouhou est entrée personnellement en contact avec les Anglais leur demandant de reporter cette fermeture d’une semaine à dix jours.

C'est-à-dire jusqu’au mardi 20 septembre au maximum, le temps que le nouveau gouvernement se saisisse du dossier et trouve les solutions.

Entretemps des réunions ministérielles marathoniennes se sont succédé sous l’égide du chef du gouvernement.

La ministre de l’Energie, des Mines et des Energies renouvelables, Hela Cheikhrouhou, le ministre des Affaires sociales Mohamed Trabelsi, le ministre de l’Intérieur Hédi Mejdoub, le ministre de la Justice Gahzi Jeribi, le ministre de l’Equipement Mohamed Salah Arfaoui, le ministre chargé des Relations avec l’ARP, la société civile et les droits de l’Homme Iyad Dahmani, ont été tous impliqués pour débloquer la situation.

De nombreuses rencontres ont eu lieu avec les représentants des protestataires en présence du SG adjoint de l’UGTT, Abdelkarim Jerad et des représentants régionaux ou locaux de l’UGTT.

Malgré la difficulté des négociations, vu les délais, les risques qu’encourt l’Etat Tunisien et les doléances des protestataires qui veulent tout avoir, un compromis a été trouvé.

En effet, le gouvernement s’est engagé à la création d’une entreprise publique multifonctionnelle qui recrutera une cinquantaine de protestataires dont le niveau scolaire ne dépasse pas le baccalauréat.

Cette entreprise sera dotée d’un capital de 2,5 millions de dinars financé par l’ETAP et Petrofac.

Ces deux sociétés s’engagent, par ailleurs, à verser la somme de 1,5 million de dinars par an, au Conseil régional qui les utilisera dans des projets de développement pour l’ile de Kerkennah.

Le gouvernement s’est aussi engagé à recruter les protestataires diplômés, dans les établissements publics où ils opèrent et  à financer (via les sociétés pétrolières œuvrant dans la région) les protestataires désireux de créer leurs propres projets.

Néanmoins au moment ou le gouvernement a cru au dénouement heureux, un coup de théâtre a eu lieu samedi dernier lors de la cérémonie de signature de cet accord au siège de gouvernorat de Sfax.

D’un côté, l’UGTT a refusé de signer l’accord estimant qu’il n’est pas partie prenante dans cette affaire et, de l’autre, et c’est le plus important, les représentants des protestataires ne se sont même pas présentés à Sfax.

Contre toute attente, ils ont demandé que la délégation gouvernementale se déplace à Kerkennah et ont exigé que l’Etat abandonne, avant tout, toutes les poursuites contre les personnes impliquées dans les émeutes d’avril, qui ont agressé les forces armées et jeté les voitures de police à la mer !

Ce revirement de dernière minute a reporté le dénouement puisque la délégation ministérielle est rentrée hier de Sfax sans accord signé.

Quelques heures plus tard, c'est-à-dire dans la matinée de ce lundi 19 septembre, la ministre de l’Energie, des Mines et des Energies renouvelables s’est montrée pourtant rassurante en déclarant dans l’émission Expresso de Wassim Ben Larbi, diffusée sur les ondes de radio Express FM, qu’un compromis a été trouvé avec 95% des protestants à l’approche de la date butoir de demain.

Et d’ajouter que le gouvernement a décidé d’abandonner les poursuites contre les personnes impliquées dans les émeutes d’avril, pour améliorer le climat social dans l’île.

Elle a promis qu’un accord sera trouvé dans la journée avec le reste des protestataires pour permettre à la société de reprendre ses activités.

Hela Cheikhrouhou a, cependant, déploré vivement les énormes pertes subies par l’Etat suite à cette affaire. Des pertes qui avoisinent les 200 millions de dinars.

Elle a, en outre, ajouté que la Tunisie a en plus dépensé plus que cette somme en devises, pour importer le gaz non produit par Petrofac (quelque 12% des besoins du pays) d’Algérie, afin d'assurer ses besoins pour la production de l’électricité.

La ministre a, d’un autre côté, refusé de s’étaler sur l’éventualité du départ de Petrofac, car cela aura un coût très lourd pour la Tunisie.

Il ne reste donc qu’à souhaiter que le langage de la raison l’emporte lors des toutes prochaines heures pour éviter au pays un départ aussi lourd de conséquences d’une société étrangère, au moment où on met tout en œuvre pour séduire les investisseurs étrangers et les inciter à venir développer des projets en Tunisie.

K.B.M

Votre commentaire