Salah Ayari: "L’effet du coronavirus sera désastreux et les recettes fiscales chuteront de moitié"
L’impact du coronavirus sur l’économie tunisienne, l’ampleur des pertes qui seront subies par les entreprises tunisiennes et les mesures annoncées récemment par le chef du gouvernement pour soutenir les entreprises tunisiennes directement touchées...Tels sont les principaux points évoqués par l’universitaire et conseiller fiscal, Mohamed Salah AYARI, dans cette interview exclusive accordée à Espacemanager une interview exclusive.
Mohamed Salah AYARI: Quel sera l’effet de la pandémie du Coronavirus sur les entreprises tunisiennes ?
Espace Manager : Cette pandémie du Coronavirus va avoir un effet néfaste sur les entreprises économiques partout dans le monde et pas uniquement en Tunisie. Dans les pays développés qui ont une économie bien structurée, l’effet de la crise sera plus ou moins réduit alors que dans des pays comme la Tunisie dont le taux de croissance n’a pas dépassé 1% au titre de l’année 2019 et pour laquelle l’année 2020 s’avère un peu délicate et difficile, l’impact sera plus ou moins élevé. L’agriculture ne pourra pas avoir le même rendement que celui de l’année dernière donc la récolte doit être nettement inférieure à celle de 2019, la même chose pour le secteur touristique où la crise a frappé fort et les hôtels sont désertés.
Si cette épidémie ne va pas disparaitre d’ici fin mai 2020, elle va automatiquement avoir un effet désastreux sur toutes les activités économiques : tourisme, commerce, services, transport, artisanat, restauration d’autant plus que dans le secteur industriel, même si on a autorisé à certaines entreprises de continuer leurs activités, le nombre d’employés mobilisés reste très limité. Il y aura un blocage total.
Est-ce qu’on peut évaluer les pertes sur l’économie ?
Tout en se basant sur les recettes fiscales qui est un indice très important, car si celles-ci augmentent cela signifie qu’il y a une activité économique qui continue à exister et qui permettra aux entreprises de payer les impôts. Le volume des recettes fiscales que nous souhaitons atteindre au titre de l’année 2020 sera de l’ordre de 3,2 Milliards de dinars mais il semble qu’il est difficile à réaliser surtout avec la décision de reporter les échéances des déclarations fiscales à fin mai 2020 et ce, à l’exception des entreprises qui sont soumises au taux de 35% pour lesquelles on a exigé le dépôt de la déclaration annuelle au titre de l’année 2019, au plus tard le 25 mars 2020.
Selon le chef du gouvernement, on a consacré un montant très important de 2.5 milliard de dinars pour soutenir les citoyens, les familles nécessiteuses les petites entreprises qui vont rencontrer des difficultés. Mais avec cette tendance de reporter les échéances que ce soit au niveau des déclarations annuelles ou de la CNSS donc il va y avoir un manque à gagner au niveau des cotisations sociales et des recettes fiscales y compris les droits de douane.
A ce rythme-là, on ne va réaliser que la moitié des recettes fiscales soit 1,6 Milliards de dinars et le PIB va automatiquement suivre cette tendance à la baisse surtout que certains experts prévoient que cette pandémie va se poursuivre jusqu’à la fin de l’année.
Et si jamais cette pandémie va s’arrêter d’ici mai 2020, comment sera la situation ?
Si cette pandémie va finalement s’arrêter à fin mai 2020 ou encore fin juin, on peut dire qu’on va sauver une partie de la saison touristique et les tunisiens peuvent mettre les bouchées doubles. Pour récompenser et récupérer toutes ces pertes-là, il faut que les gens travaillent obligatoirement pendant l’été surtout durant les mois de juin et juillet et autoriser la séance unique uniquement durant le mois d’aout.
Une batterie de mesures a été récemment annoncée pour venir en aide aux entreprises, qu’est-ce que vous en pensez ? sont-t-elles vraiment suffisantes ?
A priori, ces mesures sont acceptables mais avec l’arrêt de l’activité économique, beaucoup d’entreprises vont avoir des difficultés énormes pour payer les salaires. La mesure annoncée est la suivante : Les entreprises qui vont être touchées par cette épidémie vont bénéficier d’un report de 7 ans de l’échéance de paiement des créances fiscales constatées chez les recettes des finances. Pour la TVA provenant des activités des entreprises touchées directement par l’épidémie, celles-ci peuvent également demander le crédit de TVA sans attendre le report de 6 déclarations consécutives.
Une commission va étudier les dossiers déposés par les entreprises qui se déclarent touchées par cette épidémie et la liste sera fixée par un décret gouvernemental, ce qui va nécessiter beaucoup de temps pour venir en aide aux entreprises touchées et la crise risque de durer plus longtemps.
Quelles sont vos propositions dans ce sens ?
Je propose de permettre à toutes ces entreprises de pouvoir bénéficier de certains assouplissements au niveau du remboursement du crédit du TVA, au niveau des créances constatées à l’exception des entreprises qui sont dans une situation de liquidité saine et qui leur permet de dépasser facilement cette crise qui sont généralement les entreprises soumises au taux de 35% à savoir les banques, les sociétés d’assurances, les sociétés d’investissement, les sociétés pétrolières, les grandes surfaces et les opérateurs de télécommunication…Etc
Propos recueillis par K.T.
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