Tunisie-Etats Unis : Que cache l'accord de coopération militaire sur dix ans?
Le chef du Pentagone a signé mercredi, lors de sa première visite sur le continent africain, un accord de coopération militaire sur dix ans avec la Tunisie, saluant un rapprochement pour faire face à la dégradation de la sécurité en Libye. Le rôle des Etats-Unis auprès de l'armée tunisienne s'est développé ces dernières années, notamment dans les domaines de la formation et de l'équipement pour la lutte antiterroriste mais aussi dans le renforcement de la sécurité à la frontière avec la Libye voisine. "Nous nous réjouissons d'approfondir cette relation afin d'aider la Tunisie à protéger ses ports et ses frontières et à faire reculer le terrorisme", a déclaré M. Esper après avoir rencontré le président tunisien Kais Saied.
L'objectif est de faire face "aux extrémistes violents qui représentent une menace" mais aussi "à nos concurrents stratégiques la Chine et la Russie" au comportement "prédateur, mauvais et coercitif", a-t-il ajouté devant les tombes de soldats américains tombés en Afrique du Nord. La Tunisie, considérée depuis 2015 par Washington comme un allié "majeur" dans la région, a été un appui discret mais crucial dans le dossier libyen.
Depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011, la Libye est minée par les conflits, compliqués par l'ingérence de nombreux pays étrangers soutenant les factions rivales. Les Etats Unis, qui ont apporté un appui aérien à la coalition de l'OTAN ayant participé à faire tomber Kadhafi, sont depuis en retrait, se limitant essentiellement à des frappes contre des repaires jihadistes.
Craintes de la population
Signe des liens grandissants entre Tunis et Washington, les deux pays mènent régulièrement des exercices militaires communs. Depuis la chute de Zine el Abidine Ben Ali en 2011, les Etats-Unis ont investi un milliard de dollars dans l'armée tunisienne, selon la défense américaine. L'accord signé mercredi, une feuille de route dont le contenu n'a pas été détaillé, court sur dix ans afin d'établir une relation longue permettant d'assurer la formation et l'après-vente en cas de cession d'armement sophistiqué, indique-t-on dans l'entourage de M. Esper.
Face aux craintes de la population tunisienne, les autorités ont maintes fois démenti la présence de bases américaines en Tunisie. Mais la présence d'un escadron américain chargé d'opérer des drones au sein d'une base tunisienne à Bizerte avait été confirmée lors d'un procès en cour martiale en 2017 aux Etats Unis, dont la presse spécialisée américaine s'était fait l'écho.
"Il y a eu un regain d'intérêt" des Etats-Unis pour la Tunisie et le Maroc, deux partenaires de longue date, "car la région est devenue plus stratégique ces dix dernières années" avec la montée en puissance des groupes jihadistes en Libye et dans le Sahel, affirme le politologue tunisien Youssef Cherif. "Mais la Tunisie ne semble pas avoir donné son aval (aux Etats-Unis) pour utiliser son espace aérien et son territoire afin de mener des attaques", explique-t-il à l'AFP.
Direction Alger puis Rabat
En mai, le commandement américain pour l'Afrique avait dit envisager l'envoi de troupes supplémentaires en Tunisie au vu de la dégradation de la situation en Libye, ce qui avait déclenché une levée de boucliers dans le pays.
L'Africom avait ensuite précisé que ces troupes seraient uniquement chargées de formations et non de combat. A Tunis, M. Esper a également rencontré son homologue tunisien Ibrahim Bartagi à qui il a offert une réplique du pistolet de George Washington, premier président des États-Unis, soulignant "l'importance du contrôle du pouvoir civil sur l'armée et l'importance d'une armée apolitique". Il a fait cette déclaration à la veille de la première visite d'un ministre américain de la Défense depuis 2006 à Alger, où le pouvoir appuyé par les militaires a fait face à une contestation inédite.
L'armée tunisienne ne prend pas part à la vie politique. Le régime de Zine el Abidine Ben Ali s'appuyait sur la police. Le ministre américain achèvera sa tournée vendredi à Rabat, autre allié "majeur" dans la région.
AFP
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