Tunisie « black-listée » : Une image altérée, les responsables doivent être identifiés et sanctionnés

 Tunisie « black-listée » : Une image altérée, les responsables doivent être identifiés et sanctionnés

 

Des ministres et des ministres conseillers du Chef du gouvernement sont sur les plateaux radio et télévision pour nous expliquer et parfois tenter de justifier la décision de l’Union Européenne d’inclure la Tunisie dans la liste noire des paradis fiscaux.

Les uns disant que les Européens voulaient nous obliger à prendre des mesures qui n’étaient pas dans l’intérêt de la Tunisie. Les autres expliquant à qui veut bien les entendre que c’est une décision qui sera reconsidérée très vite et que de toute façon elle n’aurait aucun impact sur la capacité du pays à mobilier les emprunts extérieurs si indispensables pour équilibre le budget en ces temps de disette au niveau des finances publiques.

On veut bien les croire sauf qu’ils ne disent pas la vérité. Car ce qui est sûr c’est que ce genre de classement quand bien même il peut paraître injuste et complètement décalé est un véritable camouflet essuyé de plein fouet par la Tunisie post-révolution.

Personne ne peut contredire le fait qu’il s’agit d’un affront subi par notre pays, d’un acte d’humiliation, d’une atteinte à la fierté et à la dignité nationales.

D’aucuns comparent les effets de cette liste aux conséquences graves pour notre pays et son image des attentats terroristes perpétrés en 2015, au Musée du Bardo et dans un hôtel de Sousse. Ils ne sont pas loin de la vérité.

Mais avec cette nuance que les attentats ont été subis alors que l’inclusion sur cette liste noire est de notre fait, ou du moins le fruit de la négligence ou du laisser aller de nos gouvernants.

Car depuis des mois, les ministres des Finances de l'Union européenne ont mandaté des experts nationaux du groupe « code de conduite » pour passer en revue les régimes fiscaux de tous les pays partenaires parmi lesquels figure, bien évidemment, la Tunisie. Un questionnaire a même été envoyé aux autorités tunisiennes compétentes. Dans le collimateur, les incitations et les exonérations fiscales dédiées aux industries exportatrices.

Selon les informations parvenues de Bruxelles, les réponses tunisiennes ne sont arrivées qu’à la veille de la réunion du Conseil des ministres des finances du 5 décembre. Elles n’ont pas été examinées car jugées tardives.

Les marocains par contre ont été informés, une semaine avant la réunion précitée, qu’ils figuraient sur la liste noire des paradis fiscaux. Selon un journal marocain, « Mohammed Boussaid, ministre des Finances et Nasser Bourita, ministre des Affaires étrangères ont été « sur le pied de guerre au cours des cinq derniers jours (avant la réunion des ministres européens) pour sortir le Maroc de cette liste noire des paradis fiscaux »

« Nous nous sommes mobilisés et nous avons agi avec beaucoup de pression à la fois auprès des ministres, de la commission de l’UE et du conseil de l’UE pour exposer notre point de vue", indique une source marocaine à la revue Tout en insistant sur le fait que le « Maroc n'est pas un paradis fiscal et qu'il n'a pas de régime dérogatoire dommageable pour l’économie européenne », les deux ministres marocains ont « répondu favorablement à la demande de l'UE en donnant des gages consacrant la bonne volonté » de leur pays.

Si eux ont pu pourquoi ni notre ambassade à Bruxelles qui est notre délégation auprès de l’Union Européenne, ni nos ministères concernés n’ont pu rien entreprendre pour prévenir une décision si dommageable pour l’image de notre pays.

Bercés par les illusions que nous étions l’exception de la transition démocratique qui a réussi, nous nous croyions être devenus intouchables d’autant que les dirigeants européens, n’ont cessé de formuler des louanges à l’adresse de notre pays et de réitérer leur engagement à lui procurer un soutien total multiforme et constant. Le dernier en date a été le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker lors de sa rencontre à Abidjan avec le président Béji Caïd Essebsi en marge du 5ème sommet euro-africain.

Dans ce dossier on ne peut dissimuler qu’il y a eu dysfonctionnement grave. Il ne fait pas de doute que notre système fiscal a besoin d’être dépoussiéré, réformé et modernisé.

Mais mettre en avant des arguments de souveraineté nationale dans un monde globalisé surtout envers notre plus important partenaire étranger, c’est faire preuve de cécité et d’une ignorance grave des règles qui régissent nos relations avec la partie européenne.

Le fait est là têtu, notre pays a été « black-listé » par son premier partenaire économique et financier, au niveau des investissements étrangers ainsi qu’en ce qui a trait à l’endettement extérieur.

Des mesures doivent être prises pour assurer la transparence fiscale, renforcer la lutte contre l’évasion dans ce domaine et la mise en conformité de la législation fiscale aux standards internationaux. C’est à ce prix que nous serons sortis de cette liste.

Evidemment le dossier ne doit pas être pour autant clos. Il est indispensable que les responsables de ce dysfonctionnement soient identifiés et pourquoi pas sanctionnés.

Au moment où l’on met l’accent sur la diplomatie économique pour laquelle un secrétariat d’état a été créé, on doit tout faire pour que les impacts de ce classement soient minimisés.

L’image de la Tunisie s’en trouvant altérée, nous nous devons de tout faire pour réparer les dommages ainsi causés.

RBR

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