Rencontre Haftar : Mechrou3 Tounes et Hassouna Nasfi ont eu tout faux !

Rencontre Haftar :  Mechrou3 Tounes et Hassouna Nasfi ont  eu tout faux !

 

Hassouna Nasfi, député est le porte-parole de Machrou3 Tounés. Il faisait partie de la délégation ayant accompagné le secrétaire général de ce parti Mohsen Marzouk lors de sa rencontre avec le chef militaire libyen Khalifa Haftar dans son fief de Benghazi. Nasfi qui est l’auteur du communiqué ayant été rendu public suite à cette rencontre a défendu bec et ongles celle-ci, allant jusqu’à dire que ce faisant son parti donne la leçon aux autres formations politiques. La rencontre de Mohsen Marzouk avec Khalifa Haftar a fait polémique. Il eut été surprenant que cela ne fût pas le cas. Non seulement du fait que la présidence de la république s’ en était démarquée avec une inhabituelle promptitude mais parce que sur cette question Machrou3 Tounés et son porte-parole ont eu tout faux. On va le démontrer :

Primo : En conduisant une délégation dans une zone non sûre, Mohsen Marzouk s’est exposé lui-même et a exposé ses accompagnateurs à de graves dangers sans que les autorités officielles tunisiennes n’eurent été préalablement informées pour qu’elles aient été en mesure de prendre les précautions idoines. Que se serait-il arrivé si le chef d’un parti politique tunisien, le président de son groupe parlementaire et deux de ses dirigeants aient été kidnappés sur le chemin vers le QG de Haftar. Ont-ils mesuré les risques de cette aventure. Car bien qu’ils aient parlé de ce dernier avec révérence en le désignant comme le « commandant de l’armée libyenne », celui-ci est considéré dans la situation où se trouve l’Etat libyen comme un « chef de guerre » ou mieux un « chef de milice armée ». En s’exposant aux dangers, le chef du MPT montre une singulière et condamnable inconscience. S’il avait été kidnappé c’est l’Etat tunisien qui se serait trouvé dans de sales draps. C’est dans cette zone que les deux journalistes tunisiens, encore introuvables aient été vus pour la dernière fois, il y a plus de deux ans.

Secundo : En téléphonant au président de la république alors qu’il était sur le pas de la porte du bureau de Haftar, pour l’informer de la rencontre, Mohsen Marzouk fait preuve d’une singulière légèreté et surtout d’une volonté de mettre le chef de l’Etat devant le fait accompli. C’est une condamnable désinvolture de traiter ainsi avec la plus haute autorité de l’Etat. Certes le président de la république est une personne mais l’homme est à la tête d’une institution. Quand bien même, lui est informé que peut-il faire s’il n’a pas le temps d’analyser l’information et de donner son avis sur ses implications en prenant en compte les autres éléments qui pourraient lui offrir les éclairages indispensables à une vue d’ensemble. L’homme politique pour ne pas dire l’homme d’Etat ne traite pas de la sorte avec la plus haute autorité de son pays. La présidence de la république a eu raison de se sentir flouée pour ne pas dire roulée dans la farine selon l’expression consacrée.

Tertio : En ébruitant la rencontre avec une grande vitesse, Machrou3 Tounès voulait sans conteste en récolter les dividendes. Il a fait comme s’il s’agissait d’un trophée gagné dans une rude et implacable compétition. C’est là une erreur, pour ne pas dire une faute impardonnable. Dans le cas d’espère la discrétion aurait dû être de mise. Non seulement pour des raisons évidentes de sécurité mais parce s’agissant d’une question sensible, il aurait été plus judicieux d’attendre le retour à Tunis pour en faire état. Le mieux c’est de donner l’information après en avoir réservé la primeur au président de la république. Ce faisant on donnera l’impression que l’on n’a pas outrepassé les prérogatives du Chef de l’Etat et du ministère des affaires étrangères. Dans ce domaine il ne faut jamais être pressé. Bien au contraire, la prudence, la circonspection doivent être de rigueur. Un grand diplomate tunisien a dit « en matière de politique étrangère, il n’y a rien d’urgent. Tout juste des gens pressés. »

Quarto : En choisissant son camp dans le conflit interne libyen, car tel est le message que recèle la rencontre avec Haftar, selon Hassouna Nasfi, Machrou3 Tounès rend un mauvais, très mauvais service à la diplomatie tunisienne qui a toujours soutenu que notre pays se tenait à égale distance des différentes factions libyennes et qu’il ne prenait partie en faveur d’aucune parmi elles. C’est d’ailleurs de cette manière qu’elle peut entreprendre sa médiation pour un règlement libyen-libyen de la crise.

Quinto : En prenant le contre-pied du mouvement Ennahdha, puisqu’il fait le choix de rencontrer le chef déclaré des anti-islamistes, le parti de Mohsen Marzouk insère notre pays dans une confrontation qui n’est pas la notre et qui est porteuse de graves menaces à la cohésion nationale. Ainsi la politique étrangère qui est un élément essentiellement fédérateur se trouve ainsi exposée à une divergence majeure importée de l’extérieur. Le risque de « libanisation » est au bout de cette logique. Puisque chaque parti politique pourrait selon cette logique choisir son camp. Il devra alors allégeance non à la seule souveraineté nationale mais à des camps extérieurs qui se mueront d’alliés en protecteurs.

Sexto : Si Machrou3 Tounés se croit victime de double standard-puisque ce qu’on lui reproche, on le tolère pour d’autres notamment pour Ennahdha- se trompe là aussi. Puisque le président d’Ennahdha n’a pas fait de déplacement pour rencontrer des factions libyennes en Libye même. Il a informé bien à l’avance le président de la république de ses intentions et il ne l’a pas mis devant le fait accompli. Il a placé ses activités sur le dossier libyen dans le cadre de l’initiative du président de la république sur cette question et il ne s’en est pas écarté. De plus il a annoncé de façon publique que s’il sentait que ses activités gênaient la diplomatie officielle ou qu’on lui faisait comprendre qu’il faut arrêter, il obtempèrerait aussitôt. D’ailleurs suite aux observations faites après qu’un journal de la place eut titré : Ghannouchi représentant du président sur le dossier libyen ou les déclarations du président Béji Caïd Essebsi sur Nessma-live dimanche selon lesquelles seul le ministre des affaires étrangères est habilité à conduire la diplomatie tunisienne, le Chef d’Ennahdha s’est montré plus discret.

En tout cas à quelque chose malheur est bon. Cette polémique tout à fait légitime a permis de tracer les lignes au-delà desquelles les partis politiques ne doivent pas s’aventurer. S’ils ne veulent pas être pris en flagrant délit de marcher sur les platebandes de la politique étrangère, domaine réservé par excellence du président de la république. Un domaine qui bénéficie du plus large consensus de la Nation. Et qui doit le rester.

Raouf Ben Rejeb

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