Pr Ali Chebbi: "L’augmentation de la rémunération du gouverneur de la BCT aurait dû être reportée"

Pr Ali Chebbi: "L’augmentation de la rémunération du gouverneur de la BCT aurait dû être reportée"
 
 
L’augmentation du salaire du gouverneur de la Banque Centrale a créé une polémique sans précédent. De nombreuses voix se sont élevées pour la dénoncer, particulièrement parmi certains experts dont Mustapha Kamel Nabli et Moez Joudi.
 
Pour comprendre les dessous de cette violente polémique et ses conséquences, nous avons interviewé le Pr Ali Chebbi, ex-membre du Conseil d’Administration de la BCT  et spécialiste des questions du développement et des politiques macro-économiques dans un environnement incertain. Entretien
 
 
Espacemanager : Dernièrement, il semble que la BCT aurait révise à la hausse le salaire de son gouverneur. Une décision qui a créé une grande polémique. Quelle est votre position à ce sujet?
 
Ali Chebbi : L'éventuelle hausse remarquable du salaire du Gouverneur ainsi que de son staff rapproché serait considérée par ceux qui l'auraient proposée, parfaitement réglementaire puisqu'un article dans le nouveau statut de la BCT, dernièrement adopté de justesse par l'ARP, stipule la totale autonomie de détermination du principe de rémunération...Outre le fait que l'indépendance prônée était mal conçue et à la limite injustifiée par rapport au texte de 2006, qui semble mieux fourni (sauf pour quelques détails).
 
Comment ?
 
Pour mieux comprendre je pense que les remarques suivantes s'imposent :
 
(1) Déjà, et à titre anecdotique, cette rémunération ne s'est pas faite sur un pourcentage des bénéfices de la BCT car le texte voté n'exclut pas cette possibilité !
(2) Aligner le salaire du gouverneur sur celui des PDG des banques publiques ou presque en aurait été la logique surtout que d'autres articles font exclure curieusement le statut de la BCT du cadre de la fonction publique.
 
A la limite, l'article correspondant à cette rémunération aurait pu être activé après le départ du gouverneur pour éviter toute équivoque et défaut de confiance à l'égard de l'institut d'émission et de la personne de l'actuel gouverneur; lui qui avait proposé dans la discrétion ce nouveau statut de la BCT, et au moment que l'augmentation salariale est pointée du doigt (à tord ou à raison) d'être le malheur de l'économie,
 
(3) Adopter cette rémunération pour converger vers les salaires internationaux aurait pu être précédé par d'autres réformes plus urgentes de modernisation et de convergence surtout concernant le mode de gouvernance puisque le conseil ne manque pas d'experts et d'universitaires, dont le rôle et le mode d'ignition renvoient à des problèmes de pratiques de gouvernance.
 
Notons que Janet Yellen a déjà annoncé au public son salaire (nettement inférieur au taux d'aujourd'hui) dès la première semaine et que les pv des réunions périodiques du conseil de la Fed sont publiés.
 
Quelques voix ont lié la manœuvre de la BCT au risque de compromettre son indépendance. Qu'en est-il selon vous?
 
J'ai suivi les publications récentes sur le problème, et je vois que nous n'avons plus besoin de leçons de morale ou d'éthique car nul n'a qualité de monopoliser la morale, autant que nous avons besoin d'analyses et de positions objectives.
 
Ceux qui prônent aujourd'hui la démission du conseil d'administration de la BCT comme solution à ce qu'ils considèrent " très grave", sont exactement ceux qui ont émis un avis favorable au nouveau statut de la BCT lors de sa discussion au sein de l'ARP.
 
Cette indépendance, faisant office de cheval de bataille, demeure un concept creux dont le type et le mode d'exercice n'ont été élucidés ni par l'ex-gouverneur ni par l'actuel.
 
Que faut-il faire alors ?
 
Je crois que le problème est celui des articles de loi constituant le statut lui-même de la BCT dont les justifications économiques et institutionnelles font défaut. Une stratégie de communication digne du prestigieux institut d'émission serait vivement recommandée. Je crois aussi que la revisite de ce statut, n'ayant malencontreusement pas fait objet de consensus ni de consultations savantes, et son amélioration est plus qu'urgent que d'autres propositions passionnées, voire inutiles.
 
Propos recueillis par B.M.
 
 

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