Téléologie de la révolution tunisienne

Téléologie de la révolution tunisienne

Dans cet épilogue de la trilogie consacrée aux origines du masochisme tunisien, j’aborde la révolution tunisienne, dont on fête aujourd’hui le septième anniversaire.

Nous étions remontés dans les deux premières parties à la génération 56, puis à celle de 90. La première aurait mis fin à l’œuvre d’indépendance, la seconde, aurait grandi dans une forme de dépression des « origines » , survécut à la purge culturelle des soixante-huitards. Elle avait le choix entre dépression culturelle bis et autisme !

Valeurs de la révolution tunisienne : Justice, souveraineté, Alternance

Il fallait attendre le désespoir d’un homme, un homme seul, Mohamed Bouazizi, vendeur à l’étal, violemment congédié par une contractuelle municipale, pour que la société tunisienne redécouvre la vitalité et l’actualité des valeurs de l’indépendance, tour à tour reniées et refoulées ! Après un demi-siècle de louvoiement, de défection, de retraite et d’autoflagellation, jusqu’à l’os, aux quatre veines, à toute épreuve….

L’immolation par le feu de Mohamed Bouazizi, n’avait pas simplement fait vaciller la dictature, elle mit surtout terme au « bégaiement de l’histoire »,  à la procrastination, à la tergiversation générationnelle, au forfait culturel au nom de l’universel « inatteignable » et reposant?

En attestent les cris de ralliement, les slogans portés par les foules. Clairs, frontaux, presque « naturels » sans aucune composition tactique, encore moins idéologique : «  attachghil istihkak ya issabet assorak » ( Droit au travail, bande de brigands), « Achaab yourid » ( le peuple commande), «  dégage »….De là, de ces cris-là, des poitrines nues et transies des masses, seraient  issues :  Les trois valeurs fondamentales de la révolution tunisienne : Justice, souveraineté, Alternance.

Les deux premières étaient consubstantielles du mouvement national.  La justice guidait la lutte de Thaaalbi aux années 20, la souveraineté poursuivait la finalité du mouvement national tel que défini par  le Destour. L’Alternance, de cinquante ans leur cadette, est venue faire le lien, la jonction, la ligature générationnelle,  entre Justice et Souveraineté,  grâce à la délibération électorale. Le chaînon manquant de la démocratie représentative, dont l’absence rendait impossible tout projet d’intégration nationale, se fit enfin jour. La démocratie advînt dans le sang et les larmes de la quatrième génération de l’indépendance. La culture universelle des nouvelles élites battît à plate couture l’universalisme paresseux et prosaïque de l’ arrière-garde de 56 !   

Téléologie de la révolution tunisienne 

La révolution tunisienne procédait d’un système téléologique, elle «  Re-produisait »  l’indépendance plutôt qu’elle  ne «  consommait » l’universalité ! Elle arrivait, comme tous les cadeaux du ciel,  à point nommé. Inéluctable, fut-elle  nécessaire à parfaire le mouvement national, à reprendre le processus d’indépendance, après 50 ans de dévoiements, de défection, d’universalisme par défaut, d’universalisme défensif, d’universalisme d’excuse, de forfait et de forfaiture! La révolution du 17 décembre, reprît plutôt le 20 mars, que le 17 octobre ! Les valeurs du mouvement national plutôt que celles de la révolution française : Justice, souveraineté, Alternance,  plutôt que  Liberté, Egalité, Fraternité !

La révolution tunisienne arrachait d’un coup,  la société aux  sentiers battus du « rattrapage », le 17 décembre  s’imposa à la nation, prît la forme d’une  ressuscitation, une  réincarnation d’âmes de l’indépendance dans les corps déshérités du rattrapage, dans les corps transis de l’universalisme imposteur.

La révolution du 17 décembre « se forgea  d’emblée » un caractère culturel : il fallait retrouver le point  G de l’histoire, en revenant du point P de l’universalisme, d’ennui, de déception, de guerre lasse…….Fallait-il libérer la libération nationale, fallait-il une indépendance de l’indépendance !  Le 17 décembre historique préparait-il un 20 mars identitaire ?  

La révolution tunisienne referma les « parenthèses universalistes », qui n’étaient en réalité qu’une loucherie, un  « contre-mouvement national », une contre-révolution culturelle. Ni marée haute ni marée basse, le 17 décembre 2010 fut plutôt une mer étale, reprît l’indépendance, depuis l’indépendance, ramena l’histoire nationale à l’histoire de la nation, après un demi-siècle d’ubiquité historique, de filiation universelle, de descendance cosmique, de paternité «intenationale » ,  d’humanité métaphorique, après un demi-siècle de honte, de déni, de « dépression des origines » !

La téléologie de la révolution tunisienne tombait sous le sens de Lalande : «  elle tendait vers un but et intégrait les parties en un tout » : le but était l’indépendance totale et le tout :  le mouvement national continu….

Nos aînés cherchaient désespérément une alternative au panarabisme, au communisme, au libéralisme……Le 17 décembre ne louvoyait plus, le 17 décembre tranchait net: reprenons le mouvement national dans son idiome aborigène : Justice, Souveraineté, Alternance ! L’alternative ? Et l’alternative  était  encore une fois d’être soi-même, les solutions devaient suivre……………..

J.H.

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