Racisme et xénophobie en Tunisie: Quand les appels au meurtre de Subsahariens se banalisent !

Racisme et xénophobie en Tunisie: Quand les appels au meurtre de Subsahariens se banalisent !

Pourchassés, entassés dans les commissariats, traqués jusque dans leurs "tanières", stigmatisés, bannis des transports en commun par des chauffeurs indélicats, victimes de racisme par la population...les Subsahariens en situation irrégulière et résidant en Tunisie souffrent depuis quelque temps le martyre. C'est une véritable chasse "à la peau noire" qui s'organise et s'intensifie de jour en jour.

De Tunis à Sfax, en passant par Sousse, Monastir et autres grandes villes du pays, les forces de sécurité ont multiplié les campagnes d'arrestations de ces sans papiers dans les quartiers, les arrêts de bus, les stations de métro, leurs lieux de travail. Et plus encore, certains sont même cueillis chez eux par la police et conduits manu militari au poste de police avant d'atterrir à Bouchoucha.

Comment tout cela a commencé. Tout est parti d'un fait divers. C'est une Ivoirienne poignardée à mort chez elle par des Guinéens qui a mis le feu aux poudres. Rapidement la police arrête les meurtriers, mais ne s'arrête pas là.Ainsi commence la chasse aux Noirs subsahariens ! Une amalgame nourrie de relents racistes s'empare aussitôt des forces de l'ordre qui se mettent à arrêter les passants au "faciès" avec un contrôle systématique de papiers.

Sur les réseaux sociaux, des campagnes de stigmatisation et d'incitation à la haine du Subsaharien se multiplient.Des appels au meurtre, au lynchage passent comme lettre à la poste.C'est désormais un racisme de plus en plus décomplexé vis-à-vis des migrants subsahariens qui prend forme. Difficile même dans certaines circonstances de dissocier le racisme et la xénophobie chez certaines populations. 

Certains Tunisiens simples d'esprit ne se gênent plus à penser que si le sucre, le lait et autres denrées de première nécessité manquent, c'est à cause des migrants qui viennent manger leur pain.Le plus inquiétant, c'est quand des internautes font carrément des appels au meurtre de Noirs dans l'impunité la totale totale. Tel ce commentaire d'un citoyen tunisien s'adressant à un Subsaharien dans un forum de discussions: 

(Traduction:Vous rentrerez dans votre pays à vos frais ou nous vous ferons ce que les Hutus ont fait aux Tutsis)

D'autres versent carrément dans la stigmatisation et pensent que la violence et la criminalité ont augmenté avec l'arrivée des Subsahariens. Ce qui est une contre-vérité énorme, car les Subsahariens, en général dociles et doux comme des agneaux, sont au contraire des cibles, des victimes des jeunes Tunisiens qui les agressent, les cambriolent et les assassinent. Combien de Subsahariens ont été tués en Tunisie sans que cela ne fasse du bruit. Maintenant que le meurtre est commis par des Subsahariens, bonjour les dégâts, bonjour l'agitation des vieux clichés, bonjour le racisme primaire enfoui dans le subconscient...

Le plus malheureux est l'inertie des institutions de l’État à traquer les discours racistes et nauséabonds. Et pire encore quand le discours officiel qui promouvait naguère le respect des droits des immigrés se mêle désormais à la danse et véhicule les faux clichés.

Les Subsahariens, la source de tous les maux ?

Au cours d'une réunion, ce mardi, du conseil de sécurité nationale sur la question migratoire, le président Kaïs Saied n'est pas allé avec le dos de la cuillère. Dans un discours très musclé, il a évoqué des "hordes de migrants clandestins en provenance d'Afrique subsaharienne"dont la présence est source de violence, de crimes et d'actes inacceptables".

Pour mettre rapidement fin à cette situation, Saied a prôné des "mesures urgentes". Le plus étonnant, c'est que les autorités ont repris des arguments de charretiers pour expliquer ces vagues d'immigration.

"Le but caché derrière ces vagues successives de migration irrégulière est de faire de la Tunisie un pays africain, sans aucune affiliation aux nations arabes et islamiques", lance-t-il avant d'appeler les autorités à agir "à tous les niveaux, diplomatiques, sécuritaires et militaires" pour faire face à cette immigration et à "une application stricte de la loi sur le statut des étrangers en Tunisie et sur le franchissement illégal des frontières".

Certaines organisations des droits de l'homme, qui étaient montées au créneau pour dénoncer ce traitement inhumain réservé aux Subsahariens, accusent l'État tunisien de faire la sourde oreille sur la montée du discours haineux et raciste sur les réseaux sociaux et dans certains médias. Même des partis politiques aux relents bassement xénophobes mènent de la propagande sur le terrain, avec le silence complice des autorités régionales.

Face à cette situation, certaines organisations attachées aux principes de la liberté et de la dignité humaine, à l'instar du Forum démocratique pour les droits économiques et sociaux (FTDES), n'hésitent pas à parler d'un "racisme d'Etat en marche" qui contraste avec cette Tunisie naguère chaleureuse, hospitalière et respectueuse de l'égalité entre les êtres humaines, quelles que soient leurs provenances.

A.B.M.

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