Quand Nietzsche fait le jeûne !?

Quand Nietzsche fait le jeûne !?

J’allais me faire avoir de nouveau. Réagir. Me précipiter à déconstruire, un à un,  les arguments de mes interlocuteurs, me battre pie-à-pied, faire feu de tout bois…..lorsque sa voix retentît soudain en moi : ne tire pas ta morale du ressentiment, laisse cela aux adeptes de la « réaction », laisse-leur  la haine de l’homme vigoureux, fort et aventurier.

Nietzsche m’a souvent sauvé de mes « postures ».  Il vient de me sauver de mes « impostures ». J’allais comme d’habitude laisser manger la laine sur le dos, disserter sur le ressentiment vis-à-vis de l’adhan, du jeûne……de tout ce qui pourrait tirer l’homme de sa torpeur, l’arracher à sa léthargie, l’éveiller aux aurores et aux crépuscules à la fois, le précipiter sur les chemins de l’aventure et de la perfection…..quand  le « généalogiste » de la morale, me retînt.

Il ne sert à rien de livrer des batailles d’arrière-garde,  contre « la haine sacerdotale », celle qui anime les ennemis de l’homme puissant, heureux, noble, m’avoua-t-il. Il ne sert à rien de défendre l’homme qu’ils interdisent, faute de ressources, de moyens, de vigueur.

Le philosophe allemand ne m’abandonne pas à mon triste sort. Il me prend par la main et me montre le chemin. A rebours. Le chemin de l’homme puissant. La morale du seigneur. Libre, robuste, joyeux. Loin de la vindicte des impuissants, des miséreux. Loin du culte de la pitié. Du ressentiment.

Que l’on ne s’y méprenne. Ce n’est pas l’origine aristocratique de la morale qui nous intéresse ici - ce sont des controverses dont nous ne pouvons nous permettre le luxe, encore moins l’indignation. Ce qui nous intéresse le plus chez notre célèbre casseur d’idoles, est ailleurs : la morale de l’homme puissant, aventurier, vigoureux, viril, serait une « triomphale affirmation d’elle-même ». Elle n’aurait pas besoin,  « pour prendre naissance, d’un monde opposé et extérieur ». Elle reposerait sur « soi-même ».

La morale de l’homme impuissant, prudent, soumis, faible, « oppose dès lors un «non » à ce qui ne fait pas partie d’elle-même, à ce qui est « différent » d’elle, à ce qui est son non-moi : et ce non est son acte créateur…ce point de vue nécessairement inspiré du monde extérieur- au lieu de reposer sur soi-même- appartient en propre au  ressentiment. Il lui faut pour parler physiologiquement, des stimulants extérieurs pour agir ; son action est foncièrement une réaction ».

La morale de l’homme puissant est une action, «  elle agit et croit spontanément, elle ne cherche son antipode que pour s’affirmer soi-même, avec encore plus de joie et de reconnaissance – son concept négatif « bas », « commun », « mauvais », n’est qu’un pâle contraste, né tardivement en comparaison de son concept fondamental, tout imprégné de vie et de passion……

Pas plus que le « bon », l’homme du ressentiment ne conçoit-il le « mauvais » par soi-même. Ni a posteriori. L’homme du ressentiment est obsédé par le « méchant » extérieur ! « Si l’on se représente « l’ennemi », tel que le conçoit l’homme du ressentiment, - on constatera que c’est là son exploit, sa création propre : il a conçu « l’ennemi méchant »,  le « malin », en tant que concept fondamental, et c’est à ce concept qu’il imagine une antithèse « le bon », qui n’est autre que – lui-même. »

Or, ce fameux méchant est pour Nietzsche « le bon de l’autre morale…..mais noirci, vu et pris à rebours par le regard venimeux du ressentiment ».

Nietzsche  à Tunis !

Laissons Nietzsche à ses griffes dans les haillons de la pudibonderie moderne. Revenons-en au « méchant » tunisien,  dont l’impuissant aurait-il besoin pour affirmer sa morale. Lorsque le jeûneur, lorsque le fidèle, lorsque l’homme de foi, vaquent moins à leurs obligations religieuses, qu’ils ne « réagissent » aux non jeûneurs, aux  impies, aux  apostats….ils choisissent le camp du ressentiment.

Lorsque les non-jeûneurs, les « libres penseurs », expriment moins une liberté de conscience, qu’un article de foi inébranlable, moins une conviction qu’une vengeance symbolique, lorsqu’ils revendiquent moins l’irréligion  qu’une profanation de la croyance, lorsqu’ils prétendent subir des persécutions, pendant qu’ils manifestent en toute sécurité, lorsqu’ils « réagissent » aux jeûneurs…..ils choisissent le camp du ressentiment.  

Les fumeux prétextes des juritocrates, l’insolent droit des minorités et l’accablant devoir de la majorité, ne font qu’inscrire le ressentiment et l’inquisition dans la durée. Installer une sacerdotale de la haine : « Le ressentiment de ces êtres, à qui la vraie réaction, celle de l’action, est interdite et qui ne trouvent de compensation que dans une vengeance imaginaire ».

La morale de l’homme puissant émane de soi-même. Les catégories du bon et du mauvais font sens à part-soi. Elle n’a d’ennemis que la contingence,  et sa vigueur suffit à son propre équilibre. La morale du ressentiment est une morale dépendante, incomplète, dont l’essence-même est « l’ennemi ». ET l’ennemi seul. Elle se conçoit purement et simplement contre lui, point pour et par soi-même.  Telle la « réaction » Mouch bessif, telle les incursions de Adel Elmi….dont l’ennemi est l’essence-même, et dont l’action consiste à s’imposer un manichéisme rédempteur, mais surtout dont le bonheur rejoint le malheur à travers une inquisition nouvelle : l’obsession d’ennemi !

 

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