Quatre ans après, qui protège les assassins de Chokri Belaïd ?

Quatre ans après, qui protège les assassins de Chokri Belaïd ?

 

« L'assassinat est la dernière ressource des lâches. » Edward Gibbon

L'assassinat politique est l'action de tuer une personnalité politique ciblée. Il s'agit d'un concept politique remontant à l'Antiquité. Cette façon de se débarrasser d'un adversaire politique se distingue de l'exécution par son caractère extrajudiciaire, illégal. Les assassinats politiques ont lieu souvent sur ordre, avec la complicité ou l’assentiment des autorités ou sous l’autorité d’une entité politique. Ils sont généralement mis dans la même catégorie que les exécutions extrajudiciaires et sont considérés comme une violation des droits humains.

Le 6 février 2013, premier assassinat d’un leader démocrate tunisien sur le sol tunisien

Le mercredi 6 février 2013, il y a quatre ans jour pour jour, Chokri Belaïd, avocat de 48 ans, militant de Gauche membre du Front populaire Tunisien et farouche critique des islamistes, avait été assassiné par balles devant chez lui, dans un quartier résidentiel de Tunis par un homme portant un vêtement de type burnous, le long manteau traditionnel en laine dotée d'une capuche.

Ce tribun à la voix rugueuse avait conservé l’accent prononcé des paysans du nord-ouest. C’était l’un des plus brillants et plus virulents adversaires d’Ennahdha. Il ne ratait jamais une occasion de dire ce qu’il pensait. Il était connu pour son langage vrai, pas politiquement correct, qui puisait dans son passé d’extrême gauche.

La veille encore de son assassinat, mardi 5 février 2103, il dénonçait sur un plateau de télévision « la stratégie méthodique d'explosion de violence à chaque crise au sein du Mouvement Ennahdha ». Quelques jours plus tôt, il avait également accusé « les Ligues de protection de la révolution » (LPR), maintes fois soupçonnées de violences, d'être à l'origine de plusieurs agressions contre les rassemblements organisés par des partis d'opposition.

Ce jour-là, on a assassiné un démocrate, un militant pour la liberté et la dignité de son peuple.  Cette révolution avait pris une sale tournure avec l'exécution des adversaires politiques et la naissance du terrorisme islamiste sur le sol tunisien.

Même sous le régime de Zine El Abdine Ben Ali, nous n'avons jamais connu des assassinats de responsables politiques. L'irréparable est franchi.

Les manifestants  font chuter le gouvernement de la Troïka  

La nouvelle de la mort de Belaïd a provoqué une vague de protestations et de violentes manifestations à travers le pays. Le matin même, plusieurs milliers de manifestants se sont réunis devant le ministère de l'Intérieur à Tunis.

« Le peuple veut la chute du régime! ». « Le peuple veut une révolution de nouveau », ont scandé les manifestants, entonnant plusieurs fois l'hymne national. Le jour de ses funérailles, des centaines de milliers de Tunisiens l’ont accompagné dans sa dernière demeure, au carré des Martyrs dans le cimetière « Al Jallaz ».

En signe de protestation après l'assassinat de Belaïd, quatre formations de l'opposition laïque -le Front populaire, Al-Massar (gauche), le Parti républicain et Nidaa Tounes (centre)- ont appelé à une grève générale pour les funérailles de Chokri Belaïd et ont suspendu leur participation à l'Assemblée nationale constituante avec le soutien du premier syndicat du pays l’Union Générale Tunisien des Travailleurs (UGTT).

Le meurtre de Chokri Belaïd a exacerbé une crise politique qui a culminé avec la démission du chef du gouvernement, l’ancien secrétaire général d’Ennahdha Hamadi Jebali. Un nouveau gouvernement formé par Ali Larayedh le Ministre de l’intérieur sortant a pris ses fonctions qui a duré du 13 mars 2013 au 29 janvier 2014. Suite à l’assassinat d’un autre leader de la gauche le député Mohamed Brahmi,  et sous la pression constante de la rue et de l’opposition, un dialogue national initié par quatre grandes organisations nationales, l’UGTT, l’UTICA, le Conseil de  l’ordre des avocats et la Ligue tunisienne des droits de l’homme, a abouti à la démission du gouvernement Larayedh et son remplacement par un gouvernement de technocrates présidé par Mehdi Jomaa. C’était le début d’un mouvement d’union de toutes les composantes de l’opposition qui aboutira à une nouvelle configuration de la scène politique nationale avec la victoire de Nidaa Tounes et de son président Béji Caid Essebsi aux élections législatives et présidentielle d’octobre et de novembre 2014. Défait, le mouvement Ennahdha devrait, désormais, se contenter de la deuxième place, après avoir perdu une vingtaine de sièges dans la nouvelle Assemblée.  

La question «  Qui a tué Chokri ? » reste toujours posée

On doit poser la bonne question pour connaître la vérité. L'homme ne progresse pas de l'erreur vers la vérité, mais de vérités en vérités, d'une vérité moindre à une vérité plus grande.

Quatre ans après, le dossier de ce premier assassinat politique, perpétré par des Tunisiens sur le sol tunisien, n’avance pas d’un iota malgré les promesses tenues à Basma Belaïd, veuve du défunt par le candidat aux présidentielles Beji Caïd Essebsi devenu depuis Président de la République. Les promesses n'engagent que ceux qui les croient, malheureusement.

Le flou persiste et les procès se succèdent et se ressemblent, sans apporter le moindre éclaircissement sur l’affaire. Il est vrai que l’on connaît, à peu près, l’identité des exécutants, mais celle des commanditaires, les vrais assassins, est encore loin d’être élucidée.

Demain par décision du gouvernement, on va remplacer le nom la place des droits de l'homme et deviendra la Place Chokri Belaïd. Ce n'est qu'une action symbolique qui ne change rien à la question toujours posée : Qui a tué Chokri Belaïd, cher Président?

La grande majorité des Tunisiens exigent la vérité, toute la vérité et rien que la vérité sur l'assassinat de Chokri Belaïd. Mr le Président Essebsi, il est temps que vos dires et vos faires vont ensemble pour que l’harmonie soit belle car le temps des promesses est fini.

Abdessatar Klai

 

 

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